classique-chiant rédaction scolaire quoi si tu préfères. Les mecs sont encore à l'école à rédiger leur pensum.
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Bien des années plus tôt, les parents de ma grand-mère avaient demandé que l’assistance publique leur confiât un orphelin pour les aider dans les travaux de la ferme, comme cela se pratiquait couramment alors, en ce temps où n’avait pas été élaborée la mystification complaisante et retorse qui, sous couvert de protéger l’enfant, tend à ses parents un miroir flatteur, édulcoré, somptuaire ; il suffisait alors que l’enfant mangeât, couchât sous un toit, s’instruisît au contact de ses aînés des quelques gestes nécessaires à cette survie dont il ferait une vie ; on supposait pour le reste que l’âge tendre suppléait à la tendresse, palliait le froid, la peine et les durs travaux qu’adoucissaient les galettes de sarrasin, la beauté des soirs, l’air bon comme le pain.
On leur envoya André Dufourneau. Je me plais à croire qu’il arriva un soir d’octobre ou de décembre, trempé de pluie ou les oreilles rougies dans le gel vif ; pour la première fois ses pieds frappèrent ce chemin que plus jamais ils ne frapperont ; il regarda l’arbre, l’étable, la façon dont l’horizon d’ici découpait le ciel, la porte ; il regarda les visages nouveaux sous la lampe, surpris ou émus, souriants ou indifférents ; il eut une pensée que nous ne connaîtrons pas. Il s’assit et mangea la soupe. Il resta dix ans.
Ma grand-mère, qui s’est mariée en 1910, était encore fille. Elle s’attacha à l’enfant, qu’elle entoura assurément de cette fine gentillesse que je lui ai connue, et dont elle tempéra la bonhomie brutale des hommes qu’il accompagnait aux champs. Il ne connaissait ni ne connut jamais l’école. Elle lui apprit à lire, à écrire. (J’imagine un soir d’hiver ; une paysanne jeunette en robe noire fait grincer la porte du buffet, en sort un petit cahier perché tout en haut, « le cahier d’André », s’assied près de l’enfant qui s’est lavé les mains. Parmi les palabres patoises, une voix s’anoblit, se pose un ton plus haut, s’efforce en des sonorités plus riches d’épouser la langue aux plus riches mots. L’enfant écoute, répète craintivement d’abord, puis avec complaisance. Il ne sait pas encore qu’à ceux de sa classe ou de son espèce, nés plus près de la terre et plus
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Il était cinq heures lorsque le téléphone a sonné. Je suis souvent levé à cette heure où la nuit règne encore mais, ce matin-là, je dormais et c’est en rêve que j’ai su que mon père était mort.
J’attendais ce moment depuis le moment où j’ai appris que nous mourrons, tous, et qu’il nous faut attendre. Il avait visité la place vingt-huit ans auparavant, au début du mois de juillet de ma treizième année. Je campais, sous la tente, à cinq cents kilomètres de la maison mais je vois l’étroit vestibule, la pomme du premier balustre en chêne verni, les deux portes latérales et l’amorce de l’escalier avec une telle netteté qu’aujourd’hui encore, je m’y laisserais prendre. La scène ne comporte aucune incongruité. Les portes sont à la bonne hauteur. Le bois de la rampe a la couleur du chêne. Je discerne mal les traits de ceux qui m’entourent mais cela se produit également de ce côté-ci quand on se trouve aux prises avec une douleur extrême. En revanche, je vois mon père étendu au pied du balustre. On a repêché son corps dans la Vézère.
Combien de temps je me suis tenu là, près de lui, c’est ce dont je n’ai pas idée. On se trompe invariablement lorsqu’on se mêle d’examiner la vie feinte que les désastres de la vraie, de celle, du moins qui devrait l’être, nous forcent d’inventer. Par exemple, on cille une seconde, rien qu’une : tout est encore en l’état. Le même oiseau traverse le même carré de ciel. On finit de forger, de bâtir un mot bref et pourtant, deux années ont passé. On en sent, au creux de soi, la profondeur, le poids. Mais la nuit suivante, il faut des jours sans nombre pour venir à bout d’un petit
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Il n’avait pas bougé, à quatre pattes, la tête basse, râlant encore par accès sous le déluge noir qui l’avait instantanément transpercé. Un voile glacé descendait doucement le long de ses côtes que l’asphyxie, l’épuisement soulevaient par saccades, comme de profonds sanglots. Il n’y a plus rien. Je dois être vidé, maintenant. Il encensait pesamment, imprimant au long filet de bave épaisse, collante, déjà refroidie, qui pendait à sa lèvre un lent mouvement pendulaire. En même temps que l’abjecte mixture de petits pois et de porto qui se dissolvait sous son nez dans l’herbe noyée, il avait expulsé la houle abominable qu’il avait tenté d’apaiser avant qu’elle ne le jette dehors, luttant de vitesse avec l’extrusion suffocante, libératrice.
Dans les ténèbres, la campagne semblait frire sous l’averse. Une goutte s’était mise à tomber régulièrement de ses cheveux. Il frissonnait. Il s’agenouilla, le tronc oscillant doucement, les yeux brouillés de larmes et de pluie. Enfin, il se redressa tout à fait et marcha d’un pas incertain vers le rectangle de lumière jaune qui s’ouvrait dans la nuit.
Gontrand parlait de cinéma filmé, voici de la littérature écrite. Ce qui est marrant les gens vont jamais te dire j'ai lu Catherine de Bergounioux ou La Maison Rose, ils te disent ouais Bergounioux c'est bien, Michon c'est bien, voilà quoi.