Forum de FilmDeCulte

Marseille. 1975. Pierre Michel, jeune magistrat venu de Metz avec femme et enfants, est nommé juge du grand banditisme. Il décide de s’attaquer à la French Connection, organisation mafieuse qui exporte l’héroïne dans le monde entier. N’écoutant aucune mise en garde, le juge Michel part seul en croisade contre Gaëtan Zampa, figure emblématique du milieu et parrain intouchable. Mais il va rapidement comprendre que, pour obtenir des résultats, il doit changer ses méthodes.

Les problèmes du film de Jimenez sont multiples.
C'est d'abord et avant tout un cinéma de gimmicks, de petites scènes formatées sur le moule d'une rythmique "à la Scorsese" où la musique rock balancée à toute blinde se superpose à un montage rapide, toujours aux abois, qui semble avoir peur de se poser, de prendre le temps.
Résultats : on comprend bien vite la mécanique qui se répète inlassablement et on attend désespérément le contre-point rythmique qui ne viendra pas; pas de longue séquence, pas vraiment de pause dans la mécanique du clip - quelques rares moments clichés se situent dans une émotion de littérature polar achetée chez Auchan. On est donc jamais touché, peu intrigué par ce qui se passe : la bande-annonce promettait des scènes d'action, elles sont là mais taillées à la serpe du clip et ne vivent pas; Dujardin est filmé dans une discothèque sur fond de synthés dronesques sombres, on voit un pastiche de Mann mais on ne ressent rien.

C'est le deuxième point à aborder, les personnages. Dans l'espace étriqué du montage qui veut toujours aller plus vite, ils ne vivent pas. Ils ne naissent qu'à peine à l'écran. Magimel est un fantôme, les "seconds couteaux" ne sont que des tronches sans âme, seuls Guillaume Gouix et - vite fait - Cyril Lecomte donnent un peu signe de vie. Les femmes ne sont rien, c'est triste.
Quant au duo principal, on ne peut pas dire qu'il soit mauvais, ils n'ont pas grand chose à donner, voilà tout. J'ai lu une critique négative disant que Lellouche jouait un mauvais Pacino. Je ne le pense pas : je crois qu'il joue Lellouche, l'acteur charismatique que l'on attend tous à l'écran. Or, s'il a le physique et la gueule qu'il faut, il n'incarne rien, est monolithique et ne joue qu'avec une expression. La rencontre des deux, à la Heat, n'apporte absolument rien à l'intrigue ou aux caractères des personnages. C'est tout à fait creux, fugace et sans saveur.

La faute à cette écriture de gimmicks, qui fait invariablement passer l'humain comme une ombre dans ce fatras de meurtres et de courses contre la montre. C'aurait pu être une idée, mais Jimenez ne semble pas s'y intéresser, comme le montre la fin du film :


Vient le discours de fin, hypocrisie de la hiérarchie corrompue qui rend hommage à un héros de la "résistance" (Dujardin en Pierre Michel). Le film se clot sur une note politique impromptue, comme s'il se devait de raccrocher in extremis les wagons qui filaient à toute vitesse pendant les 2 heures précédentes à quelque chose de tangible. Mais c'est déjà bien trop tard, La French n'a rien à dire.

2/6

J'avais été plutôt agréablement surpris de mon côté. Je trouve le film plutôt bien fait, la reconstitution est classe sans en faire trop, les acteurs font le job (sans génie parfois comme pour Lellouche), il y a quelques moments musicaux clippesques en effet du plus bel effet et au final ça cherche pas à en faire des tonnes.
Après c'est très vite limité par finalement ce que ça raconte. Il y a un peu une incapacité à faire vraiment décoller le truc au delà de l'adaptation de son fait-divers. On rajoute au perso de Dujardin une addiction au jeu et une relation conflictuelle avec sa femme (pauvre Salette en femme délaissée de service aka le rôle le plus ingrat du monde). Et à part leur face à face sur la caneubièreu (qui est dans la BA) il y a finalement assez peu de tension. J'aime bien la non-violence du perso de Lellouche, ça change un peu.
Mais il m'en reste déjà pas grand chose.

3/6

Par contre si j'apprécie le fait de ne pas avoir mis de cartons finaux pour expliquer ce qu'était devenu les personnages (ça change un peu), c'est quand même dommage pour le personnage de Lellouche car j'ai appris grâce à Wikipédia que le mec est devenu totalement fou en prison et a finit par se pendre dans sa cellule. Bizarre de laisser ça sous silence je trouve, ça apporte un éclairage très différent sur le personnage.

Sinon j'aime bien la critique méchante mais hilarante de Chronic'art (Mocilovic again) : http://www.chronicart.com/cinema/la-french/

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CroqAnimement votre

La bande-annonce est absolument ridicule avec ce face à face Dujardin/Lellouche en mode malfrat de ouf qui n'arrivent pas à faire oublier leurs persos de beaufs dans Les infidèles.

Oui, le choix de ces deux acteurs est marketing, obligé. C'est dommage parce qu'avec deux acteurs solides, le film aurait été tout aussi inconséquent mais sans doute plus motivant, voire plus agréable.

Bof, il y a une scène au début du film qui est censé nous montrer à quel point c'est un psychopathe dangereux (le sniffage a volonté, scène ridicule par ailleurs), puis après plus rien pour nous le rappeler. Y'a pas vraiment de cohérence je trouve.

