aka Avatar : de feu et de cendres
Après la guerre dévastatrice contre les humains et la perte de leur fils aîné, Jake Sully et Neytiri doivent faire face à une nouvelle menace sur Pandora : le Peuple des Cendres, une tribu Na’vi violente et avide de pouvoir, dirigée par l’impitoyable Varang. La famille de Jake doit se battre pour sa survie et l’avenir de Pandora dans un conflit qui les pousse à leurs limites physiques et émotionnelles.On a longtemps attendu des nouvelles d'une suite d'
Avatar. Y en aurait-il une? Deux furent annoncées. Puis trois. Puis quatre. Des scénaristes furent embauchés pour bosser chacun avec Cameron sur un épisode différent. Simultanément. Les dates de sorties n'avaient de cesse d'être repoussées, de 2014 jusqu'à 2022 où, enfin, la première suite vit le jour. Le film étant presque intégralement en images de synthèse avec des comédiens jouant les personnages en performance-capture, le cinéaste était dans la position unique généralement réservée aux films d'animation de pouvoir reprendre directement au lendemain du premier chapitre mais plutôt que d'ignorer les TREIZE années passées entre les deux volets, Cameron les a diégétisé. Conçus initialement comme un seul et même film avant qu'il ne soit divisé en deux,
La Voie de l'eau et
De feu et de cendres forment les deux parties d'une même histoire. Par conséquent, le dernier volet accuse un aspect "moitié de récit" que présentent beaucoup de troisièmes opus tournés en même temps que le second et ne propose donc pas le même renouveau, tombant même parfois dans la redite. Néanmoins, Cameron ne saurait se limiter à répéter paresseusement les mêmes motifs et introduit encore des concepts thématiques porteurs tout en proposant une vraie surenchère dans le spectacle. Après l'air et l'eau, c'est le feu qui permet au cinéaste d'explorer le deuil mais surtout la question de la violence contre l'oppresseur dans un film sans cesse en réflexion sur son propre lore, bouclant la boucle d'une saga désormais familiale.
De nouveaux personnages, un nouvel environnement, de nouvelles créatures,
La Voie de l'eau avait beau réitérer les principes du voyage et certains éléments du schéma de son prédécesseur, il parvenait toutefois à s'en distinguer et rabattait les cartes en incluant une nouvelle génération de personnages au service d'un propos sur la transmission de la lutte.
De feu et de cendres poursuit cette ligne thématique mais ici la dimension personnelle et la dimension globale s'unissent. Devenu père et donc plus conservateur, Jake Sully choisissait de protéger sa famille plutôt que de mener la révolution. Cette fois, la question est plutôt de savoir comment la mener. A ce titre, la symbolique du feu n'a rien de subtil. Dès leur première apparition, dans une incroyable scène d'action qui m'a fait penser "putain le mec réussit ENCORE à proposer quelque chose de vertigineux", le nouveau peuple imaginé par Cameron nous est présenté comme synonyme de mort. Et il est fascinant. Des apostats antithéistes vivant dans un paysage de cendres, vouant un culte à la flamme et enclin aux attaques kamikazes. Quand ils ont soudain accès à la technologie militaire, c'est Noël pour eux. En un sens, l'élément le plus important du film n'est peut-être pas le feu mais le fer, permettant à l'auteur une réflexion sur son propre
gun fetish, creusant son ambivalence vis-à-vis de la technologie et sa peur de l'extinction. Cameron l'a toujours rejeté - les Marines surarmés s'avèrent impuissants, le T800 doit finir dans la lave et le Titanic au fond de l'océan - mais rarement en a-t-il débattu aussi frontalement. Si les armes à feu des humains sont les vecteurs de la destruction, comment s'en servir contre son oppresseur? Comment concilier une course à l'armement et la protection de son environnement? Ce n'est pas un hasard si un plan semble citer ouvertement la fin d'
Abyss, avec les obélisques du vaisseau émergeant de l'eau, encerclant les personnages, sauf qu'ici il s'agit de créatures vivantes et non d'une machine.
Le jeu de miroirs bat son plein dans ce troisième film. Continuant de faire de l'antagoniste Quaritch le personnage le plus riche de ce diptyque, Cameron propose même une relecture négative de la romance John Smith/Pocahontas tant décriée du premier film dans l'alliance entre l'antagoniste et la cheftaine du clan adverse, une Neytiri qui aurait mal tourné et qui utilise même le lien symbiotique permis par leur tresse pour la soumission. L'écho est d'autant plus pertinent que le récit explore précisément le désarroi de personnages féminins à qui leur divinité ne répond plus, s'imposant comme l'épisode le plus spirituel de la trilogie. Je veux dire, il y a même toute une séquence renvoyant au choix d'Abraham. C'est l'inversion du précédent. Jusqu'où est-on prêt à aller pour protéger son monde? De plus en plus raciste, Neytiri laissera-t-elle sa douleur dicter ses actes? Peut-on laisser sa haine tout consumer? L'intrigue micro rejoint l'intrigue macro et le tout culmine dans une apothéose finale où les éléments s'entrechoquent pour la purification. Alors oui, il y a de la répétition, qu'elle soit dramaturgique (la relation filiale tendue que l'on pensait résolue) ou narrative (l'Eywa ex machina durant la bataille finale où les animaux se rebiffent) ou simplement visuelle (les Tulkun vs. les bateaux) mais la nature cyclique du récit se fait également à-propos, comme pour le parcours de Spider par exemple, assumant à 4600% le caractère
soap opera de ces deux films pour conclure une histoire par conséquent générationnelle. Parce que c'est d'héritage qu'il s'agit au final : quelle leçon inculque-t-on par nos actes à nos enfants? Et quelles leçons nous inculquent-ils en retour.