وداعا بونابرت en VO.
En 1798, Bonaparte envahit l’Égypte et se pose en libérateur face à l’oppression turque. Il est accompagné du général Caffarelli, un scientifique qui se lie d’un attachement profond pour deux jeunes frères Égyptiens, alors que son chef fait couler le sang à travers le pays...Un peu foutoir, ce Chahine, malheureusement, même si c'est toujours aussi réjouissant. Le bon point, c'est que l'immense budget et autres figurants par centaines ne pèsent pas une seconde sur l'ensemble. Ça en devient même limite comique, quand on voit tout ce fric posé quelque part dans un coin à l'arrière-plan, à peine montré, Chahine restant comme souvent très près de ses personnages, absolument pas intéressé par les manœuvres d'ensemble (les quelques scènes de bataille, bien efficaces, se concentrent justement toujours sur quelques hommes).
Comme d'habitude, la grande histoire se vit à travers la sphère intime, familiale d'abord, puis amoureuse et amicale ensuite, se resserrant toujours plus autour des personnages pour vivre les évènements selon leur tempo. L'invasion n'est pas un sujet en soi : c'est la cause des vrais problèmes internes à ce groupe, conflits entre frères et autres déménagements à l’improviste, devenus par un savant effet de passe-passe le véritable noyau dramatique du récit, la guerre devenant arrière-plan narratif (quand bien même à l'image elle est souvent présente). On commente les batailles au balcon, comme si on parlait de la nuisance des voisins où d'un lot de fêtards qui aurait poussé le bouchon un peu loin, et cette approche rafraichissante (et en un sens, plutôt réaliste) est toujours aussi jouissive.
Si le budget n'intimide pas Chahine, le sujet par contre semble cette fois trop maousse. Il y a trop de pistes lancées dans tous les sens, seulement esquissées, à commencer par la figure problématique de Napoléon qui, pas tout à fait là mais présent quand même, entre volonté de l'éclipser mystérieusement et besoin régulier de tout de même l'exhiber, finit par faire poids mort. Sa relation directe avec Piccoli (excellent), sans protocole, irréaliste, est une plutôt bonne idée, mais peu exploitée. Idem pour le rapport du héros à la poésie, idem pour l'attachement maladif (qui devient un peu tard le sujet du film) que Piccoli porte à ces frères, et qui n'a pas le temps de bien fleurir. Quand aux femmes et amoureuses, pour la première fois, elles sont un peu laissées sur le bas côté... Le fait de nous faire rentrer dans ce grand chaos narratif via les jeunes gens (toujours aussi bien filmés d'ailleurs, toujours cette légère sensualité), via leurs émois et leurs idéaux, est un réflexe encore une fois assez salvateur, mais ça ne suffit pas.
Pourtant c'est pas la première fois que je le vois manier des personnages multiples dans un entrelacs de relations foisonnantes, mais le fait que rien ne soit réellement mené à bout est au final assez frustrant : le film aurait mérité minimum une bonne demi-heure de plus pour bien se bâtir. Chahine reste un narrateur hors-pair, à la mise en scène très en forme, il parvient à nous raconter 36 choses en trois plans, mais c'est pas assez pour ne pas nous laisser régulièrement sur le bas-côté à force de foncer, au point que certains dialogues finaux entre Caffarelli et Ali virent à l'échange kamoulox.
Bref, très sympa, passionnant, mais inabouti. Une première déception pour Chahine, il en fallait bien une !
Attention, DVD français très limite (4/3 letterbox, lissage, et je soupçonne un petit recadrage)