Le pèreau théâtre Hebertot
Mais que se passe-t-il en ce moment dans les théâtres privés? Alors qu'une pièce mise en scène dans le privé signifiait jusqu'à peu mise en scène petit bras, mise en espace et décors inexistants, parterre de stars venant cachetonner pour rester tranquilou sur Paris et surtout pas d'audace ni d'invention pour ne pas choquer les vieux notables septuagénaires formant l'essentiel du public, viennent se succéder depuis Septembre des triomphes flamboyants comme Le gros la vache et le mainate au Comedia ou l'irrésistible Volpone de Briançon à la Madeleine... Et voici maintenant ce père, pourtant écrit par Florian Zeller.
Je n'ai jamais lu Zeller, est-ce un mal je ne sais pas, mais sa tête à claque blonde, son boboïsme de prof à sciences po et ses amitiés sarkozistes me l'avaient fait ranger quelque part entre un Marc Lévy et un Nicolas Rey. J'avais donc zappé "La mère" qui a valu à Catherine Hiegel un molière, et pas calculé le triomphe d'Arditi dans "La vérité" qui s'annonçait plus boulevardier, et me rendais un peu en traînant des pieds au Père, surtout pour le souvenir de la prestation de Robert Hirsch dans du Pinter il y a quatre ou cinq ans, monstre sacré du théâtre qui mérite tous les éloges.
Et le rôle est phénoménal, tout au service d'un immense interprète. A 87 ans, il excelle à incarner ce vieux grigou entre alzheimer et démence douce, qui envoie chier toutes ses aides à domicile au grand dam de sa fille, qu'il traite comme une poupée qu'on poignarde à intervalles réguliers en lui préférant son autre soeur qu'il cherche partout comme sa montre, alors que celle-ci est décédée depuis longtemps.
La mise en scène de Ladislas Chollat est intelligente, car au lieu de surexpliquer le pathos de la folie, elle nous plonge dans les confusions de ce vieil homme, en faisant soudain se métamorphoser les traits des personnages de la fille et de son compagnon par d'autres acteurs, ou à réitérer certaines scènes en les morcelant, bug d'une mémoire en boucle. Arrivé à un stade où le procédé allait commencer à me saoûler, la pièce s'achève en un final cinglant de vulnérabilité et bouleversant au plus profond. J'en ai chialé, et ça m'arrive peu souvent au théâtre. Vivement la prochaine pièce de Zeller, qu'il répète en ce moment avec ni plus ni moins que Fabrice Luchini.
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Vite fait mes petites updates de mes conseils théâtraux des semaines passées: Un peu déçu par The rake's progress par rapport à la montagne de l'attente suscitée par Les Huguenots à Bruxelles ou Carmen à Lyon. Charmé par les chants d'adolescentes slovènes du Heiner Goebbels au théâtre de la ville. Qu'en as-tu pensé mon cher Jake Griffin?
Rayon humour, la pièce anglaise déjantée Doris Darling au petit St Martin, manque vite d'esprit british pour sombrer dans la pochardise lourdingue. Mieux vaut voir Mister Sloane avec Fau, Ulliel et de Turckheim, plus vachard et mieux écrit. Me suis bien marré au two-man-show des Décaféinés, une des rares découvertes de la deuxième saison d'ondar chez Ruquier, mais dont les meilleurs sketchs sont déjà passés dans l'émission. Constance, qui elle avait claqué la porte de l'émission avec perte et fracas, et qui se retrouve blacklistée du saturday night light qui a démarré sur France 2, continue de remplir les salles de la comédie de Paris avec des sketchs inédits et coécrits avec Jeremy Ferrari, mais pas à la hauteur de par un humour noir un peu fastoche et complaisant.