Forum de FilmDeCulte

Pendant plusieurs mois, entre 1978 et 1979, les habitants de l’Oise se retrouvent plongés dans l’angoisse et la terreur : un maniaque sévit prenant pour cibles des jeunes femmes.
Après avoir tenté d’en renverser plusieurs au volant de sa voiture, il finit par blesser et tuer des auto-stoppeuses choisies au hasard. L’homme est partout et nulle part, échappant aux pièges des enquêteurs et aux barrages. Il en réchappe d’autant plus facilement qu’il est en réalité un jeune et timide gendarme qui mène une vie banale et sans histoires au sein de sa brigade. Gendarme modèle, il est chargé d’enquêter sur ses propres crimes jusqu’à ce que les cartes de son périple meurtrier lui échappent.

De Cédric Anger on restait sur son précédent film, L'Avocat, un polar nanardesque avec un Magimel tout nul, tout bouffi en avocat de la mafia et je misais pas un kopeck sur la suite de sa carrière.

Pourtant dès la première scène, le premier plan même on sent qu'on est dans quelque chose de qualitativement très différent ici. Un visage de femme mi endormie, mi lascive, la caméra recule et on réalise que ce n'est qu'un poster un peu érotique, on navigue dans un appartement à la décoration quelconque avant de s'arrêter sur un homme debout finissant de s'habiller dont on ne verra pas le visage. L'image de la femme (et non la femme) face à un homme sans visage, déjà menaçant.

Ce qui est particulièrement réussie dans le film c'est ce choix de se concentrer uniquement sur la personnalité du tueur. Anger trouve l'angle parfait pour aborder le fait-divers, reléguant l'enquête loin derrière, escamotant sciemment certains éléments de l'affaire d'origine (le braquage d'une poste : http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Alain_Lamare) pour mieux tenter de dessiner le portrait robot de son personnage principal fascinant de duplicité entre naïveté, accès de violence, frustration sexuelle, incapacité sociale et folie pure et simple. Guillaume Canet dans le rôle principal est exceptionnel, parvenant toujours à déstabiliser dans un jeu très froid et polysémique où l'on est en permanence incapable de définir ce qui se joue derrière les traits de son visage. Ils ont d'ailleurs fait un truc avec sa bouche j'ai l'impression qui donne le sentiment que Canet possède un visage totalement lisse, parfaitement anonyme, sans véritable trait distinctif. C'est très réussi.

L'ambiance est excellente, très glauque où l'on traîne une espèce de dépression larvée dans les plaines glacées et désertes de l'Oise, dans des intérieurs provinciaux tristes à mourir, dans des voitures de gendarmes où l'on se gèle en s'emmerdant entre deux blagues beaufs. La pseudo histoire d'amour avec Ana Girardot est très bien écrite dans son enchaînement de scènes où le malaise est total, ou l'on voudrait croire que l'on s'aime alors qu'on essaie juste d'échapper à son propre désespoir. Il y a un vrai truc dans la photo, dans les décors, dans la mise en scène très posée et carrée d'Anger qui crée quelque chose d'extrêmement pesant et délétère.

La musique d'ailleurs (de Grégoire Hetzel) est excellente. Elle invoque cet autre sentiment qui traverse le film, la mélancolie. Car oui dans toute son horreur et sa bestialité, le personnage de Canet est un grand mélancolique, parfois poète (une superbe scène vers la fin) qui aspire à être ailleurs, à être quelqu'un d'autre. C'est ce qui rend finalement son personnage si paradoxalement attachant. Comme le sentiment qu'il subit ce qu'il est dans une spirale qu'il ne contrôle plus.

Bref une vraie réussite, l'un des meilleurs films français de l'année pour moi. A part deux trois trucs (le tendance d'Anger à mettre trop de musique partout, une fin peut-être un peu en deça), je suis assez épaté par cette approche du fait divers qui m'a paru d'une rare justesse. J'ai vu la semaine dernière L'affaire SK1 sur l'affaire Guy Georges qui n'est pas un film honteux mais juste purement informatif tellement le réalisateur n'a pas su choisir d'angle d'attaque, n'a pas réussi à insuffler quoi que ce soit aux faits. C'est tout l'inverse ici. J'espère au moins une nomination aux César pour Canet mais j'y crois pas des masses.

4.5/6

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Impression que c'est le rôle de la carrière de Canet, visage et jeu trop falots pour convaincre la plupart du temps... le rôle en contrepoint semble être la solution.

Ton bilan m'intrigue, je vais essayer d'y aller.
(je me souviens avoir vu un Faites entrer l'accusé sur ce type : y avait notamment une scène de traque dans les marais dont je me disais "ça ferait une super scène de film").

Oui voilà il est parfait pour le rôle déjà à la base mais il est franchement très bon. C'est de toute façon un acteur pour qui j'ai pas mal de sympathie. Je l'avais déjà bien aimé dans Une vie meilleure de Cédric Kahn.

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Début de l'article du Monde consacré à Cedric Anger :



Ils sont débiles ma parole

Quel est le problème ? Ce sont les pitchs de ses trois premiers films.

Dans le premier, tu n'apprends qu'à la fin le pourquoi du tueur ; et pour le dernier, moi qui aime bien aller au cinéma sans rien connaître de l'histoire, c'est raté.

Dans ce cas ne lis rien avant d'aller voir un film

Le dernier est inspiré d'un fait divers donc ça spoile relativement.

Justement, il y avait 2 articles dans Le Monde, la critique que je n'ai pas lue et le portrait d'Anger qui pour moi était sans risque.

Il s'ennuie là

http://leplus.nouvelobs.com/contributio ... films.html

La rageance habituelle de Malausa... Ce qu'il met à Saada

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L'amour entre les différentes équipes qui ont composé les Cahiers...

+ 1

Clair que ça pue la jalousie à plein nez.

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Je suis moins enthousiaste qu'Art Core, même si je le rejoins sur les deux points qu'il met en avant : le jeu singulier de Guillaume Canet (son visage étrangement défait est l'attraction principale du film), et l'atmosphère d'hiver dépressive sur cette France solitaire des années 70 déclinantes, pour le coup vraiment réussie, plus riche que le simple abattement frigide aux tons bleutés auquel on pouvait s'attendre. J'y rajouterai les meurtres, à la fausse approximation surprenante, inhabituelle.

Je trouve quand même le film assez plat dans l'ensemble, assez terne, mal dialogué, et je finis par me demander si les moments où l'on sent un potentiel poétique ou horrifique grandir (le face à face avec les flics dans le commissariat nocturne, par exemple) ne sont pas le fait du chef-op posant ci et là de petites touches, de petites ouvertures, que le film trop prudent ne suit pas. Même la musique d'Hetzel tapissée sur tout le film, qui va pasticher Desplat ou le Fratres de Pärt (probablement posés en maquette sur le montage), ne me semble pas vraiment dévier des petits stases mélancoliques fainéantes auxquelles le cinéma nous a habitué ces dernières années. Ça m'étonne aussi de voir ce film, relativement ambitieux par ailleurs, tomber dans quelques académismes grossiers (toutes les visions de scarifications ou de fouillis organiques sembler expliquer caricaturalement la psyché du tueur : un mystère total aurait ici sans doute été préférable).

Pas mal donc, mais je vois plus le film comme le premier pas hésitant et pas encore tout à fait personnel d'un cinéaste avec du potentiel (quand bien même c'est un troisième long), que comme une bonne nouvelle en soi.