Je m'étonnais (et m'inquiétais un peu) que le livre plaise autant à des medias de droite (voire d'extrême-droite , Radio Courtoisie) qu'a des cercles de recherche universitaires sur le socialisme, mais après l'avoir terminé , je comprends mieux cet écart. Le livre est à la fois dans une valorisation de l'engagement polit6iqu, et dans la déploration stalgique d'une époque révolue, qui est le contre-champ et l'origine d'un présent décevant. Mais ce grand écart, même s'il est problématique, n'est ni vulgaire ni opportuniste (même si j'ai un peu des réserves sur la manière dont tu parles de la guerre d'Afghanistan comme d'une invasion, alors que pour les coup les soviétiques soutenaient un gouvernement -mal- élu , à vrai dire c'est surtout parce que ce jugement sur la persistance de l'oppression communiste est ce qui met en continuité notre époque et celle de Palach à la fin du livre ) : . Mais la pluop6art du temps c'est l'ecriture, travaillés et dense, qui assume cet écart à la place de l'idéologie. L'iaginaire est plus lucide et ouverte au paradoxe réel que l'idéologie : l'engagement de Palach s'ancre dans un fort nationalisme et une certaine sévérité morale compatible avec un traditionalisme conservateur, tandis que le passé mort du Printemps de Prague est peut-être plus cosmopolite et ouvert au risque politique et à l'altérité que notre présent. Le point fort du livre, sa rigueur et son originalité, est de faire de cette ambigüité le strict point de départ de la fiction : ce qui la précède est toujous plus factuel et neutre.
Il y a quelques temps j'ai fait des voyages professionnels (des missions de formation) à Magascar et au Congo qui m'ont assez déstabilisé. Madagascar surtout est une société toujours marquée par ce qui s'est passé là en 1948 (c'était par ailleurs la première fois que j'allais par ailleurs dans une région d'un pays africain qui n'était pas un grande ville, intégrée dans la mondialisation, ce qui lisse les blessures historiques et la pauvreté), j'avais l'impression d'une forme d'illigitimité dans le fait d'y aller comme français, une part d'ombre de mon pays, les ambiguïtés de mon identié et de mon travail me sautaient à la gueule. Il y avait un malaise peut-être à la fois plus diffus et prégnant que dans des pays où la guerre d'indépendance a été plus longue, mais aussi plus discutée dans le débat politique comme l'Algérie et le Congo (par ailleurs il ya une forte présence d'anciens pieds-noirs à Madagascar, sans doute la frange la plus conservatrice, qui 'est pas rentrée en métropoole, qui se mélnge avec plusieurs types de tourisme, plus ou moins vertueux). Du coup je me suis mis à lire plus attentivement que je ne l'avais fait jusqu'alors Frantz Fanon . Madagascar joue d'ailleus un rôle aussi voire pus important que l'Algérie dans le début des "Damnés de la Terre , dans lequel il jutifie la violence la politique ( la suite du lvrre, plus centrée sur l'Algérie et une société que Fanon conaissait mieux est d'ailleurs beaucoup plus nuancée et complexe sur cette question, ce que la préface de Sartre n'a pas vu).
Ce qu'il y avait d'actuel dans le livre de Fanon m'aidait à compendre ce que j'avais vu, et ce que j'avais vu m'aidait en retour à ademettre la partie inactuelle et dépassée du live de Fanon. Mais plutôt que les Damnés de la Terre, je me suis pris aussi "Peau Noir Masque Blanc" en pleine gueule : le livre parle de moi et de l'autre en même temps, de ce par quoi je lutte pour ma liberté et celle de l'autre, et de ma lâcheté et de ma bassesse (vues non pas comme une corruptione t un jugement, mais un risque). La lecture de ces deux livres a été marquante, mai aussi pénible et lente (particulièrement pour les parties où il parle des malade psychotiques qu'il a tenté de soigner).
Ton livre n'a pas le la même ambition et la même portée (ni la même identité politique) que ceux de Fanon, mais le lire à la suite de ces deux livres était assez troublant. D'une part les ruptures de ton du livre, la liberté de construction, le passage au "je" réel de ta personnalité au "je " fantasmé qui se met à la place de l'autree (avec, en position intermédiaire une desrciption assez factuelle, à la fois béhavioriste, distante mzis bienveillante d'un "eux" colelctig, du peuple tchèque) avec l'idée que le chemin doit être refait dans l'autre sens, hors du livre, dans le réel, rappellent un peu la construction (déroutante mais foisonnante) et la densité de Peau noire, ... . De plus, les deux deux livres partagent l'idée, que la révolution est le moment où peut se réaliser une existence véritable, où la fausse conscience est abolie, à la fois pour le sujet le groupe, c'est peut-être la seule expérience commune, le seul objet de deuil commun, le même rapport au salut et à la pensée. Mais ce que Fanon raconte comme un échec réel (le fait qu'une révolution est vite piégée dans la spontanéité qui la conditionne, où elle finit par ne plus se voir qu'elle-même : la cause est ce que la révolution consomme, quand elle croit la transmettre) , tu le décrits comme un objet de fantasme et un morceau du passé à sauvergarder et recréer dans une sorte d'épiphanie, imaginaire et fidèle. Fanon aurait probablement été choqué par l'acte de Palach,alors qu'ils partagent tous deux une même dimension messianique (à la fois mystique et rationnaliste) et une même forme d'intégrité intellectuelle, , il l'aurait considéré comme plus nihiliste qu'un attentat (l'extrait que tu cites de Chesterton, pourtant aux antipodes idéologiques et historiques de Fanon, pourrait être de lui).
La phrase qui referme "Peau Noir Masques Blancs" : Ô Mon corps fais de moi un homme qui interroge s'applique bien à Palach et peut-etre aussi, à ce sur que tu dis de toi dans le livre. Simplement, il y a là aussi un transfert et une inversion : ce corps est ce que Fanon ne peut pas perdre, quand Palach l'a sacrifié, transformé au contraire message allant de lui-même vers le monde (sans réponse possible l'intéressant lui personnellement, cet intérêt est perdu là où il a politiquement gagné), Et ce corps que Fanon énonce comme une prière et un espoir non encore exaucé, semble vu par toi de l'autre côté , comme un point de départ, à la fois une fatigue et le résumé fidèle (plutôt que les prémices) d'une éthique. Mais l'interrogation est ce que vous avez en commun.
_________________ Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ? - Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.
Jean-Paul Sartre
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