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MessagePosté: 27 Mai 2018, 18:15 
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En 1944 lors de la Seconde Guerre mondiale, un soldat allemand, Ernst Graeber, quitte le Front germano-russe pour quelques jours de permission. Il découvre que sa maison est détruite et que ses parents ont disparu. Il revoit une amie d'enfance, Elizabeth Krause, dont le père est en camp de concentration, et retrouve Oscar Binding, un camarade devenu chef de district du parti nazi qui tente de l'aider à obtenir des nouvelles de ses parents.

J'annonce tout de suite la couleur, il s'agit pour moi du meilleur Sirk que j'ai vu. Pas encore vu le gros morceau qu'est Mirage de la vie mais ça ne saurait tarder. Pour la petite anecdote, le superbe titre de ce mélo fascina Godard. En 1958, on trouve un Sirk au sommet de sa carrière et c'est à ce moment qu'il décide d'adapter le roman d'Erich Maria Remarque. En résulte un mélange assez exceptionnel entre le romantisme du cinéaste et le pacifisme de l'écrivain. Il y a d'un côté une romance très réussie où il règne à l'écran une alchimie rare entre John Gavin et Liselotte Pulver. On croit tout de suite à leur coup de foudre et on s'amourache très rapidement du couple.

Et de l'autre côté, Sirk l'allemand crie sa souffrance de voir son Allemagne aux mains de l'abomination nazie. Le film se déroule en 1944 et montre la débandade sur le front russe et les villes allemandes bombardées. La description de la vie quotidienne des civils durant les intenses bombardements alliés est assez touchante mais Sirk en profite pour dénoncer le régime totalitaire allemand qui faisait régner la terreur sur sa propre population. Mine de rien, le film offre un point de vue assez original sur le conflit au cinéma. Il va évidemment dénoncer l'absurdité de la guerre (les passages aux fronts terribles) mais surtout épingler et démonter de manière assez propre l'idéologie criminelle du régime nazi.

Après comme toujours chez Sirk, il y a une beauté dans ses plans et sa mise en scène comme cette image superbe de l'arbre en fleurs au milieu des décombres où la magnifique scène de balade des deux amoureux qui va aboutir au premier baiser. Il y a une certaine opposition de style entre les passages sur le front (couleurs froides, sensations de l'hiver) et le gros passage central de la permission où l'amour va naitre (couleurs chaudes, l'été). Bref ce Sirk est assez fantastique et j'ai plein d'images étonnantes qui me restent en tête comme la chanteuse du cabaret qui, après que tout le monde se soit réfugié dans la cave, continue à chanter sur un tonneau malgré que l'immeuble s'écroule sous les bombes. Du très grand cinéma.

6/6


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MessagePosté: 27 Mai 2018, 19:27 
Ce film établit même à la fois dans sa forme et ses symboles une sorte de pont entre la vision du cinéma de Godard et celles de Werner Herzog, par exemple avec via undes premiers rôles, aussi discret que marquant, de Klaus Kinski. Finalement ces trous réalisateurs font du cinéma à la fois l'incarnation d'un récit national et la limite qui va déconstruire ce récit et lui opposer le monde, sans que les sujets ne saisissent en temps réel le point de basculement.
Il y a aussi l'idée de faire jouer à Remarque un rôle d'un de ses personnages, qui est à la fois un pédagogue moraliste un peu extérieur au récit et un masque qui sert de refuge et de creux narratif dans le film qu a eu beaucoup d'influence sur Godard ,il reprendra un peu le procédé avec Brice Parain dans Vivre sa Vie puis, Francis Jeanson dans la Chinoise, et entre les deux écrivains un cinéaste: Lang dans le Mepris

Le point fort du film de Sirk (que je trouve un peu "grand film malade",le film tiré par exemple partie de la fadeur de ses deux acteurs principaux et la convertt en un mélange de vulnérabilité et de lucidité qui le sert) c'est de partir du front pour se concentrer peu à peu sur l'arrière, le montrer comme un pôle tout aussi tragique que le champ de bataille mais moins lisible que ce qu'il explique, pour finalement revenir dans un troisième temps au front (faisant dans ce cycle de l'idéologie la tautologie à la fois de la guerre et de la vie sociale inconsciente). C'est le trajet inverse de ce que fait Tolstoï dans Guerre et Paix (où la guerre est au contraire placée entre la société et elle-même et où l'idéologie politique n'est discutée que dans le tout premier chapitre), et il n'y a pas beaucoup de films qui ont choisi cet angle.


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MessagePosté: 27 Mai 2018, 23:05 
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Ah moi je le trouve pas du tout fade le couple d'acteurs. John Gavin a du charisme et dès sa première scène le jeu de Pulver m'intrigue. Mais c'est vrai que c'est bizarre de voir Sirk se passer complètement de sa bande d'acteurs habituels. Sinon oui tu as bien décrit la construction du film front-arrière pays-front qui est assez productive. Les 15 dernières minutes sont bouleversantes avec ce retour en Russie.
Tiens je ne savais pas pour Kinski et il joue effectivement le rôle d'un officier de la gestapo. Il est super jeune.


