Bon, autant dire que vu la folie générale je pensais pas une seconde ne pas aimer ça. Je sais pas si je trouve ça honteux, iregardable, que sais-je, mais s'il y a un bien une certitude que j'ai en sortant de ce film, c'est qu'il n'a pas été réalisé par quelqu'un de très conscient, ni de très brillant.
Évidement il y a une singularité de ce film, sa possible identité, qui ne demande qu'à être consciente et exploitée : mise à plat comme absente, par cette façon d'enchaîner explosions, batailles, meurtres, de façon presque aléatoire et somnambule : "City of Life and Death", ca a effectivement l'air de nous balader quelque part dans les limbes. Le noir et blanc très grisé, qui assimile corps, pierres, terre, batiments, armes, dans une espèce de grand bain désintéressé, n'est pas non plus étranger à cette démarche. Ni ce décor bizarre, qui n'est pas sans rappeler l'espace façon 24h chrono (qui sortait un hangar, une cave, une salle de conférence de n'importe où) : l'impression d'un espace non topographique, dépliable à l'envie, qui derrière chaque ruine trouve une nouveau tableau de décombre-surprise ; océan et plage, église, campagne vide...
Mais pourquoi alors ne pas réellement faire un film sur ça, sur cette espèce d'anesthésie en boucle face à l'horreur, plutôt que d'y ré-appliquer automatiquement, comme si c'était obligatoire pour faire un "grand" film, le petit programme Sergio Leone et ses cadres fiers, ses plans coups-de-poings, ses scènes tour-de-force, ses silences pesants - autant de tentative d'emblée désamorcées par cette construction atone faite de micro-scènes entrelacées, non construites, non solides (ca a beau manier son style avec assurance, ca n'a pas une seconde la rigueur de découpage nécessaire), avec ce côté zapping qui donne l'impression que le réal s'emmerde et doit vite trouver la prochaine situation guerrière très imagée pour avoir son petit tableau complet.
Franchement, que veut ce film ? Sans vouloir interdire quoique ce soit, je pars du principe que quand on aligne la représentation de meurtres, viols, et massacres avec une telle boulimie, pour ne pas dire une certaine excitation à pouvoir enfin voir grand, à simuler la chose à force décors et figurants, j'aimerais bien qu'on me fasse sentir où on va, au moins. Que je sache que cet étalage a un sens, qu'il cherche à me dire ou à me faire ressentir quelque chose. Que ca aille quelque part, en tout cas ailleurs que pour me faire zieuter le beau CV du réalisateur. Parce que le film a beau insérer ci-et-là deux trois plans de sous-fifres troublés par le massacre, deux-trois semi-histoires, ca ne changera rien au fait que celui qui filme s'en fout complètement, et a la tête ailleurs : il y a toujours l'idée de la grande fresque (qui sera "le" film officiel sur l'évènement) qui traîne à l'arrière-plan, excuse à dérouler quoiqu'il arrive la reconstitution jusqu'au bout de l'horreur. En ainsi, pendant que la mise en scène se fait ses plans Leone et Tarantino, elle pense quand même à lancer quand ca l'arrange sa petite musique empathique, amène quand ca lui chante un personnage qui ressent du remords...
Qu'est-ce qu'on peut en avoir à foutre, d'un perso qui pleure sur son sort quand c'est tout un film qui s'est efforcé à nous habituer à pire ? C'est très réussi. Au bout de deux heures qui ont patiemment aplani toute sensation, qui ont habitué à voir les corps comme des objets, la mort comme un truc qui passe par là, le suicide si dramatique d'un personnage parvient à peine à nous rappeler ce que l'acte peut impliquer. Que s'est-il passé déjà ? Ah un corps tombe. Un de plus. Voilà.
Je dis pas non. Ca ne me révulse pas. Je ne vois juste pas UNE SECONDE l'intérêt.
3/6, belles images, belle maîtrise. C'est dingue qu'on en vienne à approcher ainsi un film manipulant une telle horreur ? C'est pourtant tout ce qu'il en reste.
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