
Roman posthume (publié par Madame Hanska, sans doute parce qu'il y a quelques analogies entre leur couple et leur vie et celles des propriétairs fonciers du livre, les Montcornet, décrits d'ailleurs avec un singulier mélange de sympathie et de lucidité cruelle), pas le plus connu de Balzac, mais assez commenté par la critique littéraire marxisante (Macherey et à sa suite T.J. Clark qui en parle dans son livre sur Courbet - le roman se pase d'ailleurs en Bourgogne, relativement proche du Jura). Un peu en marge de la Comédie Humaine, un des rares à mettre au premier plan le peuple (et super fin en effet sur la distinction bourgeoisie / noblesse déclassée, correspondant aussi à une différence entre pouvoir économique et prestige politique, fonction et nom aussi d'un certain côté). Style superbe, tonalité faulknerienne (un lieu à la fois choral et confiné) et en effet Balzac inclassable politiquement, il craint le peuple pour sa violence tout en l'enviant pour une sorte de noblese christique, une humilité paradoxale et inconsciente (ambiguïté articulée à na fois par un curé humilié, assez bernanosien, et par un écrivain dandy fatigué, tiens comme Sous le soleil de Satan), et met sur le même plan la faiblesse d'une domination politique (qui n'assume pas l'arbitraire et la violence de ses fins) et son aveuglement (qui séduit le peuple au lieu de le voir).
Très fort.
J'aime beaucoup les Balzac un peu moins connus mais plus politiques comme la Rechrche de l'Absolu, une Ténébreuse Affaire (très proche dans l'orientatiob politique de ce livre, mais radicalement différent dans le récit qui individualise à la fois Mme de Cing-Cygne et Napoléon quand ici il y a une cinquantaine de personnages en 400 pages) et celui-ci.
Et la description de la bonne société d'une petite ville bourguignonne au début de la second partie est

(dans le fond le ridicule bourgeois est pire pour Balzac que la violence des paysan et des prolétaires, imprévisible tout en étant située dans l'histoire commune. Tout en naturalisant la psychologie du peuple il voit dans le pouvoir et la bourgeoisie une nature contrefaite, et donc jugée : la violence sociale correspond exactement à l'impuissance secrète de l'ordre - le roman s'identifie aux intérêts de ce qu'il critique, qu'il vise comme son au-delà réel, mais se sait impuissant à en garantir la force).