Vu "Retour à Reims, sur fond rouge", adaptation du livre de Didier Eribon, par Stéphane Arcas, au théâtre Varia à Bruxelles. La musique est signée Michel Cloup (souvenez-vous Diabologum).
Des bonnes idées (très beau décors, plusieurs acteurs, dans un dispositif qui évoque Todd Haynes, pour la même subjectivité dans différents situations, chacunes conformes à un code : l'émancipation gay et la vie sentimentale, à la fois affirmée et contrariée ; l'histoire de sa famille, l'ancrage politique et la nostalgie du PCF ; la critique de l'ancrage sociétal bourgeois du PS et le besoin d'un populisme de gauche ; le père figuré par une marionette ventriloquente, bloquée sur son homphobie, plus par réflexe que par méchanceté : il est est finalement déréglé et dissolu par la reconnaissance de l'autre, c'est à dire du fils, joué par un acteur aux inflexion dewaeriennes), d'autre moins (monologue final de la marionnette sur la sexualité et l'amour comme salut mystérieux, qui fait penser à du Barthes, qui atténue les tensions et aspérités de la pièce. Indirectement la pièce pointe peut-être alors une des limites (mais une limite inévitable, structurante) du livre. Récemment j'ai lu la préface de l'Histoire de la Révolution française de François Furet, un historien apparemment politiquement opposé à ce que défend Eribon. J'ai été rebuté. Furet reproche aux historiens communistes (dont il fut lui-même) d'avoir écrit une histoire sociale de la révolution (pour prolonger les catégories marxistes et l'idée de la lutte des classes comme moteur historique) au détriment d'une histoire politique (ce qu'il définissait comme "les rapports des Français au pouvoir), comme si les deux dimensions étaient opposées. La préface avait une tonalité paradoxalement encore plus idéologique que les textes de Marx sur 1848.
Mais peut-être qu'Eribon maintient aussi, à gauche, la même opposition du social et du politique. Les déterminismes qui expliquent la pauvreté de sa famille et ses limite culturelles sont sociaux, et ancrés sur le temps long (remontée vers la seconde guerre mondiale), alors que la lutte est sur un plan politique messianique ("s'ils cessaient de voter F.N., il y aurait peut-être un espoir"; "ils attendent juste d'être représentés"). Il y a des constats percutants ("les extrêmes se rejoignent en fait au centre") mais aussi une limite (les luttes politiques ne sont pas les luttes sociales, et seules les premières sont valorisées et collectivisées, le seul sujet social étant l'individu). Sur la thématique des réfugiés, l'opposition entre compassion et rejet n'est pas structurée actuellement par des partis (comme c'était peut-être le cas à l'époque de Saint Bernard en 1996). Le mouvement de contestation des réformes de Macron a l'heure actuelle me paraît aussi plus venir de la base et est peu relayé politiquement, ni par MMélenchon, ni d'ailleurs (c'est idéoloquement peu suprenant, mais tactiquement intéressant) par le F.N. Il me semble qu'Eribon considère que le pouvoir ne relève que du côté politique de l'alternatibve, et non du social (qui est avant tout un champ de déterminisme subi), on comprend alors le sens du monlogue sur l'amour à la fin (par ailleurs assez beau) : assigner à la politique le but, peut-être irréaliste, de restituer aux sujets leurs corps, leur sexualité, que la domination (culturelle avant d'etre économique) leur a volé (dès lors qu'ils entraient dans l'âge adullte). Mais il me semble que ce choix de mise en scène cotnredit justement ce qu'Eribon décrit comme un doute ou une incertitude le tenaillant : Retour à Reims est le récrit d'un éveil à l'autee, d'une prise en compte de sa souffrance, amenée par l'impuissance et la compréhension d'un aveuglement. La pièce continue à transférer le discours du rachat et de l'émancipation de l'ordre éconoimique vers le sexuel (et mécomprend la valorisation du populisme par Eribon, qui préfigure le discours actuel de la gauche). Il me semble également que le retour sur sa famille d'Eribon est aussi une prise de distance sur le Michel Foucault de l'après bio-pouvoir, qui énonce- justement la péremption du clivage entre champ social et champ politique et le basculement d'un régie politique contractuel (fondé sur l'aurotiré et la représentation) vers des normes immanentes, diffuses et omniprésentes.
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