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MessagePosté: 02 Mar 2012, 01:45 
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Gojira (ゴジラ) en VO.

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Une série de disparitions de bateaux en mer provoque la perplexité des autorités japonaises. Lorsque l'île d'Ohto est à son tour victime d'une tempête destructrice aux propriétés étranges, un scientifique est envoyé sur place. Il découvre d'importantes traces de radioactivité parmi les débris...


Il est surprenant de découvrir que le film n'appartient pas du tout au registre sur lequel on nous l'a souvent vendu (= série Z carton pâte d'exploitation). C'est vraiment de la série B au sens noble, avec l'élégance-type des films d'horreur racés des fifties, dont les effets spéciaux n'ont pas à rougir. Pour être concret, il y a trois choses cheap : les gros plans du visage de la bête (malheureusement pas économisés, et gâchant sa première apparition), les rares effets dessinés à même l'écran (les plaques dorsales) et une courte attaque aérienne qui, sans doute parce que le monstre n'y est pour une fois pas filmé au ralenti, fait brusquement ressortir l'image du type en costume. Pour le reste, le spectacle est impeccablement minutieux, et gonflé d'une dimension picturale. L'essentiel n'est de toute façon pas là : ce qui donne une véritable force à ces séquences (et qui dévie le regard de la question du cheap / pas cheap), c'est qu'elles sont mises en scène dans une optique précise.

Car évidemment c'est politique, évidemment le nucléaire joue le rôle de métaphore mastodonte (les dialogues ne se gênent d'ailleurs pas pour le surligner), mais le film évoque en fait plus généralement la guerre tout court. Le son des pas de Godzilla façon Jurassic Park, bruit obsessionnel qui ouvre le film avec classe, suggère ainsi plutôt par la suite les bombardements (entendus par une famille qui dine, provoquant flash radio et urgence d'aller au refuge, pendant que les projecteurs scrutent le ciel au loin). Plus simplement, le film se pose clairement en gros recycleur d'images de guerre universelles, et ce de manière plus ou moins consciente. Les deux attaques phares du film (le tiers central) se font par exemple dans l'obscurité. Certes, le monstre a ses gros plans, mais il est aussi souvent une silhouette se confondant avec le noir du ciel, ou le pied géant qu'on devine à peine dans le fracas d'un bâtiment qui s'écroule... Je n'invente rien, le film est vraiment très précis là-dessus, ne serait-ce qu'en supprimant les bruits de pas lorsque le carnage débute : le monstre devient alors une ombre lente et silencieuse, et c'est du coup le chaos qui passe au premier plan. Celui-ci, ressassé avec une répétitivité à faire pâlir Michael Bay, enchaîné sans dramaturgie, se fait spectacle hypnotique de la destruction durant de longues minutes, la nuit donnant à ces visions l'allure d'un souvenir cauchemardesque refantasmé. Si je devais me la péter un choisir un titre pour parler du film façon cahiers du cinéma, ce serait ça : "La nuit". C'est vraiment le cœur de la vision d'Honda : il y a, dans la façon dont ce chaos est approché et monté (encore, et encore, et encore), un caractère évident d'image-trauma.

Obnubilé par ces images, Honda ne sait par contre pas réellement les gonfler d'une narration plus vaste. Les scènes humaines entourant la catastrophe sont tout aussi élégantes, voire même assez fines, mais ne parviennent ni à dessiner de vrais personnages, ni à imposer un véritable sujet qui pourrait harmoniser l'ensemble (la question de l'éthique scientifique arrivant un peu tard dans le film). Ça n'empêche pas de voir fleurir de jolies scènes (le père qui s'est isolé et qui demande à fermer la lumière, la sortie traumatisée du laboratoire aux aquariums, l'hôpital qui panse ses plaies sur le fond d'un chant radiophonique), mais globalement tout ceci est trop esquissé pour ne pas laisser froid, et ce n'est pas le final atrophié qui permettra à cette émotion embryonnaire d'aboutir (coincé entre les maladresses des acteurs en combinaison, le lyrisme convenu des martyrs célébrés, la morale scientifique récitée - il ne reste plus beaucoup de place). A partir du moment où le film fait le choix de ne pas se contenter de l'épure de la catastrophe, il crée un besoin d'intimisme qu'il n'est clairement pas en mesure de satisfaire.

