GRAIN DE BITE
Je te viole de temps en temps. Pas tous les soirs, tu pourrais au moins le reconnaître. Je te méprise, mais il m'arrive de t'estimer un peu. Je vante parfois ton astuce, même si elle doit se sentir un peu seule dans une tête aussi grosse que la tienne.
- Tu m'accorderas que dans l'ensemble je t'aime plus ou moins.
Surtout quand j'ai trop bu ou fumé des joints longs comme des derricks. A l'occasion je t'injurie, mais il est rare que je le fasse en public. Tu n'es pas mon idéal de beauté, pourtant tu ne peux pas me reprocher d'appeler tes parents dix fois par jour pour leur reprocher de pas s'être foulés davantage. Ton salaire ressemble à un pourboire, ta santé est si mauvaise que pour égayer leurs javas les médecins se prêtent entre eux tes scanners. Tu n'es qu'une catastrophe en devenir. Pourtant je te pardonne, tu m'attendris, pauvre petit loser.
- Bande.
Je n'ai aucune envie que tu me baises, mais bande. Quand elle est molle, ta bite me déprime. On dirait une petite vieille transie qui n'arrive pas à se réchauffer devant son feu de brindilles. Ne me regarde pas, tu sais bien que tes yeux sont ternes comme du papier kraft. N'essaie pas d'exister, tu n'en as pas l'envergure. Contente-toi d'être une bite, et bande.
- Bande.
Tu es juste un petit bout d'humain, un grain de bite.
- Bande.
Tu devrais avoir honte d'être aussi flagada en ma présence quand je rentre épuisée du palais de justice après toute une journée de plaidoieries pendant laquelle j'ai défendu une flopée de délinquants sexuels dont la bite devenait dure comme la barre des témoins à chaque fois que la présidente leur adressait la parole.
- Bande donc.
Tous les hommes bandent. Les hommes ont toujours bandé. L'histoire est faite de bites d'airin affûtées comme des sabres, fuselées comme des canons, des avions crachant leur napalm avec la générosité d'un tiers-mondiste. Mes frères bandaient à défoncer les portes. Mon père à crever le plafond nuageux de Garges-lès-Gonesse. Il m'arrive même de rêver que je bande et que je me baise à ta place.
- Et voilà que maintenant ton sexe me fait la moue.
Pour qui se prend-il ce gamin insolent. Bientôt il va se permettre de rire aux éclats. De rire à en pleurer tant il se moque. Tant il est arrogant, drapé dans son fourreau comme un procurateur romain enroulé dans sa toge.
- Dis-lui de quitter immédiatement cette chambre.
De descendre comme il pourra l'escalier de service. D'ailleurs, tu n'as qu'à partir avec lui, je vois bien que tu es collé à lui comme un complice.