Forum de FilmDeCulte

J'aime beaucoup le premier Vernon, le deuxième m'avait un peu déçu et pour l'instant le troisième (j'en suis au tiers) est plus sur le chemin du deuxième. On perd le côté cartographie sociale parisienne pour un peu mou, trop souvent tourné vers une forme de comédie de moeurs un peu new age. Ça se lit bien mais c'est pas grand chose alors que le premier m'avait vraiment enthousiasmé.

Sinon j'ai lu Fairy Tale d'Hélène Zimmer, parce que Cosmo en avait parlé sur FB et que ça m'avait intrigué. La première partie en mode description clinique et naturaliste des classes populaires sans glamour est plutôt pas mal mais alors dès que la télé fait son appartion ça devient catastrophique, caricature à tous les étages et lourdeur rédhibitoire. Au final c'est quand même très mauvais.

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CroqAnimement votre

Oui, Fairy Tale, c'est vraiment pas génial... J'ai un peu de mal avec l'héroïne, en plus effectivement de la caricature de la télé.
Récemment, j'ai adoré L'Ordre du jour,d'Éric Vuillard, Les jours enfuis de Jay McInerney (faudrait que je lise les deux premiers tomes, du coup), et bien aimé Quand on a que l'humour, d'Amélie Antoine. Je vais faire mon petit top à mi année, je pense

Oui, j'ai fini par lâcher Subutex (à la confession vidéo du chanteur qui était le Mcguffin du premier tome) pour "la Guerre et la Paix" ("le temps de finir le livre j'irai mieux"). Ce n'est que deux fois plus gros que le Despentes (et 1.5 fois la Bible)

Je suis à Austerlitz (la bataille, pas la gare).

C'est bien, très moderne, description froide et behavioriste,de la guerre saisie, malgré des trouées brêves et marquantes de lucidité , principalement à travers les plans de carrière militaire des uns et des autres (qui avalent finalement l'évènement de la bataille en lieu quand elle arrive vraiment : c'est à chaque fois le même non-évènement qui se répète), en essence guère différents de calculs matrimoniaux entre grandes familles, mais Tolstoï comprend très bien que ce beau monde se retrouve au total avec une situation d'aveuglement total face à l'idéoloe qu'il acréé lui-même qui préfigure le fascisme et l'impérialisme.

La présence-absence de Napoléon est aussi très importante, peut-être à la fois ce qu'il doit à Hegel et rejete (intéressant de le comaprer avec "une Ténébreuse Affaire " de Balzac, oùle regard sur Napoléon est proche du Tolstoï, mais l'indignation morale diluée dans un épisode feuilletonnesque de l'intrigue, à une interpellation à laquelle la voix de Napoléon répond, en étant elle-même la réponse, tzandis que chez Tolstoï Napoléon est uen signature : chez Balzac le corps, inclus dans la fiction équilibre l'aspect spectral et massivement meurtrier de l'idéologie, alors que Tolstoï oppose au contraire irrédictiblement corps et fiction, et palce la guerre au centre de cette opposition (le corps et bien présent, mais aux marges du récit, comme un phénomène qui neutralise l'histoire, par exemple au moment marquant où Pierre est gêné par ses lunettes et dégoûté d'embrasser la trop belle Hélène Kouraguine).

Montage très cinématographique. Très proche du Nouveau roman en fait. Très différent des Misérables écrit une petite dizaine d'annes avant, beaucoup plus "moderne".

Après 400 pages j'ai toujours tendance à confondre les intrigues parallèles des deux cousins Pierre Bézoukhov (le gentil planqué de gauche si j'ai bien compris) et Boris Droubetskoï .

Sinon le (contestable je crois, mais très beau et aussi très intéressant*) livre de Zourabichvili sur Spinoza et l'enfance ("le Conservatisme paradoxal de Spinza") cite une pièce de théâtre appellée "Vermeer et Spinoza", de Gilles Aillaud, de 1984.
Elle a été publiée à l'époque chez Christian Bourgeois, et est difficilement trouvable.
Elle est très belle et troublante.
Elle met en scène essentiellement Spinoza et ses élèves van Blijenbergh et Meyer. Vermeer n'apparaît que de dos, muet, dans une seule scène de quelques secondes, mangeant un youghurt, refusant par son sourire de peindre un portrait d'une corporation.

L'avant dernière réplique en est :
“Qui s'imagine qu'un autre le hait, et croit ne lui avoir donné aucun motif de haine, le haïra à son tour »

Il s’agît bien sûr de la description d’un échec (la haine est à la fois une contingence et une détermination radicale du sujet par l'extérieur), pas d’un souhait.

Gilles Aillaud, le nom me disait quelque chose. C'est bien le même que celui qui a peint avec Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati "Vivre et laisser mourir ou la Fin tragique de Marcel Duchamp" que l'on trouve au Musée Reine Sofia de Madrid

C’était un homme de théâtre mais aussi un peintre emblématique de la Figuration narrative, abordant, dans un premier temps, directement des sujets politique, puis, après mai 1968, animaliers :









Gilles Aillaud est le fils d’un architecte, Emile Aillaud qui a conçu beaucoup des cités HLM autour de Paris, dont la Grande Borne à Grigny. Son père s’opposait au fonctionnalisme du Corbusier, et pensait qu’en donnant aux cités une texture de village (grandes pelouses, bâtiments plus longs que hauts), la condition des habitants serait meilleure.
Malheureusement les cités qu’il a dessinées sont depuis les années 1980 le cœur des émeutes péri-urbaines les plus violentes.
http://www.leparisien.fr/grigny-91350/l ... 776203.php
http://gottogotoheaven.over-blog.com/20 ... e-pas.html