Godzilla n'est pas stérile , il a quelque chose à raconter : le portrait d'un monde qui se souvient de la guerre après dix ans de paix inquiète. Il n'y a pas à lui disputer cette puissance-là, ce pouvoir d'évocation, ni son achèvement. Mais sorti de ces considérations, sa sécheresse fait qu'il est tout de même assez frustrant.


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MessagePosté: 02 Mar 2012, 13:46 
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Ouais, je suis d'accord avec toi sur les faiblesses, surtout au niveau de la narration.
Par contre le truc qui m'aide à rester dans le film, c'est le score d'Ifukube, énorme. Ça renforce vraiment la fibre traumatique du film.


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MessagePosté: 02 Mar 2012, 13:49 
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Ça m'a marqué aussi, les deux thèmes sont excellents (j'étais surpris par la musique finale sous l'eau en "contrepoint", je pensais vraiment que c'était une façon de faire de la musique de film très contemporaine, genre pas avant les années 70-80)


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MessagePosté: 02 Mar 2012, 14:24 
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Je trouve le film fabuleux. Bien entendu, il pâtit un peu de certains défauts (ceux que tu cites), de ses FX foireux, mais j'adore cette ambiance sombre, presque traumatisante, qu'il a, bien plus sombre que les séries B américaines de la même époque. Si je me souviens bien, il y a une réplique qui est directement liée à Hiroshima (mais j'ai un doute sur le fait que cette réplique soit bien dans le film ou si elle n'a pas au finale été coupée y compris dans la version japonaise).

C'est assez marrant de comparer les deux versions, d'ailleurs : la japonaise et l'américaine avec Raymond Burr.

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MessagePosté: 02 Mar 2012, 14:33 
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Cosmo a écrit:
Si je me souviens bien, il y a une réplique qui est directement liée à Hiroshima

Ah si, ils en parlent bien, plusieurs fois (pas d'Hiroshima directement, mes des dangers liés à la bombe atomique, des radiations, etc).


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MessagePosté: 02 Mar 2012, 14:37 
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Oui mais justement, il y aurait une "fameuse" réplique, quelque chose de lié directement à Hiroshima, mais je ne me souviens plus de la réplique exacte, ni surtout si elle est au final dans le film ou s'il s'agit d'une scène coupée (voire même d'une scène écrite et non tournée). Fait chier.

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MessagePosté: 02 Mar 2012, 14:39 
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Une recherche dans les sous-titres du Criterion donnent rien, donc pas dans cette version-là apparemment.


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MessagePosté: 02 Mar 2012, 15:03 
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J'avais été vachement surpris par l'aspect "néo-réaliste" du film quand je l'ai découvert (y'a bien dix ans), alors que j'avais déjà vu pas mal de films de monstres japonais bien kitchos. J'avais trouvé ça très couillu.

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MessagePosté: 02 Mar 2012, 15:07 
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Tetsuo a écrit:
J'avais été vachement surpris par l'aspect "néo-réaliste" du film quand je l'ai découvert (y'a bien dix ans)

Oui, c'est le plus étonnant. On a l'impression d'un réal "normal" qui s'essaye au film de genre pour en livrer sa version (bon, la suite prouve apparemment qu'il a viré spécialiste, mais voilà).


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MessagePosté: 12 Mai 2014, 00:23 
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Bon bah j'aurai pu écrire en tout point la même critique que Tom.

