ou
Le Retour du fils prodigue,
Awdat al ibn al dal (عودة الإبن الضال) en VO.
Impossible de trouver une image correcte sur le net, malheureusement (c'est un film en couleur)...
Egypte, début de l'été. Les Madbouly, une grande famille bourgeoise, attend depuis 12 ans le retour d'un fils parti dans la révolte - Ali. Du neveu retenu au pays qui veut fuir pour étudier à l'étranger, en passant par la fiancée patiente promise au frère de l'absent, jusqu'aux ouvriers de l'usine familiale usés par des conditions de travail difficiles... chacun place dans l'image du jeune homme exilé tous les espoirs du monde. Et puis un jour, sans prévenir, Ali revient...Surpuissaaaaance ! Putain autant de bons films d'un coup ça fait du bien.
Et bien Chahine est magistral. Les dix premières minutes, on regarde ça d'un œil circonspect, se demandant l'intérêt de ce qui ressemble d'abord à une espèce de petite chronique sociale qui tombe des yeux - une première chanson (elles sont rares dans le film, ce n'est pas à proprement parler une comédie musicale) réveille un peu... et VLAN, le film emporte sans prévenir dans sa course, captivant, inlâchable, entraînant, avec une énergie et une fraicheur qui ramène au plaisir premier et pur de l'histoire suivie les yeux écarquillés, au plaisir originel du cinéma vu à hauteur d'enfant. Cette espèce de rage narrative, cette qualité saine de conteur, c'est déjà quelquechose qui m'avait marqué dans les deux autres Chahine plus récents que j'avais vu (
L'émigré et
Le destin), mais ceux-ci se paraient d'un cadre historique/mythologique, d'une imagerie de la grande histoire. Paradoxalement, en casant son scénario dans un contexte plus moderne et réaliste, Chahine booste encore plus cette énergie du récit, mettant de côté ce qui pouvait sonner ailleurs comme un peu superficiel (les artifices du conte).
Marrant d'ailleurs comme Chahine fonctionne absolument jamais par extraits, quels qu'ils soient, ça a toujours l'air plat et anecdoctique, et pourtant passé quelques minutes de vision on est à fond dedans...
D'où vient cette puissance ? Il y a sûrement de la saga familiale, avec toujours cette façon de se sentir proche d'un petit groupe lumineux (les enfants et le grand-père, unis contre le carcan général), dans un schéma qui rappelle en creux celui des films catastrophes : une cellule de personnages auxquels on fait confiance au milieu du chaos narratif, microcosme de la société de demain. Mais le film est aussi emmené par quelque chose de plus beau et de plus naïf, quasiment de l'ordre de la bluette, dans la façon d'érotiser les jeunes gens (ça a décidément l'air d'être une constante chez lui), de baigner le film d'un omniprésent et discret parfum de volupté, dans le cadre libertaire des vacances scolaires servant de contexte au film. Une impression du coup de voir les personnages fleurir, grandir dans tous les sens du terme, dans la foi euphorique en une vie adulte prometteuse qui ne demande qu'à déployer ses ailes.
Y a ici les scènes les plus inspirées de ce que j'ai vu de sa filmo, une façon de toujours prendre les évènements d'une façon émouvante (le fameux retour, justement, tranquillement au coin du feu, scène superbe), de créer un modèle de récit couillu (l'évènement principal découpant le film en deux). On peut dénombrer les maladresse à n'en plus finir : une forme (les cadrages et la lumière, entre autres) que rien ne rend séduisante au premier abord, l'outré brinquebalant de la scène finale, les chorégraphies brouillonnes, quelques effets pas très heureux (les surimpressions)... Ce n'est pas un film fignolé, mesuré, dosé. Mais il est cohérent, il sait résolument où il va, il sait nous prendre en charge pour nous mettre dans la position du gamin écoutant une histoire. Et en ce sens, c'est sans doute une des mises en scène les plus inspirées que j'ai pu voir depuis un moment, aussi frustre soit-elle dans le détail.
Un DVD édité en octobre apparemment, qu'importe la qualité de la copie, courrez-y.