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MessagePosté: 17 Sep 2020, 14:25 
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Inscription: 30 Déc 2015, 16:00
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Je suis en train de me faire une petite rétro flash Sirk (merci TCM), j'en profite pour revoir les films vu il y a trop longtemps (qui m'avaient laissés plutôt impassible à l'époque, y compris ses censément meilleurs), celui-là est effectivement dans le haut du panier, il mérite amplement sa réputation.

bmntmp a écrit:
Il est un peu neuneu ce film, c'est vrai, à l'image de la citation typique de cinéphile de Godard, du style à exagérer l'importance d'une émotion cinématographique fugace et comme anodine.

La fugacité est effectivement l'un des thèmes majeur du film, puisque l'ambition première de Sirk (au-delà de toute considération sur la seconde guerre mondiale) était de faire un film sur la brièveté du bonheur. C'est cet aspect que tu trouves neuneu? Pourquoi pas, mais c'est aussi occulter ses autres thématiques. Et je trouve la fin tout de même particulièrement cruelle pour un film neuneu.

Vieux-Gontrand a écrit:
c'est le plus faible parmi ceux que j'ai vu (il a un sacré côté Ach la Guerre Gross Malheur... un peu démonstratif, d'autant que le traitement et la production sont particulièrement hollywoodiens... Wilder ou Rossellini ont un point de vue plus fort sur l'histoire récente et la manière dont la cinéma peut exprimer à la fois un complexe moral et un complexe national face à la guerre, sans réduire l'un à l'autre).

Je ne sais pas quels sont les autres films de Sirk que tu as vu, mais je te promets que si tu n'as pas aimé celui-là, tu trouveras bien pire. Les Ailes de l'espérance traitait déjà de la culpabilité en temps de guerre (en Corée), mais sa résolution est incommensurablement plus maladroite. Sinon Le temps d'aimer et le temps de mourir n'est pas du tout un film sur la guerre (elle n'est ici que la résultante de ce qui a précédé, et c'est bien les évènements antérieures à la guerre dont Sirk nous parle), qu'il se contente de décrire de manière factuelle sans aucun apitoiement (ce qui est logique vu qu'elle est vécue comme un châtiment divin donc forcément juste).

Vieux-Gontrand a écrit:
Klaus Kinski en SS se plaignait de faire des heures supplémentaires au camp de concentration.

Klaus Kinski n'a qu'une réplique dans le film, lorsque John Gavin vient récupérer les cendres du docteur Kruse il s'étonne sur le formulaire que la cause de la mort reportée soit une crise cardiaque, et Kinski de répondre "What else?". Tu confonds avec le SS qui met le feu au petit bucher sur le piano non?

Bien plus qu'un film pacifiste (pour tout dire je n'ai pas du tout ressenti de pacifisme dans le film), c'est surtout un grand film sur les responsabilités personnelle et collective qui ont amenées aux horreurs nazis. Sirk pensait avoir perdu son fils sur le front russe en 44, et voulait à travers ce film rejouer les deux dernières semaines de sa vie, comme une manière de se faire pardonner ce qu'il avait vécu comme un abandon. Mais à cette culpabilité a dû s'y conjuguer une seconde, celle d'avoir également abandonné sa nation, alors sous le joug du parti national socialiste. S'il y a donc un peu de son fils dans Ernst Graeber, il y a certainement un peu de lui également. Lui qui, alors qu'il doit fusiller des supposés partisans russe au début du film, explique au jeune soldat qui se tourmente qu'il suffit de tourner la tête au moment de lâcher le coup pour accomplir sa tâche sans ciller. Le suicide du même jeune soldat qui s'ensuit ne déclenchant qu'incompréhension en lui, qui ne comprend pas les remords que l'on peut avoir à s'être simplement acquitté de son rôle (en pleine guerre sur le front russe, si ce n'est pas nous qui les tuons ce sera eux qui nous tueront). Et puis au fond il n'a rien à se reprocher, il n'est qu'un innocent soldat au service de sa patrie. Jusqu'à la révélation qui survient lorsqu'il s'entretient avec Polhmann/Remarque, où il prend conscience de sa propre responsabilité (justement parce qu'il n'a rien fait pour s'opposer à la montée en puissance des nazis, lui qui pensait être exempt de tous reproches parce qu'il ne les avait pas soutenu). Cette séquence est la vraie bascule du film, de gentil soldat en perm Graeber devient un traître à la patrie, parce que l'on ne peut pas seulement ne pas cautionner ce que l'on réprouve, on doit également s'y opposer activement. Il n'y a pas de place pour la neutralité. Lorsqu'à la fin du film la scène de fusillade doit se répéter, habité d'une nouvelle conscience, ce n'est plus le même ennemi que Graeber décide d'éliminer (d'une manière un peu grandiloquente il passe de l'ennemi de la nation à l'ennemi de l'humanité).


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MessagePosté: 17 Sep 2020, 17:12 
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Tu fais plaiz :wink:


Vieux-Gontrand a écrit:
c'est le plus faible parmi ceux que j'ai vu (il a un sacré côté Ach la Guerre Gross Malheur... un peu démonstratif.


Sur le topic de All I desire

Gontrand a écrit:
Je ne connaîs pas très bien Sirk, mais celui qui m'a le plus marqué est "Le Temps d'aimer et le Temps de mourir",


:mrgreen:


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