Forum de FilmDeCulte

Ou Tabu, c'est selon.



L'ultime film de Murnau, le seul qui se pose en Polynésie, là où Murnau s'était installé sur ses dernières années.

Il raconte l'histoire de deux amants séparés par une loi du village qui requiert que la jeune fille demeure vierge et pure, soit tabou, afin de préserver le monde de pleins de trucs pas heureux.

Murnau fait un film sur la situation dans les colonies dans les années 20, n'y allant pas par le dos de la cuillère sur nos compatriotes de l'époque, qui exploitent volontiers la méconnaissances des locaux de la valeur des choses en occident. Il filme aussi les aberrations d'une société aux croyances vieilles et stupides.

Murnau filme aussi ce qu'il recherchait à tout prix, ce que d'autres cinéastes ont également recherché, l'idée du Paradis sur terre, d'un univers vierge à filmer. Son association avec Flaherty (pionnier du cinéma documentaire) n'est pas un hasard. Cependant, Murnau demeure un homme très méticuleux, et son paradis est fait de pauses et de compositions sublimes, un peu trop joués pour tenir l'idée de départ.

Cependant, quelle beauté. La photo du film avait à l'époque remporté l'oscar et c'est peu dire qu'elle est magnifique. Le film offre également des prises de vue sous-marines assez incroyables pour la fin des années 20. Et son final est réellement superbe.

Après, de la part de ce cinéaste qui, avec Nosferatu, Faust ou L'aurore, enfonçait la concurrence sans partage, je trouve le film "léger". Disons que ça ne me marque pas outre mesure. D'où un pointe de déception au final.

4/6

Vieux souvenir de la cinémathèque universitaire (où j'ai également découvert Shadows, d'ailleurs).

Assez d'accord, un petit film, certes réussi, mais qui fait pâle figure par rapport aux chef d'oeuvres du cinéaste. j'ai du mal à comprendre les quelques uns qui considèrent ce film comme son meilleur.
4/6

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Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)

sans doute parce que c'est le plus épuré.

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L'ennui est le mal suprême, le péché originel, l'avant-goût du néant déja sur les lèvres et dans les tripes.

C'est salement chargé pourtant...A part pour les costumes vu qu'ils sont tous quasi à poil...

à quel niveau ??
les cadres ?

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L'ennui est le mal suprême, le péché originel, l'avant-goût du néant déja sur les lèvres et dans les tripes.

Cadres supra remplis, danses, décors, poses des acteurs pour faire peintures, jeu sur la lumière, les ombres, sur-symbolisme de partout. Tabou c'est quand même du Murnau, le mec a pas oublié son style en enfilant une chemise à fleur.

Ouais enfin tu t'es vu quand Tabu?

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C'est vaseux, donc c'est rigolo.

je pensais surtout à la fixité de la caméra, à la quasi-absence des trucages qui avaient épaté tout le monde dans Faust ou L'aurore ainsi qu'aux décors et lumières naturels, des choses assez inhabituelles chez lui même si City girl annonce déja cette évolution vers une esthétique moins artficielle.
ce qui n'empêche pas un travail sur les cadres, mais les compositionns ne m'ont jamais parues "forcées".
Après évidemment tu as raison ça reste un film de Murnau, plus que de Flaherty, mais débarassé des trouvailles, des expérimentations, qui l'ont rendu fameux à l'époque et qui peuvent apparaître superflues aux yeux de certains de ses amateurs.

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L'ennui est le mal suprême, le péché originel, l'avant-goût du néant déja sur les lèvres et dans les tripes.

Flaherty n'a, d'après le petit docu qui accompagne le DVD, tourné quasi aucun plan. Il détestait Murnau parce que ce dernier avait une vision forte du film, et ne souhaitait pas simplement découvrir les lieux et les peuples.

En ça, tu vois le travail de Murnau. Et puis les plans comme les centaines de barques sur l'eau, la mise en scène du requin (les gros plans, magnifiques, c'est les plus belles scènes du film...bon, j'adore les requins), les plans sous-marins, c'est autant d'expérimentations et de trouvailles.

Après, c'est du décor naturel, c'est plus libre que Faust, mais ça n'en demeure pas plus léger. Ou alors à son désavantage, parce que Murnau livre un film au fond assez vague, abordant chaque chose sans forcer la mesure. Ses acteurs sont très mauvais faut dire aussi.

Moi j'adore.
Cela dit, je peux comprendre qu'on trouve ça "moindre" par rapport à ce qu'il avait fait avant. Mais moi j'ai vraiment apprécié ce côté plus "léger". D'ailleurs, c'est plus léger, certes, mais c'est aussi moins... "lourd".
Bref, je suis plutôt avec skip sur ce coup-là.

Bon celui-là normalement je l'ai échangé contre le Epstein, mais comme c'est pas clair, au cas où :



*** FOR YOUR CONSIDERATION ***

On a par réflexe envie d'associer le cinéma de Murnau à l'expressionnisme : aux jeux d'ombres, à l'imagerie noire des contes, aux trucages visuels poétiques... Sans lui renier cette part de son cinéma (il en reste d'ailleurs de ces moments dans Tabou, contrairement à ce qu'on lit parfois), il y a tout de même au travail chez lui quelque chose de bien plus profond que le ludisme d'une virtuosité formelle. Et notamment, entre autres, ce rapport à la pureté (de la pulsion, de l'amour, d'un avant-monde fantasmé), voyage obsessionnel qui dans ce film atteint une sorte de point final.

Ce qui est beau dans Tabou justement, c'est l'assèchement de ce cinéma (effectivement déjà à l’œuvre dans City Girl, comme le dit Skip), qui témoigne d'une envie d'atteindre l'essence de chaque situation, de laisser tomber les détours. D'où la simplicité parfois désarmante de Tabou : peu de lieux, peu de dramatisation, enjeux simplissime... On va à l'essentiel. Sans devenir une œuvre de moine ascète pour autant, le film étant de toute façon sujet à trop de particularités pour cela : le cadre 1.20 transitoire qui casse l'envie d'aller peindre du chromo de paysage, l'ombre de Flaherty, le curieux medley de musiques classiques...


Une scène qui résume très bien cette "essentialité", c'est celle de la nage vers le bateau du prêtre. La séquence entière rejoue l'imagerie du débarquement Colombien, mais se résume surtout à deux mouvements : une pulsion de vie (dépliement de corps agités, courant, fendant l'eau, bateaux entourés de nageurs comme d'autres grands animaux marins transportent avec eux toute une faune parasite, le navire envahi, un jeune corps accroché à chaque corde...) ; et en face, la mort (le prêtre immobile, lui et ses secondes assis contre les corps debout, la lecture contre le mouvement, la religion face à l'insouciance, la sentence et l'interdit qui va arriver de sa bouche).



Grand écran

Bien sûr que Murnau cherche maladivement son paradis perdu en filmant Tabou, mais c'est avant tout pour en filmer la désintégration, et non pour s'y complaire. C'est une scène étrange, avec toute cette vie, grouillante et magnifique, attirée comme un aimant par ce petit comité mortifère replié. La vie vient rendre visite à la mort, tous les mouvements si vivants de la scène fondent vers elle. Les deux cohabitent harmonieusement, un soleil noir statique et autour de lui, la danse de multiples petites planètes.


Et pour une fois, je ne suis pas obligé de me lamenter des copies dégueulasse : Masters of Cinema a sorti l'un de ses blu-rays les plus impeccables pour ce film.