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MessagePosté: 18 Avr 2020, 15:36 
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Vie et mort du gangster dublinois Martin Cahill.

Grosse claque que ce film étonnant sur un gangster plus grand que nature, son rapport anarchiste à la société, sa vie comme une provocation pour échapper à un quotidien désespéré.

Boorman présente le business crapuleux de Cahill avec assez de recul pour qu'on aime le personnage sans oublier ce qu'il est : un chef d'un gang très efficace mais plutôt minable, évidemment violent, sans grande ambition, jusqu'à deux très gros coups (dont un qui entraînera sa chute) mais motif de fierté vu dans quoi il l'a construit.
Fierté mal placée d'un pseudo Robin des Bois qui met des travailleurs au chômage.

Ce sont pas des Italiens, comme Cahill le dit, pas de place pour du glamour à la Coppola.
Un gangster de cinéma comme on voit rarement. Assez malin et déterminé pour vivre confortablement. Malgré son surnom, ce n'est pas lui qui tombera en cherchant à se tailler un empire.
Un empire l'aurait empêché d'être libre. Même si sa liberté finira en prison (et les nuits en prison lui assurant la liberté).
Une liberté aussi très idéalisée pour un homme incapable de quitter son quartier et n'acceptant pas de changer de statut social en allant faire la queue pour les allocs.
Les gangsters dublinois de Boorman sont comme dans la vraie vie (Italiens ou pas, Saviano insiste bien sur le côté beauf des mafieux) et si la loyauté existe, c'est d'abord pour des raisons pratiques. Cahill finira par se retrouver seul surtout à cause de son régime alimentaire et sa provocation qui vont le fragiliser physiquement et mentalement.
Mais jusqu'au bout, il affiche son côté bravache et anarcho, emmerdant les autorités qui pensent tenir un pays fragile. Ayant juste besoin de pigeons pour qu'on le laisse tranquille, pour s'évader quand d'autres se défoncent la gueule dans tous les sens du terme pour supporter.

Anti-spectaculaire par l'angle choisi de son sujet, la mise en scène de Boorman n'en est pas moins d'une personnalité folle et jazzy, comme sa bande-son. Comme la vie de Cahill. Comme la carrière de Boorman qui n'en finit pas de changer de genre avec ce film tout en ambivalence.
Avec ce N&B qui nous emmène vraiment à une autre époque, alors que ça se passe 10 ans auparavant, mais Cahill n'est déjà plus de son époque. Refusant la destruction de son quartier. Quartier pauvre mais dans lequel il a grandi : Hollyfield. Et surtout sans confiance envers le nouveau programme immobilier promis par ceux-là même qui le harcèlent depuis l'enfance : les autorités.

Le gars est très rusé mais il fallait être en Irlande dans les années 80 pour réussir ses coups, tout en narguant publiquement les autorités sans se faire gauler.
Une intelligence supérieure contrebalancée par un côté rustre. Une sympathie par une violence et une antipathie dès que ses affaires sont menacées. Un père de grande famille bigame qui est resté un enfant. Une liberté sous surveillance. Un visage constamment caché pour mieux se faire remarquer.
Tout le film repose sur une fuite impossible de la réalité, d'un idéal de bonheur rêvé sur lequel la pourriture finit par tout recouvrir.

Intéressant de comparer ces deux prix de mise en scène à Cannes aussi.
De Leo the Last quasi-expérimental et optimiste, son General est bien plus classique et désenchanté. Quand le noble observait la rue, le général de Dublin se met constamment en scène, joue toujours la comédie. Seul point commun entre le riche noble et le pauvre popu : un désir de liberté.
Si on compare à Point Blank, l'autre film de truand de Boorman, étonnant aussi de constater à quel point The General est à l'opposé dans la forme et dans le fond. La débauche de couleurs de Point Blank face à un N&B. Et son organisation criminelle tentaculaire alors que l'armée du General se limite aux amis d'Hollyfield, un gangster à l'ancienne. Se refusant à aller plus loin que son quartier, il se moque de la question irlandaise.

Avec assez peu des thématiques classiques de Boorman.
L'homme n'est pas cette virilité sexuée (quoi que s'assurer la fidélité de deux frangines... qui tombent surtout sous le charme d'un homme qui les respecte et trouvent des raisons bien futiles pour oublier ses activités). La Nature n'existe que pour planquer des magots. Et la transcendance n'est de mise que par la réputation.
Tout juste la mémoire est la seule foi pour ne pas oublier la ligne de conduite choisie pour assumer sa liberté. Même si Cahill se raconte des histoires, s'invente une stature comme l'enfant qu'il est. Dans un monde où les disques d'or n'ont d'or que la peinture.

