Les fausses confidencesjusqu'au 23 Mars au théâtre de l'Odeon
Que d'éloges dans la presse pour ce Marivaux avec la Huppert et Garrel... Un jeune homme désargenté tente de se faire engager comme intendant auprès d'une riche veuve dont il est amoureux, mais comment prouver la nature de ses sentiments en même temps que son désintéressement? Au contraire, tout comme ses deux tentatives de l'année dernière, la mise en scène de Bondy ne casse pas des briques avec ses murs mobiles en carton pâte, son tas de chaussures façon invendus vente privée chez Art Core, et le public qui entre dans la salle pendant que notre diva nationale en robe fourreau Dior réalise une demo de tai chi (Tai Chi Huppert!). Contrairement au Tramway de Warlikowski, elle n'écrase pas la troupe, et chaque rôle secondaire prend le temps d'exister de Bulle Ogier en vieille bique acariâtre ou Yves Jacques en habile domestique manipulateur. La frivolité du duo Huppert/Garrel, au bord de l'ivresse, exténué par leurs révélations en cascade, flirte quand même limite avec une mise en scène bon teint de Françon à la comédie française. En tout cas la proposition la moins forte de tout ce que j'ai pu voir d'Huppert sur scène.
Un coeur en herbeles vendredis au théâtre Clavel
D'Isabelle Huppert à Kevin Miranda, il n'y a qu'un pas. Deuxième volet d'une trilogie gay suivant un même protagoniste de son outing jusqu'à l'adoption, Un coeur en herbe est l'entre-deux où notre Antoine Doinel minou de province débarque dans la capitale chez un couple homo composé d'un genre de Philippe Besson vieillissant et de son mec queutard bodybuildé qui vont se partager les faveurs de son innocence et sa chair fraîche. Les vachardises sur le milieu gay fonctionnent plutôt bien, assez au-dessus du niveau lambda d'un boulevard, bien moins stupide que ce à quoi je m'attendais, mais on revient vite à la base du contentement de ce que le public est venu voir, soit foutre les deux bombasses en boxer.
La pietra del paragonejusqu'au 29 Janvier au théâtre du Châtelet
Un Rossini monté avec le système de trucage original de Pierrick Sorin, qui se sert de maquettes comme décors diffusés sur des écrans géants. C'est l'histoire d'un conte fortuné las de ses prétendantes arrivistes qui va se faire passer pour ruiné afin de tester leur sincérité. La mise en scène est de Corsetti qui commence à devenir omniprésent (le succès du chapeau de paille d'Italie au français, et le prince de Hambourg dans la cour d'honneur au prochain festival d'Avignon, et c'est un des chouchous de Lissner donc on devrait le voir pas mal à l'opéra de Paris), avec un sens du divertissement frénétique, kitsch, à la vulgarité pétaradante et assumée. Les chanteurs (casting jeune qui bataillait un peu niveau voix au début avant de se reprendre après l'entracte) sont du coup encouragés à cabotiner pour la caméra. Pour amateurs de grosse gaudriole.
Mort à Venisejusqu'au 23 janvier au théâtre de la ville
Adaptation étonnante de la nouvelle de Thomas Mann par Ostermeier qui désosse la romance gériatrique et la contemplation d'éphèbe en happening (à mi-chemin, un personnage rallume les lumières de la salle et abandonne la scène pour nous faire lecture d'un passage). Plus curieux encore, les deux personnages masculins principaux sont éjectés de la pièce lors du dernier tiers de ce spectacle bref d'une heure pour se concentrer sur un ballet de naïades nues au milieu d'une avalanche de feuilles mortes, à la manière d'un spectacle de Romeo Castellucci, au rythme des cordes d'un piano éventré comme une carcasse. Les puristes étaient furax.
Avant que j'oubliejusqu'au 5 février au théâtre du Rond-Point
Le second seule en scène de l'incroyable Vanessa Van Durme, transexuelle repérée chez Alain Platel notamment dans l'imperfectible Gardenia. Elle joue son rôle et celle de sa mère, à qui elle rend visite dans sa maison de retraite alors qu'elle perd la mémoire, faisant resurgir les troubles de la transformation sexuelle, l'impuissance face à la disparition imminente, tout en conservant un vrai sens de l'humour, une lucidité et une élégance à ne jamais infantiliser la vieillesse et la maladie.
Platonovjusqu'au 1er février aux Ateliers Berthier
Pour contrer ses mises en scène poussiéreuses, Bondy a programmé la fine fleur de la relève scénique française et germanique, des metteurs en scènes même pas trentenaires, des pièces de troupe avec des comédiens tout aussi jeunes. Platonov, c'est une pièce de jeunesse de Tchekov écrite à 18 ans, l'histoire d'une veuve que tous les hommes convoitent alors qu'elle n'en pince que pour le dit Platonov, garçon de prime abord fringant et joyeux, ne cachant qu'un triste sire maléfique, manipulateur et désoeuvré. Le découpage de Porée se révèle habile, contraste de la débauche d'excès et du vide existentiel, montrant dans une première partie des grandes scènes de fête et de banquet, insouciantes, débordant de l'énergie de la jeunesse, où s'activent une trentaine de personnages, puis après l'entracte une piaule minable où Platonov nu reçoit un à un maîtresses éconduites, amis trahis et assassins vengeurs. On pourra regretter un manque de folie dans une mise en scène parfois trop sage (ceci étant dit, les quatre heures trente du spectacle passent comme une lettre à la poste), mais la scénographie explose à la manière d'une bombe à retardement et sa direction d'acteurs déjà impeccable révèle un vivier de nouveaux noms avec lesquels il faudra dorénavant compter.