Art Core a écrit:
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The Wager - David Grann
J’étais en train de le lire quand Art Core a publié son message. Maintenant que je l’ai fini, je peux confirmer tout le bien qui en a été dit.
C’est effectivement un récit captivant. Et l’aventure pour le lecteur est autant dans les péripéties racontées qu’au niveau du langage utilisé, celui qui est propre à la marine. Des expressions comme :
prendre des ris ou
ferler les perroquets, n’ont désormais plus de secret pour moi.
J’ai beaucoup pensé à une série documentaire (remarquable) passée sur Arte qui contait le périple de Magellan autour du monde, deux siècles avant les événements racontés dans le livre. Là aussi, on y parlait d’une armada de bateaux en route vers le Cap Horn, de furieuses tempêtes, de mutinerie, etc…
Toutes ces aventures m’ont aussi rappelé mes lointaines lectures de Conrad et de Melville cités dans le livre. La différence étant qu’ici l’auteur n’est pas contemporain de ce qu’il raconte. Il écrit depuis l’avenir, ce qui lui donne de l’avance sur les évènements et lui permet d’en souligner parfois l’ironie cruelle. Je pense à ce moment intitulé « la tempête dans la tempête » où il relate le double combat des hommes d’équipage contre les éléments et, plus terrible encore, contre la « peste » des marins, le scorbut. Les hommes meurent en masse de cette maladie alors que souligne l’auteur, le remède était à portée de main : des citrons trouvés en abondance lors d’une escale.
A ce moment là du récit, j’ai moins pensé à des films historiques qu’à un film d’anticipation,
Alien, une autre histoire où l’équipage d’un vaisseau était décimé par un « passager clandestin ». D’ailleurs, on trouve dans le livre, la description classique de l’inhumation en mer des marins morts : leur corps emmailloté dans un tissu, posé sur une planche qu’on fait pivoter puis le glissement de la dépouille dans les flots, rituel qui a inspiré la scène si belle des funérailles de Kane dans le film de Ridley Scott.
Ce qui étonne au final, c’est que soit si peu resté resté dans les mémoires ce récit extraordinaire, dont les protagonistes ont laissé des tas de témoignages écrits, allant de la simple déposition à la rédaction d’un ouvrage. David Grann note d’ailleurs à ce sujet que parmi les survivants, le marin John Duck est en définitive le seul dont on ait aucun écrit. Et pour cause : noir affranchi dans la marine anglaise, une fois rescapé du naufrage, il sera à nouveau fait esclave sur le continent américain.
Au cinéma par exemple : combien de versions du Bounty pour zéro film sur le Wager ? Qu’est-ce qui a rebuté les scénaristes, les cinéastes : l’aridité du décor (c’est sûr que l’île du Wager en comparaison de Tahiti, c’est plus proche d’un film de Bergman que du cinéma hollywoodien) ? Le cannibalisme auquel se livrent certains marins ?....
Ce livre là devrait changer la donne, c’est sûr.