Forum de FilmDeCulte

Comme je le disais à Arnotte récemment je fais un blocage avec la notation sur 6, en l’occurrence je mettrais 4/5.

Je spoile un peu (flemme de mettre des hide)

J'ai absolument adoré cette ballade ultra sensible et romantique dans le fin fond de l'Amérique profonde pourrie qui semble exister en parallèle de la norme, survivant tant bien que mal en s'éloignant toujours plus profondément dans le cœur de ses terres désolées.

Il y a deux choses que je trouve absolument superbes dans le film. D'un côté c'est l'espèce de bienveillance entre les personnages. Par trois fois, Star sera seule avec un ou plusieurs hommes et à chaque fois on est persuadé qu'il va se passer quelque chose de mauvais, qu'elle va être abusée ou violentée mais ce n'est jamais le cas. Même lorsqu'un homme la paie pour passer du bon temps avec elle, il ne la viole pas, il la respecte (elle finit même pas lui sourire à la fin de leur rencontre). Je trouve ça beau cette espèce de sentiment que ce qui déconne ce ne sont pas tant les hommes mais tout le reste. Star souffrira (d'ailleurs son premier mec abuse d'elle) mais sur le chemin les rencontres seront celles d'autres solitudes, d'autres humanités.

L'autre chose, peut-être encore plus belle pour moi, c'est le rapport à l'animal (et je suis assez sidéré de le lire quasi nulle part, dans aucune critique alors que c'en est pour moi la clé de compréhension). Tout commence par un poulet mort, périmé, sous cellophane (qui sera d'ailleurs "retué" à coups de fourchette par l'enfant quelques minutes plus loin) et tout se termine par une tortue remise à l'eau. Tout le parcours du film est contenu entre les deux. Sans cesse Andrea Arnold ne cesse de nous faire détourner les yeux vers l'animal, de nous le rendre partie intégrante du récit que ce soit ici un écureuil volant apprivoisé, ici un chien avec une cape qui regarde ce qui se passe (un point de montage m'a d'ailleurs particulièrement marqué, Arnold revenant sciemment sur ce chien comme pour en faire une partie intégrante de toute la dramaturgie du film), que ce soit une sauterelle sur l'épaule (plan sublime) ou que ce soit évidemment cette fabuleuse rencontre avec un ours. L'animal est omniprésent, il fait partie intégrante des lieux visités, il en est l'occupant premier. Le cri du loup de Shia LaBeouf, celui qui la mène à lui est une autre de ces idées merveilleusement émouvantes (et la scène d'amour qui suit est superbe).

Bref j'aime profondément ce film, sa musique évidemment qui a la même couleur que l'Amérique qu'il dépeint, son romantisme farouche et sa petite mythologie animiste (Star, les animaux), ses personnages fous qui s'affranchissent de tout, son casting parfait (Shia est absolument génial, Sasha Lane est une très belle découverte), sa petite musique de conte revisité (sans trop en faire) avec cette maison perdue comme dans un tableau de Hooper... Et que dire des dernières secondes ? Si simple mais tellement beau. Vraiment un grand film, terriblement contemporain et en même temps sublimement universel. Andrea Arnold est définitivement une des réalisatrices les plus passionnantes du moment.

5/6

Pour l'anecdote nerd qui intéresse personne, j'avais lu un scénario d'Alistair Banks Griffin (Two Gates of Sleep) sur l'exact même sujet (les vendeurs ambulants redneck de magazine). Sauf que son approche était beaucoup plus banale, le film tombant dans une espèce de thriller psychologique lambda où la chef du groupe agissait comme une gourou de secte de laquelle il était impossible de partir. Le film ne s'est jamais fait (peut-être à cause du sujet concurrent de American Honey et tant mieux c'était pas bon.

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CroqAnimement votre

Un de ces moments est d'ailleurs bien spoilé par la bande-annonce (les texans autour de la piscine).


Je pense que cette bienveillance peut valoir à Arnold un procès en angélisme parmi les détracteurs.

J'adore et j'approuve ton avis, ami Art Core, je plussoie avec joie, tu en parles très bien.
Bien vu pour le rapport avec les animaux. Le choix de la tortue finale est pas innocent..

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

J'aime beaucoup ton avis Art Core et tout ce que tu as dit sur l'image animal du film

Je rêve d'une affiche

LE FILM LE PLUS SURESTIME DE L'ANNEE en tagline

Non mais sérieusement, trois heures d'une boucle narrative identique, aucun second rôle fouillé en trois heures, le jeu approximatif de la jeune fille (zéro EMOTION)

T'es tout seul, tu comptes pas.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Positif par Michel Ciment
Son talent, qui s'était révélé parfois inégal, semble aujourd'hui s'être fourvoyé.

j'ai toute la fine fleur avec moi, Ciment, Neuhoff et Carrère

Je le trouve pas tellement surestimé, les critiques sont plutôt mitigées. Mais c'est vrai que quand tu compares avec l'espèce d'indifférence qui entoure la sortie du Scorsese c'est assez étonnant. Pour moi la grosse surestimation de ce début d'année c'est clairement Moonlight.

Et merci pour les remarques sur mon texte .

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CroqAnimement votre

Oui, ici la presse est très divisée aussi.
C'est dans le tableau de notes que c'est comique.

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Ed Wood:"What do you know? Haven't you heard of suspension of disbelief?"

Je parlais clairement du forum, vous êtes ma revue de presse critique. Moonlight, j'ai l'impression que le sujet le protège, j'ai bien aimé, mais quand j'ai écrit sur le film, j'ai trouvé que c'était bien de le défendre, comme poussé par le sujet.

Oui mais c'est aujourd'hui un sujet plus tellement nouveau (même si traité avec sensibilité). Enfin parfois je me rassure en regardant le tableau des notes, parce que Twitter donne de plus en plus l'impression d'avoir un avis unique. Récemment le Ang Lee c'était genre impossible de ne pas aimer (et je l'ai aimé).

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CroqAnimement votre

Je ne vais pas pouvoir abonder dans ton sens pour American Honey, puisque je n'irais pas voir le film

Je rejoins les avis positifs même si je ne suis pas totalement conquis et je trouve Fish Tank plus percutant. American Honey véhicule une sensation de liberté qui fait plaisir à voir. C'est simple, on ne sait jamais où Arnold nous emmène. L'impression qu'il n'y a aucun programme et qu'on est embarqué dans le road-movie à côté de cette bande de cassos. Comme dans ses précédents films, on aboutit à des moments poétiques assez planants avec cette représentation de l'Amérique entre motels miteux, terres de bourgeois ou paumés. J'aime cette image de l'Amérique véhiculée par Arnold, qu'elle soit fantasmée ou pas ce n'est pas important, mais on se sent vraiment embarqué dans ce voyage et la durée qui me faisait initialement peur passe très bien. Bref, la grosse réussite d'American Honey c'est avant tout cette sensation de tourbillon de vie qui se passe à l'écran. L'univers décrit par Arnold est assez séduisant dans son mood.

Après le film n'est pas exempt de défauts. Je rejoins un peu Karloff dans le sentiment de répétitivité. L'impression qu'une fois 2 heures passées on fait du surplace. On ne s'ennuie pas mais c'est comme si le film n'avait plus grand chose à dire ou à nous montrer. Attention ça n'est pas désagréable, l'immersion est toujours réussie mais elle atteint ses limites dans la durée et on sent vraiment qu'Arnold ne sait pas comment finir son film. C'est dommage car on n'était pas loin d'un grand film si le scénario n'était pas aussi paresseux.

4,5/6