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MessagePosté: 10 Oct 2017, 23:02 
Un village africain, au coeur de la forêt. La communauté vit dans une relative harmonie, malgré les chamailleries. Une menace pèse pourtant : les engins des forestiers passent et repassent, les arbres sont abattus. Les hommes lavent le linge dans un marigot. Les femmes, amazones mamelues, pratiquent la chasse à l'arc. Deux belles filles se disputent un garçon qui leur plaît. Soutoura dort sous son arbre et ne se réveille que pour manger, ce qui irrite Okonoro, son épouse. Elle préfère rompre et aller vivre avec Yéré. La guérisseuse Badinia est très habile : elle réussit à recoudre la tête coupée d'un garçon qui n'en gardera qu'une cicatrice et une légère gêne... Le soir, tous se réunissent pour regarder le soleil qui se couche. Puis on chante et on danse, dans la nuit percée par les phares des camions.

Sur la place, Bouloudé a terminé son puits, mais il est sec. Badinia prie l'idole, l'eau apparaît enfin et la pluie se déchaîne. Un jour, un camion s'arrête, des forestiers en descendent, se disputent et repartent sous le regard miindifférent, mi-hostile des villageois. Mais quelques filles fréquentent les ouvriers, qui donnent des bonbons aux enfants. Et les arbres tombent de plus en plus près des maisons.
Un enfant naît; il portera le nom d'une vieille femme, ce qui signifie qu'elle doit mourir. Une adolescente parée vient l'en avertir. La vieille monte sur un cheval étique qui disparaît dans la forêt et revient seul. L'adolescente pleure d'avoir rempli sa terrible mission mais la fille de la morte la console. Okonoro part un matin avec enfants et bagages dans la jeep d'un contremaître. Yéré la recherche. Dans sa marche vers la ville, il croise les représentants de la Religion, de la Police et de la Politique. (Ciné club de Caen)


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Chef-d'œuvre inclassable et déroutant. Un début qui fait penser à Tabou de Murnau et à Tati- idéologiquement et formellement le film rappelle beaucoup Playtime, par le mentir-vrai endossé par les décors matériels et un lieu reconstruit plutôt que par les psychologies (ce n'est pas si loin non plus de l'humour cruel, assez brechtien en fait, du Mandat de Sembène) , mais le fait d'assumer entièrement la fiction et la situation au détriment du nom (le film est sans doute en langue mandingue, mais pas traduit, en dehors de quelques ironiques cartons muets) annule l'exotisme. C'est ce qu'un blanc peut faire de plus honnête sur l'Afrique (cela a à voir avec la démarche de renonciation au parlant sans verser non plus dans l'artifice nostalgique du muet) . Vision écologique sincère, mais qui n'est pas assénée. Les 15 dernières minutes avec la sortie de Yéré du village où la ville et les voitures (roulantes ou carcasses) sont montrées comme des idéologies matérialisées et figées, au même titre que (en fait, pas tout à fait, car la religion et la politique médiatisent la ville et la technologie) l'Islam, le catholicisme ou le communisme nationaliste sont très fortes, anticipant les migrations actuelles. Les acteurs sont excellents.
Le travail sur le son et le plan (pas de zoom, mais des travellings et panotage complexes mais fluides depuis le centre du village qui découvrent toute l'action et en préservent la durée sans que cela ne tourne à l'athlétisme esthétique d'un Bela Tarr) est remarquable.


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MessagePosté: 12 Oct 2017, 19:04 
Durant le voyage qu'il entreprend du village (qui, en son absence brûlera, la population chassée par les forestiers, le titre italien du film est marquant : "Un Incendie vu de loin") vers la ville pour retrouver l'intrigante et rétive Okonoro, Yéré croisera une mosquée, une église, un poste de douane et une assemblée politique où il recevra successivement : un bonnet de prière, un pantalon, une chemise puis finalement une chèvre. Inconsolable, il n'y prête guère attention. Il s'agira pourtant de la dot qu'il pourrait échanger pour récupérer celle qui le fuit. La valeur d'échange est directement indexée sur le deuil amoureux (comme d'ailleurs dans les Favoris de la Lune).
Pour Iosseliani le statut de victime n'est ni individuel ni collectif, il caractérise le sujet anthropologique général, l'espèce humaine. C'est une forme et une fonction autant qu'une limite.
La force du film c' est que le silence nomme, les cartons muets, mystérieux (on y retrouve en bas à droite un petit signe qui semble provenir d'un alphabet africain) énoncent à la fois les noms et les passions. La grande force morale du film de faire réside dans la rigoureuse correspondance de ces deux éléments avec la distinction entre soi-même et l'autre, ce qui impose de recréer devant la caméra un monde, et également de faire, sans aucune complaisance envers l'ésotérisme, de la totalité le principal sujet de la fiction.


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