Boorman s'attaque aussi franchement aux institutions officielles ou non, et que ce soient les Loyalistes, les Républicains de l'IRA, la Garda, et l'Eglise aucun ne trouvent grâce à ses yeux, tous n'étant que des menteurs, manipulateurs sous des oripeaux qu'ils voudraient dignes.

Plutôt gonflé, même si ça reste à la mesure de la petite Irlande, et on imagine un côté misanthrope et franc-tireur d'un réalisateur qui ne sera jamais devenu une star hollywodienne obligé de faire un petit film. Grand bien lui fait parce qu'il n'est pas du tout aigri, et après le lourdingue Rangoon, Boorman revient avec une grande réussite au sillon humoristique qu'il a commencé à franchement tracer avec Hope and Glory.
Finalement beaucoup plus drôle que sa comédie revendiquée Where the Heart Is, car beaucoup plus authentique, le personnage réel est de toute façon une vraie pépite pour se faire plaisir. Porté par la révélation Brendan Gleeson, ça ne peut être que du bonheur.
Dans chaque scène, il porte le film, épaulé par un excellent Jon Voigt (qui dort la conscience tranquille) et de pittoresques second rôles.

Avec Gleeson, il va entamer une collaboration encore plus poussée qu'avec Marvin. Mais la première restera la meilleure. The General est le dernier grand Boorman.


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MessagePosté: 18 Avr 2020, 15:46 
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Je ne me souviens plus de The Tiger's tail, que je t'avais recommandé. Depuis le début de la rétrospective, la hâte ne fait que s'accentuer d'avoir ton avis sur la question. Je n'ai pas de très bon souvenir de The General mais j'avais dû voir dans de mauvaises conditions.


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MessagePosté: 18 Avr 2020, 16:56 
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Vu à Cannes à l'époque, j'avais trouvé ça excellent.

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MessagePosté: 18 Avr 2020, 23:09 
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Dans mon top 5 des Boorman et selon moi un des meilleurs films des années 90. Méconnu à tort.


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MessagePosté: 19 Avr 2020, 07:32 
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tape dans ses mains sur La Compagnie créole
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Ça fait 22 and que je veux voir ce film.

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MessagePosté: 19 Avr 2020, 14:52 
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bmntmp a écrit:
Je ne me souviens plus de The Tiger's tail, que je t'avais recommandé. Depuis le début de la rétrospective, la hâte ne fait que s'accentuer d'avoir ton avis sur la question. Je n'ai pas de très bon souvenir de The General mais j'avais dû voir dans de mauvaises conditions.

J'ai d'ailleurs commencé ma rétrospective par The Tiger's Tail, avant Leo the Last et Where the Heart Is, films que j'avais pas vu, et ça m'a donné envie de faire ces critiques, parce que trois topics seulement, c'était quand même un peu léger pour ce réal.

Je ne suis pas sûr que Boorman ait beaucoup de fans mais découvrir ces deux films qui montrent à quel point l'environnement urabin est important pour lui, pas que l'environnement naturel comme je le pensais, ça ajoute une grosse cohérence à une filmo à première vue disparate et une valeur d'actualité chaque jour plus évidente.
En tout cas, personnellement, le fait que j'appréciais autant ses films les plus connus gamins, ça a encore plus de résonance aujourd'hui.

Au déconfinement, je vais me prendre le livre de Ciment, histoire de voir si j'ai pas dit trop de conneries.
Et je lirais le roman de Boorman, même si ça se passe dans le milieu du cinéma et que ça ne me parle pas trop.

Ca fait poncif, mais ouais, c'est un réal qui mérite d'être redécouvert. Même si le relatif oubli lui est imputable à une baisse de qualité indéniable.

Parce que revois The General, ya pas photo avec The Tiger's Tail.
C'est compréhensible que ce ne soit pas sorti en salles en France. Même si ça reste effectivement un film intéressant parce que riche en thématiques, visionnaire et finalement très original, surtout dans le cadre du film irlando-britannique à visée sociale.


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MessagePosté: 19 Avr 2020, 18:05 
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Non mais les films de truands m'intéressent peu à quelques exceptions près, de crime organisée pour être plus précis. Tiger's tail est peut-être moins mais parle plus à ma sensibilité. Aucun souvenir mais j'en garde l'idée d'un film rêveur, un peu métaphysique, qui laisse voir un peu de rivages irlandais..


