En Afrique du Sud, la rencontre de deux journalistes, l'une afrikaner, l'autre afro-américain, couvrant les audiences de la Commission de la Vérité et de la Réconciliation.
La raisonnable gravité ne va décidément pas à John Boorman.
Même si c'est plutôt difficile à admettre, on s'ennuie moins avec l'action, pourtant pas folle, de Rangoon, l'autre volet du dyptique "histoire immédiate", que dans la solennité des audiences de In My Country.
Et ce sont les meilleurs moments du film.
Le pire étant l'histoire d'amour. Ou les entrevues avec le militaire-tortionnaire. Ou les paysages filmés du ciel avec force chants africains (manquent le survol de springbocks au galop et le baobab au crépuscule).
Avec insert de début et de fin. Evidemment.
Plus la voix-off (même si il y a un jeu diégétique... vite fait).
Ah et les dialogues au sein de la famille afrikaner en anglais... Alors qu'en plus, ya eu 3 phrases échangées par Binoche (doublée sûrement, parce que déjà l'accent en anglais...) avec une random en afrikaner pour faire authentique à un moment.
C'est pas possible.
En fait, pris chaque élément de son côté, il y a de la belle matière mais l'agencement est sans queue ni tête et tous finissent par se désamorcer les uns après les autres, entrecoupés de fondus au noir qui n'ont aucun sens.
Avec tellement pas de travail, ou si peu, sur les cadres, les profondeurs de champ, le montage.
Ca fait mal.
In My Country ne cherche pas prétexte à enquête journalistique à suspens ou flashbacks violents sur les exactions, en trouvant quand même le moyen de tomber brièvement dedans.
Non, dans le cliché holywoodien de "la petite histoire dans la grande", ça sera la romance.
L'idée est pourtant jolie dans le contexte d'un apaisement par ses deux personnes, une Blanche sudafricaine et un Noir américain, qui s'affrontent et se trouvent, pour supporter des témoignages glaçants, mais le didactisme scolaire du début est trop faible pour nous atterrer.
Alors quand se développe cette histoire d'amour qui devrait nous faire respirer et espérer, elle ne fait que parasiter le propos sur le témoignage des victimes et les réactions des bourreaux.
En insistant sur les réactions empathiques du duo face aux témoignages, Boorman disperse la notre. Comment s'identifier aux victimes quand le réal insiste pour qu'on s'identifie d'abord aux personnages s'identifiant aux victimes ?
Le gros problème du film étant le personnage de Binoche et... Binoche.
Pas une seconde tu entends parler une Afrikaner. Et dans le contexte du film, c'est pas possible. D'autant que son personnage est incroyablement naïf.
Alors, ça donne une bonne scène où elle délire. Peut-être bien la seule scène qui tient un truc (celle du gamin et celle du papy sont pas mal aussi mais c'est tout). Mais le reste du temps, elle passe son temps à chialer et la caméra insiste tellement plus sur elle que sur les victimes que celles-ci deviennent une sorte de prétexte tire-larmes plutôt gênant.
Et trop difficile de croire à la conclusion de son histoire familiale après avoir passé le film avec une nana, certes un peu à part mais restant dans son milieu, et convaincue de l'avenir radieux qui se prépare pour son pays.
A 20 ans, ok, mais pas à 40 ans, 3 enfants, et bossant pour l'édition et les media (elle est poétesse et à ce titre, bah à fleur de peau...). Elle est supposée présentée à Jackson la complexité de son pays alors qu'elle n'a pas compris grand chose durant sa jeunesse.
Pays qui ne prendra jamais chair. Et venant d'un gars comme Boorman, ça fait mal.
Bourré de nuits américaines, on ressent jamais l'immensité du pays (à un fondu près) ou les différentes communautés.
D'autant que le monde des Noirs sudafricains se limite à l'entrée et les cours d'audience. Alors on voit l'opulence des Blancs mais pas la pauvreté matérielle noire, autre violence et il n'y a que l'Américain pour l'évoquer dans une phrase.
Et overdoses de paysages cartes-postales.
Honteux.
Le perso de Jackson est déjà mieux écrit mais il peut pas faire le couple à lui tout seul. Et son rapport avec Gleeson, qui joue un militaire tortionnaire afrikaner, (accent limite mais ça passe beaucoup mieux que Binoche) est charcuté et des bouts sont balancés par ci par là dans le film de façon incompréhensible.
Alors on a compris que c'était un salaud mais on n'a pas le temps de le détester, les séquences étant tellement courtes et éparpillés, le malaise ne s'installe jamais vraiment.
Dommage dans le sens où Gleeson propose quelque chose dans le dernier tête à tête.
Dommage aussi pour Jackson qui fait ce qu'il peut.
Faudrait refaire le film mais en renversant l'importance ITV de Gleeson par Jackson / histoire d'amour.
Et revoir tout le montage du truc.
L'ingé son sudaf noir reste dans le cliché du sage détendu mais n'existe qu'en faire-valoir et sa sagesse n'a alors pas beaucoup d'épaisseur. Le mec est déjà totalement dans la réconciliation. Une fêlure, un peu de doute de sa part aurait apporté un peu plus de subtilité. Ou au moins un développement sur son passé pour comprendre sa sérénité.
Vrai gêne à voir son personnage relégué au rang de 3e larron, ses potes sudafs noirs en figuration.
Et l'employé de la ferme de Binoche est sous-exploité.
Alors Boorman insiste sur le concept humaniste d'Ubuntu (l'interconnexion des êtres) mais tellement en le réexpliquant 2-3 fois qu'il avoue par là avoir été incapable de le montrer à l'écran.
On apprend au moins quelque chose.
Le film multiplie les témoignages, accompagnés de jolis chants sudafricains, mais ne dépasse jamais l'ambition de faire un film pour classe de collège.
Voir primaire. Même la scène d'amour c'est bisou/étreinte/fondu au noir.
Vraiment le seul intérêt de ce film : témoigner d'un processus de changement de régime dictatorial raciste à la démocratie dans la parole et l'apaisement.
Mais mieux vaut regarder un documentaire sur le sujet.
Tout juste retrouve-t-on cette thématique du mensonge. Et une première entaille à l'héritage familiale depuis Leo the Last. Même si la vie de couple reste un refuge.
Quelques "où est Charley Boorman ?". Dont un où il triche, parlant de son photo-reportage en Birmanie.
Est-ce que ça valait vraiment le clin d'oeil, John ?
Triste de voir Boorman commettre un de ses plus mauvais films sur un sujet pareil.