Au-delà des collines pour son nouveau titre FR,
Dupa Dealuri en VO.
Alina revient d'Allemagne pour y emmener Voichita, la seule personne qu'elle ait jamais aimée et qui l'ait jamais aimée. Mais Voichita a rencontré Dieu et en amour, il est bien difficile d'avoir Dieu comme rival. Même si, disons-le d'emblée, c'est clairement plus faible que sa palme, il y a dans le film cette même qualité que dans
4 mois : le fait que le réalisme brut (naturaliste, caméra à l'épaule, âpreté du jeu) ne soit pas dissociable d'une maîtrise extrême de la composition des cadres, de leur rythme interne, d'une mise en scène autoritaire. Ce paradoxe formel majestueux doit bien dire quelque chose sur la façon dont on veut nous raconter cette histoire : c'est un peu dur à définir, mais ça traduit comme un regard colérique qui prend à bras le corps la réalité du pays, tout en refusant de se laisser bouffer par les faits, de les laisser prendre le pas sur une subjectivité qui tape du poing sur la table. Ça reste de ce fait d'une puissance narrative impressionnante au vu de l'économie de péripéties (chaque scène sert toujours à quelque chose, la mise en scène nous amène toujours quelque part, sans se disperser à faire la mariole).
C'est marrant parce que tout ça pourrait virer Hanekien, et puis en fait non. Sans doute l'ironie et l'humour (jusqu'à certains plans lointains burlesques durant l'exorcisme) évitent de nous infliger une pression non-stop. Et cependant, à l'opposé du spectre émotionnel, il y a beaucoup d'empathie pour ce couple de personnage, pour la force butée de l'amoureuse (comme la fille qui prenait tout en main, dans
4 mois, était clairement sujet d'admiration du cinéaste qui faisait en quelque sorte du film un récit de son héroïsme). C'est un peu plus ambigu ici, mais il y a vraiment des percées très belles - la beauté glacée de la jeune femme qui a changé d'avis dans la dernière séquence par exemple, son regard perçant et froid qui fait tenir tout le plan, ce genre de chose qui ne nous détache jamais des protagonistes.
La pureté de
4 mois (film évidé à unité de lieu et de temps) permettait cependant aussi au film de tenir tout du long comme un coup de poing. Or l'humour noir qui s'installe parfois ici, ou l'ampleur plus développée du récit, voire la didactisme idéologique pas toujours évité, ménagent pas mal de plages un peu vides. Pas de complaisance à laisser traîner le plan ou la scène pour rien, mais si Mungiu ne lâche jamais les situations, il opère beaucoup de répétitions comme déjà dit dans le topic, donnant l'impression au spectateur qui saisit vite de deviner à l'avance tout ce qui va se passer... Moins tendu (moins terroriste diront certains) que son prédécesseur, le film est aussi parfois plus faible, voire inabouti (il manque clairement une confrontation avec le Père supérieur, par exemple). Ca reste du très très haut standing, mais je comprend qu'on puisse lâcher de temps à autre, notamment dans le millieu du film avec ses 136 retours/départs du couvent.