La vie quotidienne d'un Londonien de 7 ans sous les bombardements de la Seconde guerre mondiale.
Et Boorman devint académique.
Académisme pour illustrer une certaine phase de nostalgie, le réalisateur ayant largement entamé le demi-siècle, il doit avoir fait le tour de ses expérimentations, plus ou moins heureuses.
Et une fois terminé une sorte de cycle païen (Deliverance, Zardoz, L'Hérétique, Excalibur, La Forêt d'Emeraude), peut-être sentait-il le besoin d'un retour plus terre à terre, d'un retour à Londres, d'un retour en enfance.
Alors Hope anf Glory offre encore une touche de surréalisme mais ils sont vraiment bridés en ne passant que par du rêve basique. Reste qu'on comprend cette modestie dans la mise en scène. Elle est en elle-même touchante par sa retenue, une sensibilité envers cette page d'histoire de souffrance du peuple londonien, à travers les souvenirs d'enfance de Bill (alter-ego du réal), la dignité des gens toujours mise en avant. D'autant que le propos reste assez culotté, même 50 ans après les faits, d'assumer que l'époque du Blitz peut avoir été une des plus belles de la vie. Ou qu'un soldat ennemi (Charlie Boorman) peut être le summum du cool.
Finalement, l'extravagant est présent dans ce rapport ludique à la catastrophe de la part d'enfants pour qui chaque nouvelle maison détruite est un nouveau terrain de jeu, chaque fait de guerre, un spectacle. Et la force de caractère de ces gamins, bien aidé par un prof à l'ancienne, pour réciter sa table de 9 ou faire le con pendant la leçon, masque à gaz sur le visage. Ou leurs innocentes maladresses face au deuil d'une camarade.
Boorman en profite pour aborder un thème jusque là étonnamment accessoire dans sa filmo : la famille.
Elle était présente mais en filigrane, et pas forcément sous son meilleur jour.
Pour Leo the Last, elle est incapable de comprendre les vrais aspirations de l'individu (encore trouve-t-elle un peu grâce dans sa structure de solidarité chez les pauvres).
Si dans Deliverance, elle sert de refuge final, elle n'est évoquée que pour rappeler le caractère banal des aventuriers du dimanche.
Dans Zardoz, elle illustre la cruauté de notre civilisation envers les personnes âgées et leurs (non)mouroirs.
Dans l'Hérétique, l'adolescente Regan est quasi-abandonnée et lutte pour faire bonne figure, au risque de tendances suicidaires.
Dans Excalibur, Arthur n'est pas désiré, sa naissance a détruit la famille de Morgane et son fils incestueux est l'incarnation de la fragilité de son règne ayant conduit le pays à la misère.
Quant à la Forêt d'Emeraude, si c'est un bouleversant message d'amour paternel, et que la famille amazonienne va s'élargir (le plus possible), la famille de sang se trouvera pour toujours amputée.
Etonnament parce que Boorman, c'est quand même le gars qui a fait travailler femme et enfants sur ses réalisations.
Hope and Glory est alors l'occasion de remettre les choses un peu plus en accord avec les vrais sentiments du réalisateur qui fait sa déclaration d'amour à la famille.
Le personnage de la sœur adolescente, qui grandit un peu trop vite sous la menace de la Mort, est magnifique. C'est presque elle le personnage principal si on n'était pas du point de vue de Bill, accompagné de la mère, et son instabilité affective (que ce soit pour le départ en Australie et lors de sortie à la plage). Et finalement le grand-père qui offre une respiration au petit Bill dans ses difficultés avec l'emphase féminine.
Prise individuellement, les femmes sont d'une émotivité sincère mais étouffante. En groupe, elles sont un moteur et une solidarité sans faille.
La scène du repas avec les quatre sœurs est parlante. Alors que le grand-père et son détachement aux bonnes manières plait à Bill, son attitude trop décalée devient inquiétante face à la tablée féminine raisonnable et rayonnante. Idem avec le père, gentil naïf, qui délaisse sa famille, au risque de la perdre, à la poursuite de chimères et d'une image de virilité.
Marrant de voir que ce cinéaste très centré sur des personnages de bonhommes pas forcément aidés par leur chères et tendres, a grandi entouré de femmes. Et si on comprend pourquoi la femme n'est pas très fidèle chez Boorman, le respect envers elles est de toutes les séquences. Avec et autour d'elles, tous les personnages respirant l'authenticité qui permet un réel attachement pour le spectateur.
Boorman balance des clins d'oeil à son cinéma pas trop appuyés, directs ou indirects (celui à Excalibur est joli, celui à Deliverance est pauvre, on comprend mieux Leo the Last ou Zardoz), évoque son amour du cinéma et réalise une vraie comédie charmante avec des scènes franchement drôles, en arrivant à saisir la période et son époque.
Libération des mœurs face aux valeurs désuètes du patriotisme (l'engagement du père étant tourné au ridicule, le perso de Jean-Marc Barr peu respectueux des règles militaires), le titre Hope and Glory ne s'interprète que par sa signification première : des civils cherchant à survivre tout en continuant à vivre durant une période exceptionnelle.
Il y a ce basculement au 3/4, après les incendies qui font disparaître les refuges (du foyer et de l'imagination), avec le départ à la campagne. Basculement qui déséquilibre le film.
Quand, et c'est évidemment le but, la première partie à Londres bombardée arrive à être légère, voire onirique, la deuxième, proche de la Nature, souffre alors du classicisme du film qui perd beaucoup de son originalité. Le bucolisme et la fin des sirènes, forcément libérateur pour les personnages, sont moins intéressants pour le spectateur. Ca devient juste mignon. Avec une interminable partie de cricket (ça doit mieux parler aux Anglais).
Avant cette dernière incursion en ville et le génial "Thank you, Adolf !" du gamin.
Belle réussite dans la chronique enfantine.