Philip Roth, Laisser courir (Letting Go)
Je découvre Roth avec son premier roman, qui est aussi son plus long (700 pages en VO), une oeuvre de jeunesse très étrange, traversée par de grosses ambitions littéraires un peu poseuses (beaucoup de name-dropping pas très utile et discussions littéraires lourdingues faisant office de caractérisation des personnages), mais qui parvient à vivre tant elle est viscérale, tant elle exprime à l'os des désirs, l'incapacité de communiquer, et surtout, une terrible frustration sexuelle masculine née d'une incompréhension totale des femmes (Roth est souvent accusé d'être misogyne, et je comprends pourquoi à la lecture de ce roman : les femmes, pour son narrateur, ne sont que des objets lointains incompréhensibles et irrationnels, et c'est assez fascinant, du coup, de lire une telle mise à nu du désir masculin dans ce qu'il a de plus vulgaire).
C'est aussi un très beau roman sur la culpabilité : celle d'un homme acculé par son propre désir pour une femme mariée, qui va se muer en une sorte d'ange gardien pour elle et son couple au point de se perdre, obsédé par des choses qu'il ne peut pas avoir et qu'il rejetait du temps où elles lui étaient accessibles. Il y aussi tout en sous-texte lié au judaïsme et à sa prégnance bien qu'on en rejette la dimension religieuse.
C'est excessivement masculin, très froid et sec, c'est 700 pages de personnages qui s'engueulent sans se comprendre, c'est absolument pas dans l'air du temps, mais ça se lit tout seul. Je recommande.
Bref, un auteur que je vais clairement creuser, mais à petites doses.