Curieux film dont je me suis demandé, durant toute la vision, à quelle commande il pouvait bien répondre. Je découvre de quoi il en est dans ce topic, et ça le rend quelque part encore plus intéressant dans son amertume.
Ce film c'est d'abord une voix-off passionnante, extrêmement séduisante, qui plonge à pied joints dans les vertiges dorés et crève-cœur de la nostalgie. Sans complaisance pourtant : "nous vénérons les lieux abhorrés", dit-elle en ouverture, et il est assez fascinant de voir le film créer un tel tombeau d'or et d'adoration à une jeunesse de frustrations, d'angoisses, de pauvreté, d'inégalités, de rituels contraignants. C'est toute l’ambiguïté géniale d'un film qui, loin de louer simplement le passé, en explore d'abord le sentiment de perte, la douleur aiguë d'un monde disparu, quel qu'il soit. Au point que c'est presque moins par les transformations urbaines qu'il filme qu'il entend choquer, que par la disparition progressives des chaudes images d'archives altérées...
Le flux d'archives, justement, est je trouve malheureusement assez peu construit, un peu trop illustratif (un léger parfum de doc TV d'ultra-prestige, parfois), et il égare par moments, notamment lorsque la voix n'est plus là pour le prendre en charge. Mais c'est aussi une qualité du film : le fait d'utiliser ces images comme un grand bain indéfini et non chronologique, doux va-et-vient à travers les différentes strates du passé, donnant libre cours à de mystérieuses digressions. Voir, par exemple, ce glissement muet vers les premiers HLM, que le film ne dramatise aucunement, et qu'il parvient tout de même à nous rendre intolérable.
J'y sens quelques limites, l'ensemble se fait parfois un peu laborieux, mais c'est un film impressionnant de mélancolie, et donc une bonne adresse, merci Chow. Et ça m'a grave donné envie d'aller regarder la filmo de Davies, dont les films traînent depuis des lustres sur mon étagère...