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MessagePosté: 19 Avr 2020, 19:43 
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Le livre d’entretien de ciment est excellent. Perso j’ai été pris de boormanite aiguë il y’a quelques années mais bizarrement je n’ai pas cherché à découvrir ses deux derniers films. Je l’avais quitté sur in my country (Pas désagréable mais plus aucun souvenir)


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MessagePosté: 19 Avr 2020, 20:34 
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bmntmp a écrit:
Non mais les films de truands m'intéressent peu à quelques exceptions près, de crime organisée pour être plus précis. Tiger's tail est peut-être moins mais parle plus à ma sensibilité. Aucun souvenir mais j'en garde l'idée d'un film rêveur, un peu métaphysique, qui laisse voir un peu de rivages irlandais..

The General est justement particulièrement atypique dans le genre.

C'est ça, pour The Tiger's Tail. Sauf pour les rivages irlandais. Enfin, il y a une scène à la plage mais c'est pas du tout dans le typique irlandais et c'est un des intérêts du film.
Ya aussi la fin à la "Excalibur" mais c'est au départ du fleuve Liffey.
Cantal a écrit:
Le livre d’entretien de ciment est excellent. Perso j’ai été pris de boormanite aiguë il y’a quelques années mais bizarrement je n’ai pas cherché à découvrir ses deux derniers films. Je l’avais quitté sur in my country (Pas désagréable mais plus aucun souvenir)

Ok, cool.
J'ai eu une boormanité aiguë au lycée à louer les VHS mais, pareil, complètement sorti des radars avec In my Country (qu'a vraiment pas grand chose de marquant). J'avais même pas tilté qu'il avait sorti son dernier film en 2014.


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MessagePosté: 18 Avr 2021, 15:18 
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J’en ai toujours entendu du bien, certains en parlant même comme l’une des pépites "méconnues" des années 90.

Et donc je suis un peu déçu…

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
un gangster plus grand que nature, son rapport anarchiste à la société, sa vie comme une provocation pour échapper à un quotidien désespéré.

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Boorman présente le business crapuleux de Cahill avec assez de recul pour qu'on aime le personnage sans oublier ce qu'il est : un chef d'un gang très efficace mais plutôt minable, évidemment violent, sans grande ambition, jusqu'à deux très gros coups (dont un qui entraînera sa chute) mais motif de fierté vu dans quoi il l'a construit.


En phase avec ça. Mais déçu par le manque d'ampleur de l'ensemble, bien que je reconnaisse à Boorman le fait de n'avoir pas calquer les codes du film de gangster ou du rise and fall (sans opposer les films on est dans l'anti Casino par exemple).

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Une liberté aussi très idéalisée pour un homme incapable de quitter son quartier et n'acceptant pas de changer de statut social en allant faire la queue pour les allocs.


Ouais, y'a un vrai truc dans cette scène, le mec donnant des instructions tout en allant chercher ses allocs... Mais ca reste en dedans, j'ai pas l'impression que ce truc génial et porteur de sens soit vraiment exploité..

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Anti-spectaculaire par l'angle choisi de son sujet, la mise en scène de Boorman n'en est pas moins d'une personnalité folle et jazzy, comme sa bande-son. Comme la vie de Cahill. Comme la carrière de Boorman qui n'en finit pas de changer de genre avec ce film tout en ambivalence.
Avec ce N&B qui nous emmène vraiment à une autre époque, alors que ça se passe 10 ans auparavant, mais Cahill n'est déjà plus de son époque. Refusant la destruction de son quartier. Quartier pauvre mais dans lequel il a grandi : Hollyfield. Et surtout sans confiance envers le nouveau programme immobilier promis par ceux-là même qui le harcèlent depuis l'enfance : les autorités.


Entièrement d'accord avec tout ça, tout l'aspect formel témoigne d'un choix formel assez judicieux de la part de Boorman.

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Un visage constamment caché pour mieux se faire remarquer.


J'imagine que ces mimiques pour se cacher le visage est un détail véridique, mais dans l'illustration ça manque un peu de sens...

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Tout le film repose sur une fuite impossible de la réalité, d'un idéal de bonheur rêvé sur lequel la pourriture finit par tout recouvrir.


Bien vu (la référence à la scène des tableaux).

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Et son organisation criminelle tentaculaire alors que l'armée du General se limite aux amis d'Hollyfield, un gangster à l'ancienne.


Bande qui est très mal introduite, on ne comprend qui vient d'où, qui est qui... J'aime le côté bande de types un peu random, une bande d'amis comme tu le dis, de malfrats à la petite semaine, mais bon ça manque de profondeur de réalité je trouve...

Bêtcépouhr Lahvi a écrit:
Brendan Gleeson, ça ne peut être que du bonheur.
Dans chaque scène, il porte le film


Grave.

Voilà, un peu déçu, ça mérite sans doute d'être digéré, le côté anar et désespéré du film fait mouche mais je m'attendais à ce que ça passe la vitesse supérieure tout le long...


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