La troisième fois, ce sera peut-être la bonne.
On est clairement au-dessus du film de Gavin Hood sorti il y a 4 ans - c'était pas très dur, me direz-vous - mais on est pas au niveau des autres films de la licence X-Men (ou de beaucoup d'autres films de super-héros solo).
X-Men Origins : Wolverine tombait dans le piège de beaucoup de préquelles qui se contentent de lier les numéros, les étapes obligées et plus ou moins connues du parcours d'un personnage, pour arriver au "présent" mais faisait l'erreur de survoler les périodes les plus intéressantes à explorer (l'enfance de Logan, réduite à un prologue, le passage à travers l'Histoire, résumé en un générique).
Au-delà de ça, le souci c'est que Gavin Hood n'avait rien à raconter. On parle deux-trois fois de la part animale à assumer ou renier mais c'est un arc jamais vraiment traité dans un scénario qui renvoie davantage à Commando et Rambo II. Ce nouvel épisode prend comme point de départ le récit en 4 numéros - première aventure solo du personnage en BD - crée par les illustres Chris Claremont et Frank Miller mais l'adaptation est finalement très libre. Les personnages et le décor sont les mêmes mais l'intrigue n'a plus grand chose à voir.
Toutefois, ce qu'il reste surtout du matériau de base, c'est le traitement du protagoniste. Contrairement à la BD, dont l'action était située dans le présent de la série X-Men, Mangold choisit de situer l'action APRES X-Men 3, isolant Logan, ce qui lui permet d'attaquer de plein fouet le caractère tragique de la nature du personnage : son immortalité, qui le destine à voir tous ceux qu'il aime mourir. L'arc traité par Singer sur ses deux premiers films voyait Logan abandonner son mode de vie solitaire - et donc son obsession pour résoudre le mystère de son passé oublié - et choisir une famille d'adoption. Son arc sur le troisième film l'amenait à tuer celle qu'il aime. Dans The Wolverine, on le retrouve donc tel un ronin, un samourai sans maître, un homme sans raison de vivre. L'adaptation ne porte donc pas tant sur l'honneur mais sur cette quête d'une raison de vivre pour un homme immortel et dans ce cadre, le rajout sur la parte des pouvoirs fait sens. Logan aspire-t-il à la mortalité ou donnera-t-il un sens à son immortalité?
A l'inverse de Hood, Mangold a une histoire à raconter et parvient du coup à incarner son film. Tout ce qui touche à ce propos est réussi. On pourra rire de toutes les références revendiquées par le cinéaste, dOzu à Wong Kar Wai en passant par Chinatown et Josey Wales Hors-la-loi, Mangold parvient quand même à composer non seulement un vrai film, mais surtout à lui donner une identité propre. Formellement, dans l'esthétique comme la thématique, on est clairement dans quelque chose d'autre, et ce changement fait franchement plaisir. Ca peut paraître con, mais rien que le décorum, avec ses pagodes et ses panneaux japonais, ou les costumes, avec ce Wolverine en costard, apporte un peu de fraîcheur à une saga qui en est somme toute à son sixième épisode.
Mangold prend son temps, pose son univers, et pendant tout le premier acte, ça fonctionne à merveille. J'adore franchement tout le début. L'intro en 1945, le Logan d'aujourd'hui, l'arrivée à Tokyo, etc.
Par la suite, malheureusement, ça devient plus inégal. L'intrigue n'est définitivement pas le plus gros atout du film. Le classicisme du récit ne gêne pas, au contraire, j'aime assez l'échelle relativement petite du film (il ne coûte "que" 100 millions, au milieu des grosses machines de cet été, il fait figure d'intrus), mais le film ne l'assume en fin de compte pas totalement.
Le deuxième acte tient encore la route, principalement parce qu'il suit la relation entre Logan et la ravissante Mariko, et qu'on reste dans un univers de samourai, de yakuza et de ninja qui présente un registre assez original pour Wolverine. Par ailleurs, les quelques concessions au genre du blockbuster sont plutôt bien intégrées, comme ce combat sur le toit du train aperçu dans la bande-annonce, qui semblait faire trop gros mais s'avère assez réussi, avec son absence de musique, son côté brut. D'ailleurs, bien qu'il ne soit pas classé R aux USA, le film est parvenu à me surprendre quelque peu au niveau de la "violence". On a droit à un Logan expéditif et bien bourrin, mais sec, comme dans un film des années 70, pas le Wolverine bêtement charal et '80s du film de Gavin Hood. Je ne crois pas me souvenir d'un seul film de la franchise où l'on voit les griffes de Wolverine aussi fréquemment couvertes de sang. C'est un détail, mais ça joue beaucoup je trouve.
Après, j'aurai rêvé d'un film qui assume ce parti-pris à 100%. Qui fasse un vrai polar avec yakuza, sang, et pas de "scènes d'action" dans le sens où Hollywood l'entend. Mangold n'y est de toute façon pas vraiment à l'aise et semble en être conscient la plupart du temps...mais ça, c'est avant le troisième acte...
Et c'est là que le bât blesse. Le reste du film n'est pas "parfait" non plus (la perte des pouvoirs ne sert à rien finalement, vu qu'il prend plein de balles et de coups mais...ça n'a aucune réelle incidence), mais ces 20 dernières minutes sont assez symptomatiques de tout ce qui se révèle foireux dans le film. Et, sans surprise, ça tient globalement à tous les éléments qui ont été grossièrement ajoutés au récit original. Et, évidemment, il s'agit d'éléments qui sortent du polar yakuza et donnent dans la science-fiction et le "film de mutants", comme si l'équipe créatrice avait soudainement pris peur que le film soit trop différent des précédents X-Men (c'était d'ailleurs déjà un des soucis du précédent film solo, où c'était plus marqué).
Le scénario ne semble pas assumer la simplicité de la BD de Claremont et Miller (et du scénario de Chris McQuarrie, visiblement, car il n'est plus crédité), avec ses histoires de castes japonaises et ses gangs, et essaie de créer une intrigue faussement alambiquée qui n'a pour seule conséquence que de rendre les machinations floues. De plus, en cherchant à composer des méchants plus "BD/X-Men", accouche d'un personnage complètement raté qui détonne sévère avec le reste (Viper) et d'une réinterprétation foireuse d'un autre, tout aussi inutilement inclus (Silver Samurai). Je passe sur le twist prévisible qui finit d'achever l'inintérêt de cette trame superflue. Et puis le film n'assume pas de ne pas faire un méga climax de blockbuster et la surenchère fait tache et rabaisse le film vers la plus vulgaire des séries B.
Donc voilà, il y a de vrais efforts, de vrais parti-pris, des idées couillues, des images iconiques, un Hugh Jackman toujours parfait, une séquence post-générique satisfaisante, mais c'est dommage. Dommage parce que je trouve le film franchement pas mauvais mais malheureusement parasité par des éléments qui plombent tout ce que le film réussit.
X-Men : 5/6 X2 : 6/6 X-Men - The Last Stand : 5/6 X-Men Origins - Wolverine : 2/6 X-Men First Class : 6/6 The Wolverine : 4/6
_________________
|