On peut se demander s’il n’y pas un rapport entre son père, et le fait que Gilles Aillaud a, après sa période plus directement politique, d’abord représenté des animaux dans des zoos dans des couleurs froides, avant de peindre l’animal seul, dans des peintures à la fois plus libres mais paradoxalement moins personnelles, plus conventionnelles . Ce paradoxe rejoint une problématique opposant Spinoza à son père : il lui fallait peut-être un détour par la pensée de Spinoza pour comprendre qu'une personnalité ne s'assigne peut-être pas par un déterminisme extérieur, et la convention est peut-être une protestation contre cette croyance (il me semble qu'il n'y a certes un idéal politique et éthique, mais pas d'utopie chez Spinoza, alors que les cités sociale se voulaient des utopies) :

Il est mort en 2005

* p 196 :
"[Un] choix est toujours entre un mal et un bien, voire entre deux maux ou entre deux biens : il relève d'un mécanisme affectif et ne laisse aucune place à l'indifférence. En effet le choix traduit une résistance à l'affirmation spontanée d'une nature, et suppose toujours au moins une autre nature. Pour que Dieu ait le choix, il faudrait que le fil du dehors passe en lui et compromette son identité. On ne s'étonnera pas de retrouver sur le plan de Dieu la même conséquence qu'au plan éthique: l'alternative n'est pas extérieure au sujet, elle est sa division, au moins tendancielle."



La Datcha
Gilles Aillaud, Francis Biras, Lucio Fanti, Fabio Rieti, et Eduardo Arroyo
Louis Althusser hésitant à entrer dans la datcha 'Tristes Miels' de Claude Levi-Strauss où sont réunis Jacques Lacan Michel Foucault et Roland Barthes au moment où la radio annonce que les ouvriers et les étudiants ont décidé d’abandonner joyeusement leur passé.

j'aime beaucoup certaines de ses peintures d'animaux enfermes dans des motifs ou espaces géométriques.
Des images assez fortes (peut être plus fortes que celles a thèmes politiques plus convenus).

Quelles qu'aient été les intentions d'Aillaud père, le résultat est presque criminel non ?

Soupir...

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Ce sont des horreurs architecturales dans des espaces les moins intégrés de France.
Est-ce que l'architecte ne doit pas porter une part de responsabilité ?

Ses bâtiments ne sont pas plus laids que n'importe quelle horreur que tu vas trouver en bordure de ville n'importe où en France.
Au contraire, même.

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

si tu as des suggestions, c'est le bon moment : http://www.batiactu.com/edito/un-concou ... -48282.php

Je suis loin d'être un spécialiste mais les "Tours nuages" de Nanterre sont une aberration. Le concept est poétique et de loin fait presque jolie mais quand tu passes tout proche, tu vois la forme des machins et la taille des fenêtres (on dirait des hublots de bateau c'est atterrant) et tu imagines l'enfer que doivent être les apparts. Clairement le mec a pensé design avant de penser optimisation de l'espace et confort de vie.

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CroqAnimement votre

Je connais mal le sujet, mais d'après ce que j'ai lu de lui et sur lui Aillaud, avait l'air beaucoup plus humaniste et porté au questionnement sur le sens de ses créations que le Corbusier,
la même architecture n'aurait pas eu le même impact sans la tendance française à tout centraliser sur Paris, d'abord sa région, puis la région elle-même vers la ville intra-muros (et il a d'ailleurs construit aussi beaucoup en Lorraine, comme ici à Forbach),

https://terra.developpement-durable.gou ... egory/2089

, par ailleurs le métier de l'architecte n'est pas de générer de l'ordre social (même s'il y a une ambiguïté à cet égard, dont l'oeuvre d'Aillaud est révélatrice, ce même argument pouvant être invoqué pour le critiquer ou le défendre), mais c'est vrai que l'on trouve plus d'illustrations de la configuration extérieure de ses créations que de l'intérieur.





Apparemment la réhabilitation des tours nuages est un sujet très polémique :
http://www.sppef.fr/2017/03/23/rehabili ... xe-siecle/

Tous ces bâtiments à vocation sociale et faisant preuve d'un certain gigantisme ne sont pas moches sur des photos où on met en valeur leur aspect rétrofuturiste façon Schuiten et Peteers en romantisant le côté friche urbaine. L'ambition des architectes qui en sont responsables peut bien paraître louable mais on s'en fout à la limite quand on voit le fiasco urbanistique que ça représente aujourd'hui, difficile de ne pas se poser des questions.
As-tu déjà mis les pieds à la Grande Borne ?
Je m'étonne que la postérité d'un architecte comme Aillaud soit aussi peu discutée d'ailleurs.
Et les tours à Nanterre, qui font désormais partie du patrimoine, c'est sacrément moche avec cette espèce de couleur treillis.

Mocky a bien retranscrit cette laideur typiquement française.

C'est d'une tristesse je trouve. Je ne pense pas qu'on puisse tout imputer à la centralisation. Sans être non plus un spécialiste, c'est une architecture qui a l'air complètement ringarde aujourd'hui. Je dis pas que tout ce qui se fait aujourd'hui est bien, au contraire, mais il suffit de se promener au Havre au hasard pour comprendre que ces aberrations sorties des années 70 sont loin dernières.
Je me souviens d'un type qui avait deux bureaux d'études pour les installations en gaz et en électricité je crois, très critique à l'égard d'Aillaud mais très admiratif de Fernand Pouillon.
C'est un sujet passionnant que j'aimerais mieux connaître.


Bah comment se défaire de cette ambiguïté. L'architecte doit composer avec l'ordre social.