Avenue Qà Bobino
Même s'il en profite pour glisser deux trucs sur Sarko et Guéant, Bruno Gaccio est un peu à la peine niveau corrosivité dans son adaptation de ce musical de Broadway trop Q-Q pour être déconseillé aux moins de douze ans. Les cinq comédiens (dont trois qui manipulent des marionettes, interprétant les réactions des muppets ce qui donnerait presque l'impression d'observer des siamois) ont beau se démener sur scène avec une patate de folie, les chansons sont dans l'ensemble plutôt faibles passé la première heure, avec un dénouement trop mièvre pour un feel good adulte. Et la japonaise qui surjoue son accent (comme qui dirait Michel Leeb est un génie à côté d'elle) et dont on ne pige pas la moitié des répliques, c'est pas possible. Gentillet et trop long (2h30), mais Gaccio est encore présent dans la salle donc le show pourrait encore être ajusté dans les semaines à venir.
Le gros, la vache et le mainatejusqu'au 3 Mars au théâtre du rond-point
Je ne voudrais pas trop déflorer cette opérette barge, mille fois plus drôle et décapante qu'Avenue Q, pour ceux qui auraient l'intuition exquise de s'y rendre tant elle joue sur des effets de surprise permanents. Entre deux vieilles biques acariâtres et obsédées jouées par deux monstres sacrés de la comédie Française travelotés en tante Chose et tante Schmutz, Bernard Menez en metteur en scène égocentrique et dépassé par les évènements dont chaque horreur qu'il sort est à mille lieues de ces interprétations habituelles dans les vaudevilles, un couple gay avec un obèse enceint et un jeune comédien qui finit à poil à tous ses passages, qui aurait pu se douter que cet ovni qui a débuté sa carrière en province, soit maintenant porté en triomphe par un public parisien plié en douze? Assurément le meilleur spectacle de ce début d'année, et la meilleure farce depuis longtemps.
La trilogie des lunettesjusqu'au 19 février au théâtre du rond-point
J'ai déjà dit tout le bien que je pensais d'Emma Dante et de sa direction d'acteurs surexpressive qui colle parfaitement à la langue italienne. Ces trois petites pièces sur trois formes de solitude sont néanmoins inégales: la première, seul en scène autour d'un marin comme enraciné à cette mer dont il parle comme une fiancée, ficelé entre les cordages, la seule avec du texte (et toute une logorrhée), est beaucoup trop longue, et els quelques fulgurances poétiques finissent noyées dans la masse. A contrario, la seconde où deux infirmières bigotes tentent de faire jouer un paralytique dans un état catatonique, laisse un goût d'inachevé. C'est seulement lors de l'ultime histoire, où un couple de vieillards se met à danser, lentement puis de plus en plus vivement, se délestant de couches de vêtements et de masques, retrouvant leur fougue et leur jeunesse jusqu'au moment de leur rencontre, avant de revenir dans le présent et de comprendre qu'on vient d'entrouvrir une malle aux souvenirs au moment d"un début de deuil qu'on touche vraiment au sublime.
La mort d'Ivan IlitchC'est une performance de 45 minutes que proposait l'insaisissable et surprenant Yves-Noël Génod au théâtre de la Bastille (celui qui a fait glouglouter Jeanne Balibar avec des dindons à l'odeon) en mettant en scène le bandantissime Thomas Gonzales, nu dans le noir le plus vif du théâtre de la bastille seulement éclairé d'un néon hallogène éclairant sa peau en une leçon de clair obscur, seul avec ses pleurs et sa pisse, interprétant du Julio Iglesias en grimpant sur les sièges au beau milieu du public. Un moment habité de pudique impudeur.
Alexis Macquart au petit palais des glaces
Le chti le plus marrant du moment, dont l'abattage à dire des horreurs avec une décontraction cash et une manière d'interpeler le public en couple jusqu'au malaise échappent à la beaufferie grâce à sa façon de se moquer de son propre physique, à n'avoir pas honte de son côté obsédé du cul, avec un je m'en foutisme frondeur qui éclipse la peur de tomber dans du vulgaire à la Bigard. Un comique sous le parrainage implicite de Fri-Fri et qui ferait mieux de revoir ses teasers nazes sur youtube pour être davantage exposé à son juste mérite.
Le mariagejusqu'au 26 février au théâtre du vieux colombier
Arrangement aux conventions sociales avec une marieuse bêtasse et l'inconstance masculine à vouloir se masquer dans cette comédie de Gogol reprise par le Français. L'absurdité qui confine à la démence sans qu'on tombe dans la loufoquerie est une des marques au fer rouge de Gogol, qui se joue de l'absence de moralité de ses contemporains avec un sens aigu de l'absurde. Et c'est toujours étonnant de voir comment dans les pièces montées par la comédoe française subsistent cet esprit de troupe où personne ne se tire l'affiche, avec un Laurent Laffite plutôt discret pour son intronisation dans la vénérable institution et le génial Nâzim Boudjenah tellement grimé qu'il en est méconnaissable.
Pas le temps d'écrire tout le mal que je pense de la grosse purge qu'est Yvonne princesse de Bourgogne au théâtre de la cité internationale par une bande de sous-robins des bois fatigants et une mise en scène irritante et stupide qui prend le public pour des cons.