(paie ta tagline qui n'a rien à voir avec la choucroute)
Synopsis : Mai 1920 en Virginie-Occidentale. Des mineurs ricains réfractaires refusant de comprendre que contrairement au ruissellement, la productivité ne tombe pas du ciel, insistent lourdement pour obtenir des conditions de travail plus correctes mais également d’être mieux payés. Joe Kenehan (Chris Cooper) un leader syndicaliste, vient les aider à s’organiser. De façon tout à fait légale, les propriétaires de la mine leur envoie aux fesses des gros bras de la Baldwin–Felts Detective Agency afin de les espionner, les expulser, les torturer et les assassiner. Basé sur une histoire vraie à laquelle John Sayles ajoute le personnage du syndicaliste,
Matewan fait partie d’un diptyque de cet auteur avec
Eight Men Out (dont le titre VF, aberrant, est
Les Coulisses de l’exploit). Tous deux sont situés dans les années 1920 et tous deux relatent des histoires ayant défrayé la chronique et débutant par un conflit employeurs/employés. Mais là où
Eight Men Out (sur le scandale d’une saison truquée par les joueurs sous-payés des White Sox) se situe dans un environnement citadin et s’appuie sur la corruption progressive du sport-spectacle,
Matewan, lui, s’intéresse à un hameau et un milieu déclinants : les mineurs de charbon au fin fond de l’Amérique. Afin de mater la révolte qui gronde, les proprios de la mine pensent d’abord embaucher des travailleurs noirs (avec l'imposant James Earl Jones à leur tête) ou immigrés (des Italiens, en l’occurrence), tablant sur la haine entre les différentes communautés et ainsi diviser pour mieux régner. Or, la présence de Joe va changer la donne et recadrer le débat en un bras de fer à distance avec un ennemi commun.
D’un côté, les proprios sont invisibles et envoient leurs nervis (dont Kevin Tighe, tout à fait délectable en ordure de compétition), une milice privée sans scrupules qui va se heurter aux deux représentants de la loi : un maire dépassé et un shérif incarné par l’alter ego de Sayles, David Strathairn. De l’autre, les mineurs passent outre leurs préjugés de départ et se rassemblent en un campement où l’on partage les provisions ou bien où l’on joue un match de baseball. Loin de la manne financière dépeinte dans
EightMen Out, on est encore ici sur un loisir fondateur du pays. Au milieu de ce conflit se trouvent également une maison d’hôte tenue par une veuve qui va faire front, et une autre veuve par qui le scandale va arriver.
En faisant monter la tension au gré des représailles, Sayles questionne ici l’un des grands piliers fondateurs de son pays : la glorification de la violence pour arriver à ses fins. Issu de l’exploitation, Sayles aime plonger dans un genre pour le triturer de façon à en faire ressortir la fibre contestataire. Comme
The Brother from Another Planet recréait
E.T. en chronique indé située à Harlem, Matewan figure ainsi comme un contrepoint du
Pale Rider de Eastwood sorti deux ans plus tôt et qui se base sur une intrigue similaire. A contrario du Pasteur taciturne incarné par Clint, qui va régler le problème des ploucs à grand renfort de tartes dans la gueule, Joe est un agitateur pacifiste, qui a fait de la prison en tant qu’objecteur de conscience durant la Grande Guerre.
Le film fait également écho au délabrement contemporain des organisations syndicales US, mises à mal par plusieurs scandales mais surtout par le démantèlement massif des politiques sociales sous Reagan. Sorti en queue de comète du deuxième terme du Président,
Matewan en appelle à une solidarité de classe absente du paysage médiatique. Cet esprit se retrouve également dans la réalisation du film avec une distribution d’habitués de Sayles. Strathairn bien sûr, Kevin Tighe qui composera un autre escroc dans
Eight Men Out, Cooper qui tiendra la vedette dans
Lone Star, mais aussi dans
City of Hope, où l’on retrouve Joe Morton de
Brother, et évidemment Maggie Renzi -la femme de Sayles- qui campe ici une immigrée italienne.
Et ironiquement, Sayles fait une apparition en tant que pasteur antibolchévique. Les liens entre religion et pouvoir sont alors dénoncés par le propre narrateur du film, un jeune homme du temps de cette affaire qui office alors comme enfant de chœur et détourne des prêches pour inciter au soulèvement de ces camarades mineurs.
C’est avec lui que s’ouvre et se ferme
Matewan dans deux scènes qui se répondent. En ouverture : le placement d’un bâton de dynamite dans la mine -symbole de l’explosion de colère à venir- et en fermeture :
. Un ultime pied de nez qui rappelle que le but de tout ce combat était une vie de labeur risqué. Deux séquences en forme de parenthèses lugubres à un récit où les couleurs sont étouffés à l’exception du vert de la foret entourant le village et les mine, contraste saisissant avec la grisaille ambiante qui la gangrène jusqu’à y faire retentir les coups de feu cinglants. Et qu’en pleine nature s’impose la loi de la jungle économique.