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MessagePosté: 24 Mar 2012, 03:14 
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Iskanderija… lih? (سكندرية ليه) en VO.

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1942, à Alexandrie, peu avant la bataille d'El-Alamein : l'armée allemande approche. Au milieu d'une population en ébullition qui se prépare à l'échéance, un étudiant rêve d'aller étudier la comédie aux USA, une jeune juive fuit le pays, et un psychopathe tombe amoureux.


Film plus ou moins autobiographique, donc, mais continuellement déformé par l'irréalité d'un Hollywood fantasmé qui contamine tout, par les percées d'images d'archives qui dialoguent avec n'importe quelle situation : passant du coq à l'âne dans une série d'ellipses précipitées, comme si le récit était trop vorace pour avoir la patience de mener chaque scène à son bout. C'est clairement le film le plus baroque que j'ai pu voir de lui jusqu'ici, au point de virer au Fellini dans certaines scènes (le flash-back, le spectacle). Mais jamais Chahine n'entrave l'immersion, l'identification, la force narrative : le tout est juste traversé d'une urgence, bouts de scènes qui se coupent les unes les autres, film écorché de tous les côtés dans une structure de feu d'artifice, accroché comme dans un rodéo à des personnages crevant d'énergie et de désir.

Ce dernier point est important, car une barrière a été franchie (peut-être l'est-ce plus encore ailleurs dans sa filmo, je ne sais pas). Les films de Chahine brillent en effet tous d'un érotisme évident, d'un plaisir à s'abreuver de beaux garçons, mais jamais ça n'a dépassé le stade d'un regard ébloui, touchant d'ailleurs aussi les jeunes rôles féminins. Cette fois, à travers la figure du soldat anglais kidnappé, la chose est assumée - et on pourrait en dire de même du héros-autoportrait, en creux. Ce n'est pas tellement important en soi (qu'il explicite, on s'en tape un peu), mais plutôt pour ce que cela lui coûte, en tant que cinéaste égyptien : l'énergie vibrante de personnages qui doivent prendre illico leur vie en main, fonçant tête baissée, bénéficie du frémissement du cinéaste qui les filme, frissonnant à son tour de frôler le tabou, se lançant lui aussi dans le vide. Il y a des images comme ça, très concrètes, qui font exploser cette tension entre érotisme et peur, comme cette mini-scène à la plage où la nudité de l'adolescent frôle un cadavre de soldat qui flotte.

C'est la première qualité de ce film de guerre : il sent la vie à plein nez - quand le foisonnement du baroque pue habituellement la peur de la mort. Chahine gère effectivement tambour battant cet appétit d'ogre (un souvenir, comme ça : la scène du soldat ivre, avec la caméra dansante qui est tout le temps entrain de nous amener ailleurs, de raconter un nouveau rapport, d'avoir autre chose à raconter). Mieux, ce côté "dansant" lui permet de dépasser ce qui peut énerver : un manichéisme naissant envers les Etats-Unis (quoiqu'encore très contre-balancé par une fascination non dissimulée), une glorification un peu facile de l'Egypte, un scénario caricatural et des montages appuyés ultra-signifiants... Le chaos du film retourne un peu toutes ces certitudes, ne leur laissent pas le temps de se scléroser, de déplier leur petite démonstration. Impression quelque part que ce cinéma a formenté son propre antidote, ne serait-ce que par le mélange de genres. Une scène de spectacle, notamment, qui coupe très exactement le film en son milieu, et qui fait se rejoindre tous les fils (archives, images fantamées, images réalistes) dans un bouillonnement virtuose, indique à elle-seule comment Chahine ne laisse pas s'installer une imagerie (l'horreur de la guerre, le génie du jeune artiste qui se révèle...) sans se donner la possibilité de la remettre en cause, de la contrebalancer, voire de l'ironiser.

Après cette séquence-césure, l'explosion laisse la place au spectacle de la retombée des cendres. C'est narrativement logique, autant qu'un brin déceptif : plus linéaire, se resserrant sur l'histoire de son personnage principal plutôt que sur la communauté, devant gérer les conséquences plutôt que d'accompagner les espoirs, le film se fait un peu moins réjouissant. Il reste des choses magnifiques (notamment une idée super belle : le deus ex machina qui permet in extremis à Chahine de partir, je vous laisse découvrir), mais cela ternit un peu la superbe du film qui, dans sa première heure, était parti pour être le plus beau de sa filmographie.


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