Comme lui, j'ai été surpris de trouver un "vrai film" et non une sorte de nanar cultifié pour avoir inventé un genre et pour son propos.
Un propos que je pensais plus sous-textuel alors qu'il est clairement évoqué, pour ne pas dire énoncé directement, dans les dialogues.
Le scénario ne se sert pas juste du trauma d'Hiroshima pour incarner son film, c'est carrément la thématique principale, à savoir une critique des dangers de la course à l'armement (cf. tout ce dernier acte, certes tardif, qui invente l'étape d'après la bombe A).

Au-delà de ça, c'est surtout bien moins ridicule que ce que je croyais aussi. Les effets spéciaux ne sont pas aussi datés que je le craignais (je me demande si la technique "man in suit" ne vieillit pas mieux que la stop-motion de King Kong), surtout qu'ils sont effectivement mis en scène avec une approche toujours intéressante, que ce soit la longue attaque inlassable dans une nuit aux allures de cauchemar ou ce magnifique climax que je n'attendais pas du tout, calme, poétique, presque onirique, avec cette musique tout douce à contre-emploi et cette lenteur du monstre qui se retourne sous l'eau. Vraiment classe.

L'intrigue humaine est un peu trop superficiellement exploité, c'est dommage, parce que le reste est vraiment habité.

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MessagePosté: 26 Aoû 2020, 13:07 
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Découvert hier et je partage l'étonnement de certains. Ça n'est clairement pas ce à quoi je m'attendais, et au final ce sont les à côtés inattendus du film qui m'ont plus et intéressés (tout ce qui touche au triangle amoureux Serizawa/Emiko/Ogata en particulier), plus que les moments "film de monstre" (Tom en parle très bien mais je me suis plutôt ennuyé durant les escapades de Godzilla, en particulier la longue séquence central à Tokyo. Ce sont forcément les moments qui ont le plus vieilli, c'est mou du genou, répétitif. Et puis hormis brailler et souffler du feu, j'ai trouvé Godzilla très limité, bien loin d'un King Kong dont le spectateur peut se sentir plus proche).

Cosmo a écrit:
Oui mais justement, il y aurait une "fameuse" réplique, quelque chose de lié directement à Hiroshima, mais je ne me souviens plus de la réplique exacte, ni surtout si elle est au final dans le film ou s'il s'agit d'une scène coupée (voire même d'une scène écrite et non tournée). Fait chier.

Dans la version diffusé par TCM, il y a bien une référence explicite, mais à Nagasaki, pas Hiroshima (une femme qui se lamente d'avoir survécu à la bombe atomique et de devoir de nouveau affronter un péril comparable).

Tom a écrit:
Car évidemment c'est politique, évidemment le nucléaire joue le rôle de métaphore mastodonte (les dialogues ne se gênent d'ailleurs pas pour le surligner), mais le film évoque en fait plus généralement la guerre tout court.

J'ai trouvé que ça allait au-delà, et que c'était encore plus couillu. Le film me semble être une remise en question frontale de la remilitarisation du Japon et de son passé belliciste, qui est directement incriminé dans le réveil de Godzilla (des essais nucléaires sous-marin qui aurait réveillé le monstre sans affecter son intégrité). Voir la conférence de presse où les officiels ne veulent pas que ses essais soient révélés au public (non pas qu'ils cherchent tant à les cacher à leur compatriote qu'à l'international), ce qui provoque l'ire de quelques femmes qui demandent au contraire que cette information soit divulguée et que le Japon stoppe ses essais. Godzilla c'est le spectre du Japon impérial en fait, que les officiels ou la vieille génération souhaite préserver (le professeur Yamane qui se lamente parce qu'on veux le tuer au lieu de l'étudier), que la jeune génération souhaite éradiquer pour pouvoir vivre. Film pacifiste soit, mais avec une grosse dose de remise en question de l'héritage nippon et de tous les excès qui ont précédés la seconde guerre mondiale, ce qui en ferait presque un précurseur de la nouvelle vague contestatrice japonaise.


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