Forum de FilmDeCulte

Le Japon se remet à grand peine de la Seconde Guerre mondiale qu’un péril gigantesque émerge au large de Tokyo. Koichi, un kamikaze déserteur traumatisé par sa première confrontation avec Godzilla, voit là l’occasion de racheter sa conduite pendant la guerre.

Je n'aurais pas cru qu'un Godzilla pourrait me foutre les larmes aux yeux but here we are.

En même temps, un film aussi nolanien ne pouvait que me parler.

Pendant longtemps, ma connaissance de cette licence se limitait à la version Roland Emmerich mais en 2014, la sortie imminente d'une autre adaptation américaine m'avait décidé à voir tout de même l'original qui m'avait, comme d'autres j'ai l'impression, surpris en étant ce que l'on appelle communément, nous autres cinéphiles, un "vrai film".
Il faut dire que l'image de ces kaiju eiga véhiculée par la pop culture, à travers des années de parodie et désormais de gifs, réduit les films à des bastons de mecs en costume cheapos.
Loin de moi l'idée d'insinuer qu'il n'y a aucune perle ni aucun film sérieux au sein des 26 films (que je n'ai pas vu) suivant le premier et précédant Shin Godzilla mais lorsque ce dernier sort en 2016, douze ans après le dernier et dirigé par le créateur d'Evangelion donc, avec ce préfixe qui signifie à la fois "nouveau", "vrai" et dieu", tout aussi fidèle soit-il aux tokusatsu old school dans sa fabrication, il témoignait d'un sérieux qui tranchait avec l'idée que l'on pouvait se faire d'un Godzilla.

Godzilla Minus One ne fait pas état d'une telle proposition auteurisante, si je puis dire, mais n'en demeure pas moins, malgré son approche plus classique, un film guidé par quelques parti-pris forts, notamment la période choisie pour situer l'action. En effet, il s'agit du premier volet non-contemporain de la franchise et si cela pourrait sembler être simplement un retour aux sources pour exploiter à nouveau la bête comme métaphore à peine voilée de la bombe et du trauma qu'elle a causé, le fait de se placer vraiment juste au lendemain de la fin de la guerre permet de faire un pas de côté à la fois plus général et plus intime, où le monstre devient le spectre de la guerre toute entière mais également une personnification de la culpabilité.

Et c'est là que le film surprend vraiment : c'est un vrai film de personnages. Le récit porte clairement une identité japonaise, c'est leur histoire, leur trauma, avec ce protagoniste de kamikaze qui a déserté et qui essaie de se reconstruire, comme tant d'autres, et si on ne peut reconstruire une ville complètement démolie par la guerre, on peut reconstruire une famille à partir des bribes disparates qu'il reste. Pendant de longues séquences, ça pourrait tout aussi bien être un drame post-capitulation sans la moindre bestiole nucléaire à l'horizon.

On ne tombe dans la chronique pour autant, la narration étant portée par la trajectoire de ce personnage nolanien, dans son remord et dans les motivations qui vont finir par l'animer, qui m'a beaucoup touché. Faut dire que le film dégaine régulièrement LA PETITE FILLETTE JAPONAISE LA PLUS MIGNONNE DU MONDE et chaque fois que je pense à ses circonstances familiales, avec ce père qui ne s'assume pas, mon coeur se brise comme une ville soufflée par Godzilla.
On note également un propos sur l'effort de citoyens qui n'obéissent plus au gouvernement, critiquée pour son attitude face à une guerre dont le caractère ingagnable est symbolisé par l'apparente invincibilité de la créature, mais choisissent d'agir (par la science!) pour l'avenir, symbolisé par une petite fille. C'est DUNKIRKSTELLAR!

C'est débile ce que je vais dire mais, face au classicisme du film, à son côté carré, à son Godzilla en images de synthèse, ce Minus One est un meilleur "Godzilla US" que les deux Godzilla US.

D'ailleurs, on ne voit Godzilla finalement que dans, quoi, quatre scènes? Mais quelles scènes! Dès l'introduction, tu as un sens de l'échelle qui est nanisant, puis plus tard un morceau de bravoure sous influence des Dents de la mer d'une intensité folle (avec une BO là aussi nolanienne, qui enfle, qui enfle) ou une séquence baignant dans l'effroi de la démolition, la destruction n'étant jamais porn... Quatre scènes sur 2h05 et ce n'est jamais frustrant parce que le drame humain est réussi. Gareth Edwards could never.

C'est un, si ce n'est le, meilleur blockbuster (live) de l'année. Et aisément le meilleur Godzilla que j'ai vu.

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Pathé La Villette Imax ça vaut le coup ?

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Bien envie de le voir mais 22€ mdr.

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CroqAnimement votre

J'ai craqué, j'y vais à 15h.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

C'est là que je l'ai vu et c'était mortel.

Précision : il n'y a pas de scènes tournées en IMAX (même 1.90). C'est juste une exploitation IMAX pour un grand écran, un son maousse et un prix abusé.


Vrai cinéphile.

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J'espère que c'est mieux que Shin Masked Rider car tu étais très très bien luné ( ou moi très mal c'est une autre possibilité )

Hahaha nan mais Shin Kamen Rider, je suis conscient des limites, mais quelque chose m'a parlé, ici c'est quand même beaucoup plus user-friendly, plus classique.

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Non mais c'est un bon film, ce Godzilla. Je suis d'accord avec Freak, le film pourrait presque se passer du monstre pour nous raconter le Japon de l'après-guerre façon les bas-fonds de Kurosawa.

Mais bordel ça veut dire quoi "Shin" au final ? C'est un univers partagé ? Un nom japonais qu'on met à toutes les sauces ?

