Sinon le (contestable je crois, mais très beau et aussi très intéressant*) livre de Zourabichvili sur Spinoza et l'enfance ("le Conservatisme paradoxal de Spinza") cite une pièce de théâtre appellée "Vermeer et Spinoza", de Gilles Aillaud, de 1984.
Elle a été publiée à l'époque chez Christian Bourgeois, et est difficilement trouvable.
Elle est très belle et troublante.
Elle met en scène essentiellement Spinoza et ses élèves van Blijenbergh et Meyer. Vermeer n'apparaît que de dos, muet, dans une seule scène de quelques secondes, mangeant un youghurt, refusant par son sourire de peindre un portrait d'une corporation.
L'avant dernière réplique en est :
“Qui s'imagine qu'un autre le hait, et croit ne lui avoir donné aucun motif de haine, le haïra à son tour »Il s’agît bien sûr de la description d’un échec (la haine est à la fois une contingence et une détermination radicale du sujet par l'extérieur), pas d’un souhait.
Gilles Aillaud, le nom me disait quelque chose. C'est bien le même que celui qui a peint avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati "Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp" que l'on trouve au Musée Reine Sofia de Madrid
C’était un homme de théâtre mais aussi un peintre emblématique de la Figuration narrative, abordant, dans un premier temps, directement des sujets politique, puis, après mai 1968, animaliers :
Gilles Aillaud est le fils d’un architecte, Emile Aillaud qui a conçu beaucoup des cités HLM autour de Paris, dont la Grande Borne à Grigny. Son père s’opposait au fonctionnalisme du Corbusier, et pensait qu’en donnant aux cités une texture de village (grandes pelouses, bâtiments plus longs que hauts), la condition des habitants serait meilleure.
Malheureusement les cités qu’il a dessinées sont depuis les années 1980 le cœur des émeutes péri-urbaines les plus violentes.
http://www.leparisien.fr/grigny-91350/l ... 776203.phphttp://gottogotoheaven.over-blog.com/20 ... e-pas.html On peut se demander s’il n’y pas un rapport entre son père, et le fait que Gilles Aillaud a, après sa période plus directement politique, d’abord représenté des animaux dans des zoos dans des couleurs froides, avant de peindre l’animal seul, dans des peintures à la fois plus libres mais paradoxalement moins personnelles, plus conventionnelles . Ce paradoxe rejoint une problématique opposant Spinoza à son père : il lui fallait peut-être un détour par la pensée de Spinoza pour comprendre qu'une personnalité ne s'assigne peut-être pas par un déterminisme extérieur, et la convention est peut-être une protestation contre cette croyance (il me semble qu'il n'y a certes un idéal politique et éthique, mais pas d'utopie chez Spinoza, alors que les cités sociale se voulaient des utopies) :
Il est mort en 2005
* p 196 :
"[Un] choix est toujours entre un mal et un bien, voire entre deux maux ou entre deux biens : il relève d'un mécanisme affectif et ne laisse aucune place à l'indifférence. En effet le choix traduit une résistance à l'affirmation spontanée d'une nature, et suppose toujours au moins une autre nature. Pour que Dieu ait le choix, il faudrait que le fil du dehors passe en lui et compromette son identité. On ne s'étonnera pas de retrouver sur le plan de Dieu la même conséquence qu'au plan éthique: l'alternative n'est pas extérieure au sujet, elle est sa division, au moins tendancielle."La Datcha
Gilles Aillaud, Francis Biras, Lucio Fanti, Fabio Rieti, et Eduardo Arroyo
Louis Althusser hésitant à entrer dans la datcha 'Tristes Miels' de Claude Levi-Strauss où sont réunis Jacques Lacan Michel Foucault et Roland Barthes au moment où la radio annonce que les ouvriers et les étudiants ont décidé d’abandonner joyeusement leur passé.