Ben alors, il est pas mal ce petit polar à la française, il se laisse voir sans déplaisir

Moi j'ai bien aimé Dujardin et Lellouche. Il est bon de rappeler qu'avant ses conneries avec Cavayé ou Canet, le Gillou était un bon acteur (j'avais bien aimé son rôle dans Ma vie en l'air). Sur le film en lui-même, j'ai été agréablement surpris. Reconstitution soignée, mise en scène élégante, ça ne joue évidemment pas dans la cour de Scorsese mais on a ici un petit polar réussi et agréable.

La belle obstination du personnage du Juge Michel et le fait que Jimenez prenne le projet à coeur contribuent à cette petite réussite. J'ai beaucoup aimé aussi le personnage de Guillaume Gouix. Bref, ça va au-delà du wikipédia filmé, l'ensemble est tenu et il y a un petit charme qui s'impose. C'est pas gégé mais plutôt bien foutu et contrairement à OncleTom je trouve que ça arrive à se dépêtrer des références inévitables de films de gangsters (Scorsese, Mann,..) pour imposer sa propre personnalité.

4/6

j'écoutais la commission sénatoriale sur le trafic de drogue, et j'en étais à l'audition des juges marseillais. ils racontaient que nous sommes dans la décennie de bascule d'échelle du trafic de drogue, avec des moyens financiers désormais illimités et lorsque ça arrive, la corruption progresse. donc il y a pas mal d'affaires qui commencent à sortir sur des petits fonctionnaires qui se laissent tenter (policiers, greffiers, municipaux, désormais des maires...) mais ils disaient "évidemment à marseille la référence de tout le monde c'est le juge michel, qui reste dans nos esprits chaque jour, mais on en est pas encore-là".

je me suis donc vite fait renseigné et je suis arrivé jusqu'à la french, qui en plus m'intéresse parce que je pense depuis longtemps que tout l'époque héroine est totalement sous-traitée alors qu'il y a plein de choses passionnantes à raconter dessus, avec un parallèle forcément intéressant sur la période actuelle du trafic de drogues. je pense aussi qu'on sous-traite totalement nos histoires locales, on fait déjà à peine des films pour raconter notre histoire nationale mais alors les histoires locales c'est la catastrophe totale - donc là c'est parfait.

au final, le film a fait 1,5m d'entrées et a bien lancé cédric donc j'imagine qu'il a apporté satisfaction à ceux l'ayant fait et ceux ayant payé leur billet, mais pas à moi.
ça tient en un truc précis : cedric joue à michael mann et à martin scorsese.
alors que bon, un polar pendant les années 70 on a un quand même quelques modèles locaux dont s'inspirer ou auxquels rendre hommage. mais cedric nous fait un faux affranchis au début, puis ça devient heat, et puis vraiment no shade mais enfin dujardin n'est pas de niro, lellouche n'est pas pacino, magimel joue à val kilmer mais nous ne sommes pas dupes, il y a même la petite rencontre informelle au sommet entre ces deux adversaires qui au fond ne sont pas si éloignés... alors c'est une plate imitation, parfois un peu ridicule, parfois propre mais enfin tout le temps sans intéret particulier.
ça va jusqu'à dujardin, qui aime bien belmondo je crois - alors quitte à trahir le personnage (dans les faits c'était un juge d'instruction français quoi, pas glamour, l'administration et les procèdures, mais c'est ça qu'il y a à raconter et qui est intéressant !) autant se référer à jean-paul plutôt que d'en fait un simili inspecteur harry ?

et donc tout l’intérêt spécifique de cette histoire disparait. ça n'est plus particulièrement l'histoire de marseille (gaston deferre totalement expédié...), plus particulièrement une exploration de la manière dont l'état de droit et d'administration français lutte contre des gens et des organisations qui ne respectent aucune règle, il n'y a rien à tirer pour aujourd'hui de cette histoire qui montre une accumulation de meurtres dans une ville grangrenée par le trafic... bref tout ce qui m'intéresse. au lieu de ça, une histoire de truands totalement basique, qui à part pour les costumes pourrait se passer vaguement n'importe quand, et de toute façon n'importe où. ça pourrait être une histoire fictionnelle ça ne changerait pas grand chose, puisque toutes les scènes ont été vues 200 fois dans leurs références américaines (j'ai quand même l'impression qu'audrey diwan a les pires difficultés à inventer des scènes originales et se contente souvent un peu de raconter les choses de la manière la plus évidente selon ce qu'elle a vu dans des films auparavant).
même les péripéties policières et judiciaires ayant suivi la fin de l'histoire ne sont pas traitées, voire trahies - et ce n'est pas une problématique de fidélité, mais c'est juste que ce qu'il s'est vraiment passé est plus intéressant que cette successions de poncifs.

mais bon rien n'est mauvais en soi, ça a rempli son office, c'est toujours ça de pris pour raconter un peu l'histoire, mais je suis fondamentalement d'accord avec l'avis de tonton - même;si la longue et belle carrière de lelouche depuis confirme qu'on est dans le pur pastiche de pacino - et il est quand même bien mieux quand il joue normalement en correspondance avec ce qu'il est plutôt que là où c'est franchement un peu ridicule.