Un journaliste d'un grand quotidien le Evening Star
, Wallace Cook (Frederic March), passablement désabusé et lassé de son métier, est victime d'une imposture, ayant lancé un cordonnier noir qui se fait passer pour un philanthrope indien à la Rockfeller.
Il est muté à la section nécrologie du journal. Pour se refaire, il mène une enquête sur une jeune femme d'un patelin du Vermont, Hazel Flagg (Carole Lombard), ouvrière empoisonnée au radium, dont l'agonie est médiatisée et devient une cause morale nationale, sa résignation face à la mort est présentée comme une marque édifiante de courage et d'humilité morale .


Film court, typique de la screwball comedy, dans un technicolor somptueux (comme sur la Piste des Mohawk de Ford d'ailleurs, mêmes bleus denses). Le moindre intérêt du film n'est pas les superbes images de New York de l'époque, partagée entre la conscience arrogante de son essor et une forme de prémonition de la guerre - il y a d'ailleurs une belle scène de survol aérien de la baie de New York puis de Manhattan qui résonne tragiquement avec le destin de Carole Lombard.
Malgré tout la crise de 1929 n'est pas loin, l'imposture du film créé de facto une situation une situation où la prospérité matérielle repose sur une simulation : la richesse matérielle est à la fois une norme implicite, et quelque chose qu'il est impossible de s'offrir sans tricher : les personnages sont moins que leur apparence et peuvent devenir physiquement violent lorsqu'ils s'en aperçoivent. Situation du film noir, qui dans l'immédiat avant-guerre relève encore de la comédie. La sexualité et le couple sont le niveau où l'imposture devient transparente, révélée au grand jour, pardonnée mais aussi maintenue.
Le film est à cet égard étonnament subversif, et donne dans la dérision discrète du patriotisme, du pouvoir ainsi que de la morale dominante - le cynisme des personnages est la vérité morale et économique démasquée, que l'on n'essaie non pas de refouler, mais de rejeter, sans y arriver.
Il y a même une réplique assez étonnante sur l'anticommunisme placé du côté de l'hypocrisie morale commune (Ben Hecht au scénario et Frederic March étaient progressistes).
Sociologiquement il ya aussi une représentation assez intéressante, mais ambivalante d'un personnage noir, marginal, mais initiant la logique de simulation et de tromperie cynoque mais débonnaire (l'imposteur aspire à la reconnaissance plutôt qu'au pouvoir, qu'il vit comme un inconvénient - car celui-ci, même accepté, n'implique aucune réciprocité) qui se généralise ensuiteà tout le film (et qui revient une seconde fois lui-même berné par Carole Lombard, tout en accélérant la mise à nu du personnage, donc d'un certain côté réintégré dans la morale dominante) - difficile de juger s'il est valorisé ou dégradé, c'est plus retors, sa négativité morale correspond exactement à ce qui chez les personnages blancs est scrupule voire à la haine de soi, leur nihilisme la généralise et la dilue sans la critiquer.
Le film est encore drôle, étonnament moderne dans son montage, et certains extérieurs indiquent bien que le cinéma des années 50 a été une forme de régression, le jeu énergique et comique de Carole Lombard (genre Isabelle Huppert mais marrante) est remarquable. Mais il faut l'avouer un peu bâclé, il va presque trop vite. Le début dans le bled du Vermont est bien amené mais ensuite c'est le coït interrompu ou plutôt l'éjaculation précoce, les séquences s'arrêtant souvent au moment où elles commençaient à décoller (peut être aussi un biais amené par la modernité du film, résidant le postulat d'une comédie cynique sur les médias et d'un certain côté la pollution, qui invite le spectateur moderne à chercher dans le film plus que ce qu'il peut dire)
Et Carole Lombard >>> Katherine Hepbrun.
Par ailleurs
la Cité de l'Indicible Peur de Mocky est un peu un remake du début du film (le gag du "quoi" est même pompé tel quel sur les "yep" des habitants)