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

en plus c'est aussi une marque de vêtements.

Heureusement que je l'explique dans mon message.

Fallait que je le mette EN EXERGUE ?

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Message que je n'avais fait que survoler pour ne pas me spoiler. J'avais par contre vu l'adjectif nolanien, et je l'ai retrouvé formellement, avec notamment cet étalonnage bleu/acier en extérieur et ces couleurs chaudes et boisées en intérieur (putain si un étalonneur nous lisait...).

Bon, concernant la saga GODZILLA, j'avais vu le premier, puis MOTHRA, puis les films américains. Et en effet ça fait plaisir de voir un GODZILLA d'époque. Avec cette réinvention de ses origines ou du moins de sa symbolique, le monstre devenant rien moins que la guerre elle-même. En ça le film est fort, surtout lorsqu'il offre quelques images frappantes, notamment cette pluie noire que ne renierait pas Shoei Imamura.

Et c'est un vrai film de personnage en effet, tu sens la volonté de les faire exister et de raconter quelque chose. Mais le film marche mieux dans son portrait social à grande échelle, ce récit collectif d'un pays qui essaie de se reconstruire, que dans le portrait du héros en lui-même, où ça reste peu en surface et gentillet. Pour un perso qui était un kamikaze, donc avec un death wish quand même relativement fort, le protagoniste reste assez cool et relax. Ça manque quand même de torture psychologique, d'un edge quoi. Je sais qu'on est dans un film de lézard mutant géant donc il faut pas le lire comme un Nuri Bilge Ceylan, mais les auteurs appuient bien le fait qu'ils font un vrai film, et malheureusement ça reste assez soft sous la surface. Et Mais bon là je fais la fine bouche, ça reste objectivement étonnant pour ce genre de film.

Concernant le monstre, au début je me suis étonné de sa petite taille. Compensée heureusement par une démarche particulièrement reptilienne et animale. Par la suite il devient gros et là il retrouve ses atours de mec en costume, bien mastoc, avec sa tête figée dans un rictus cruel. Et là le film réussit là où le Emmerich échouait totalement: assumant d'en faire un animal vaguement naturel, on ne savait pas trop pourquoi on devait espérer qu'il meurt (Edwards par contre s'en tirait bien en faisant de la bête une personnification "gentille" de l'équilibre de la nature vs. les Mutos agents du chaos). Bref, ici par contre, Godzilla est un pur et vrai méchant. Jouissif à souhait. Il cartonne.

Par contre, si le parcours et la densité des personnages écrase tout ce qu'il y avait dans le Edwards, je préfère néanmoins ce dernier pour le filmage du monstre. Mais franchement ça reste bien et avec plein de plans qui claquent, surtout lorsqu'ils sont soutenus par un score profond et dantesque.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

La zik est tellement démente.

Oui je voulais mentionner ça aussi dans ma critique, je suis content qu'ils rejouent pas la carte du Dieu de la nature.
Dans Shin Godzilla, c'était Fukushima, c'était une bonne alternative aussi comme update.

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Exception faite des morceaux empruntés à Ifukube, je n'ai pas goûté la zique qui sert uniquement de béquille émotionnelle. Un marqueur de son temps comme la scène où notre héroïne fait des barres parallèles comme Black Widow accrochée à un wagon détruit, au mépris de toute logique et du parti-pris "sérieux et réaliste" affiché jusque-là. Mais je veux bien accepter ces concessions à la modernité parce que le reste est fort réussi.

Tel Tuck Pendleton c'est un film "zéro défaut" où tout s'emboîte, se répond et est justifié. La seule critique qu'on pourrait émettre c'est que le film évite sciemment toute idée foutraque ou la pointe de folie qu'on est en droit d'attendre d'un Godzilla. On n'est pas là pour rigoler mais opiner du chef face au décorum tragique qui explicite les raisons pour lesquelles Godzilla est bougon et va tout envoyer valdinguer dans le décor.
Par exemple, on nous ressort la version du Godzilla-dinosaure de la Seconde Guerre mondiale de Godzilla vs King Ghidorah mais pas le fameux androïde M-11 du même épisode :



Ce n'est pas ce genre de film, il faut l'accepter.

Mais ce remake à peine déguisé de l'original, affairé à réactualiser le monstre et donner quand même aux personnages une interaction plus physique avec lui, reste néanmoins à des lieues du navet de Gareth Edwards.
A l'époque les journalistes avaient tenté de vendre le bouzin en citant Jaws (...) : là, Minus One le cite ouvertement et remporte la mise sur tout.
À part deux petites discussions qui se répètent histoire que les deux du fond suivent j'ai constamment accroché au déroulé de la parabole sur le parallèle entre Godzi et les soldats traumatisés voués à rejouer une guerre foirée. Les conséquences de la guerre, son impact écologique, moral et matériel, ont toujours été au cœur de la série, mais c'est vrai que celui-ci adopte l'idée (là aussi fort moderne) de l’introspection psy et de l'impuissance face à la réalisation que le monde est un peu dégueulasse et la situation pas gégé.

Le léger parallèle avec la situation actuelle de désenchantement post-COVID dans le discours du scientifique ("on aurait pas un peu traité la vie par-dessus la jambe ?") tend également un miroir apaisant entre nos deux temporalités, celle du film et celle de la salle. C'est sérieux mais pas sans fondement.

Mais surtout le tout est vraiment bien mis en boîte visuellement, ça utilise au mieux ces effets et ça se termine comme on veut que ça se termine, tout en restant en cohérence avec le point de vue adopté : "le sacrifice c'est très con".

Bref, cela est juste et bon.

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