C'est un acteur fascinant et protéiforme qui est venu accompagner de nombreux films sur la Croisette, notamment ceux de son ami et mentor, Arnaud Desplechin. Parti à Hollywood s'encanailler dans de grosses productions - Munich de Steven Spielberg, Quantum of Solace, le dernier James Bond -, Mathieu Amalric effectue aujourd'hui la même trajectoire que le personnage de producteur qu'il incarne dans Tournée, qui rentre en France après une escapade américaine. Sauf qu'il n'évite pas la lumière, bien au contraire. Pour son quatrième film en tant que réalisateur - les trois premiers étaient restés plutôt confidentiels -, le héros de Conte de Noël s'offre une montée des marches majuscule avec son dernier bébé sous les bras. Et les divines créatures du New Burlesque à ses côtés.
Mimi Le Meaux, Kitten on the Keys, Dirty Martini, Julie Atlas Muz, Evie Lovelle ou encore Roky Roulette : ces noms de scène ne vous disent rien et pourtant ce sont les authentiques stars d'une scène en pleine expansion qui mêle érotisme et humour. Si Dita Von Teese a popularisé le mouvement en France, avec son spectacle de pin-up donné au Crazy Horse, le New Burlesque existait bien avant elle, et c'est un hommage généreux et sensible que leur rend Mathieu Amalric. Ce dernier s'est inspiré de L'Envers du Music-Hall de Colette et de l'univers des films de John Cassavetes (Opening Night, Meurtre d'un bookmaker chinois) pour imaginer la vie d'une troupe d'Américaines aux décolletés plongeants, qui obéissent - ou pas - aux injonctions d'un producteur maman-poule quelque peu lunatique, Joachim Zand, Mathieu Amalric lui-même, fine moustache et oeil mouillé.
"C'est notre show, ne l'oublie pas", ne cessent de lui répéter les filles. C'est aussi leur film. L'approche documentaire de la première heure, de loin la plus réussie, permet d'approcher la vérité des êtres, la joie de vivre de ses créatures felliniennes, dont on ressent pourtant le spleen, caché sous le rimmel et les faux-cils. Dommage que Mathieu Amalric s'égare ensuite dans une piste narrative moins intéressante, inspirée par la mort du producteur Humbert Balsan, et qu'il greffe la vie passée de son personnage au premier récit, l'encombrant de seconds rôles facultatifs. L'acteur-cinéaste retombe au moins sur ses pattes et les enfants mis au train, revient sur son premier sujet : les bleus à l'âme de femmes qui mettent à nu leurs corps mais cachent par l'humour leurs failles les plus profondes. Une longue respiration romantique sur les routes de France, avec Miranda Colclasure (Mimi Le Meaux), en sublime pécheresse, permet ainsi d'oublier les longueurs et de terminer en toute sérénité cette Tournée si bien commencée. "Et maintenant place au spectacle", conclut Joachim. Le chaud must go on.
4/6
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