Forum de FilmDeCulte

J'ai découvert Délivrance il ya quelques jours, mon premier film de l'année. Je connaissais la réputation du film mais c'est allé au-delà de mes espérances. Film incroyablement oppressant, qui exemplifie bien l'idée d'une dégénérescence des communautés campagnardes... C'est aussi remarquable dans la façon d'instiller le doute quant à la réalité des faits: le type à lunettes a-t-il été shooté ou s'est-il suicidé? le deuxième homme au fusil était-il un chasseur isolé ou un membre d'une chasse à l'homme programée? quel rôle la psychologie d'hommes traqués a-t-elle joué dans les événements?

Cueilli à froid également par la dernière partie, qui donne l'impression de casser le rythme du film notamment parce qu'elle brise l'unité de lieu et de temps, mais qui avec le recul, fait encore gagner de l'épaisseur à ce grand film.

En revanche... c'est quoi ce "fameux plan" mentionné dans ce topic?

Tout pareil, un de mes films préférés. Bien tendu comme il faut. J'aime bien aussi la réflexion sur l'arrogance et l'impuissance de l'homme face à la nature, le sentiment de culpabilité...

non Mr Chow a écrit "et la fin du film dont le fameux plan".

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You are a ghost driving a meat covered skeleton made from stardust riding a rock floating through space.
FEAR NOTHING

BILANS CINEMA : 2023 I 2024

oui c'est sûrement ça merci. Le plan, banalisé par des choses similaires vues depuis, illustre bien cette angoisse profonde qu'entretient le film de l'impossibilité d'une relation pure entre l'homme et la nature: l'homme est condamné à aborder la nature comme homme parmi les hommes et non comme homme parmi la nature.

Quatre amis citadins partent en week-end pour faire du canoë sur une rivière des des Appalaches, destinée à disparaître avec la construction d'un barrage.

Son film le plus sobre et le plus maîtrisé. L'un expliquant peut-être l'autre. A une sorte de nuit américaine un peu trop baveuse près (mais permettant alors une jolie échappée surnaturelle dans un film quasi-naturaliste et ses fulgurances documentaires).
Boorman signe un film tendu, stressant, malaisant, sans une touche d'humour (ou alors très malsain). Certainement un modèle pour une flopée de films à suivre, entre les survivals et les films d'horreur à base de bouseux. A ce niveau, le réal n'invente sûrement rien mais ça doit être difficile de trouver une telle richesse de sous-textes, couplé à une telle efficacité, avant ou après "Deliverance" (Boorman fera sa propre variation avec "La Forêt d'Emeraude").
A côté de ses thématiques préférées (la solitude et la fragilité de l'Homme, et la question de sa virilité, de son courage, de sa constance face à la Nature, aux relations humaines, à lui-même), on trouve une grosse allusion à la notion américaine du pionnier, dont l'impossibilité au présent est refusée aux personnages, ne leur reste que se tester en conditions extrêmes et fermer la boucle des explorateurs en étant les derniers à descendre la rivière.
A noter le discours de Lewis au début qu'on qualifiera sans hésiter aujourd'hui de"survivaliste". Propos toujours d'actualités.
Dans les années 70, le survivaliste était sûrement d'abord celui qui avait peur du nucléaire. Lewis n'y pense même pas, son propos est sur l'effondrement de la société, comme ce qu'on entend encore aujourd'hui. De la naissance d'une Nation à son effondrement, la boucle est bouclée.
A lier au désenchantement de l'époque avec le Vietnam, effondrement moral des US comme tout film américain dark de l'époque ? Aussi. Mais surtout, ça permet de montrer le traitement réservé aux bouseux, abandonnés, maltraités, moqués et dont la population américaine tranquille devra bien payer le prix un jour.
Chaque perso du groupes d'amis étant un archétype de l'Américain moyen/supérieur (le héros étant finalement le plus tempéré). On pourrait même aller plus loin en estimant que les corps que cachent le lac sont la mauvaise conscience de l'Amérique construite sur génocide et déportation.
La délivrance, je la cherche toujours en tout cas.
A prendre comme l'ironie d'étouffer dans le magnifique cadre naturel alors que la première respiration arrive à la vue d'une décharges de bagnoles ? Un cadre pourri qui ne desserre qu'un peu l'étreinte, les traumas physiques et psychiques sont là pour longtemps. La délivrance est peut-être le soulagement de revenir à notre quotidien, nos habitudes, notre civilisation qu'on aime à penser comme contraignants mais qui ont l'avantage d'apaiser nos peines physiques et morales.
Sacrée belle équipe d'acteurs, de trognes et la scène du banjo, hantant le reste du métrage, qui place le film dans l'Histoire du cinéma.
Un classique.