allez, plein de trucs
du Batman d'abord: enfin lu le
Dark Knight Returns que je feuilletais ado dans la piaule de mon frère sans rien y piger, et pour cause c'était en VO, mais en trippant sur les dessins hyper-icôniques de Miller (il y va à fond, c'est jouissif).
Aujourd'hui que je lis mieux l'angliche, je lui ai donc réemprunté et... Ben voilà, c'est bien le chef-d'oeuvre dont tout le monde parle. La Claque. Entre le dessin surpuissant, le scénar' brillantissime et sans concession aucune, les morceaux de bravoure de fowowowolie (Batman n'a jamais été aussi bourrin), on atteint des hauteurs inédites pour un Batman (c'est au-dessus du pourtant très justement culte Souriez! d'Alan Moore).
Et puis, ça, quoi:
Du coup, forcément, après, difficile d'enchaîner sur un autre Batman, même un de la qualité de
The Cult. (je découvre qu'en VF il s'appelle Enfer blanc... va savoir pourquoi)
le scénar', pourtant osé, paraît d'un coup fastoche, et les cas de conscience de Batman (oserai-je me servir d'un fusil?) font sourire, quand on a en tête la sauvagerie de DKR.
Mais bon, faut pas bouder son plaisir, y'a des trucs vraiment bien sentis au niveau du scénar' (sauf la fin, trop vite expédiée), des passages excellents (Robin qui gilfe Batman!) et des tentatives du côté du découpage et des couleurs assez intéressantes. Le problème, c'est qu'ici on sent l'expérimentation, le côté travaillé, alors que chez Miller, ça paraît tout naturel, ça fait pas pose du tout: c'est comme ça, c'est entier, et c'est rien d'autre.
Et puis le dessin est largement en-dessous... Batman a une sale tronche, des oreilles trop longues, Deacon Blackfire est difforme, la séquence avec le Batmobile géante globalement ridicule (surtout à cause des lunettes de protection sur le front, qui rendent Batman&Robin assez risibles)
(bon, je trouve pas d'image à vous montrer, tant pis...)
Complètement autre chose, il faut ici parler de Davodeau, qui n'a pour l'instant pas été cité et c'est bien dommage.
Pas pour vous parler de
Ceux qui t'aiment, variation un peu trop convenue et gentille sur le pouvoir de l'argent dans le monde du sport et dans le monde tout court, parce que ce serait pas lui faire honneur (c'est p-ê le plus faible de ses bouquins)
Mais pour évoquer deux chef-d'oeuvre, à lire de toute urgence. D'abord
Rural!, documentaire (oui, oui, documentaire) passionnant sur les paysans, loin des clichés, loin des facilités, vraiment les deux pieds dans le réel. Le dessin convient parfaitement au ton général, le récit, après une intro un poil trop longue, est très bien maîtrisé, prenant, émouvant, et on en ressort moins con qu'on y était entré. (soyez pas rebutés par la pastille rouge et vulgaire "préface de José Bové", le lire vaut mieux que ça)
Autre bouquin absolument magnifique, un peu du même tonneau que Le Combat ordinaire de Larcenet (pas la même histoire, pas le même dessin, mais le ton est assez proche), le formidable et fragile
Chute de vélo. De très belles couleurs, un scénario implacable, des dialogues sublimes, le coeur gros à la fin. Un classique immédiat.
je recommande aussi les
Mauvaises gens, du même auteur, autre récit "documentaire", moins réussi, je trouve, au niveau du dessin, mais très attachant dans le scénar' (que certains ici trouveront sans doute trop "gaucho" mais je les emmerde)
Allez autre style, autre univers: on a déjà parlé du Lucille de Debeurme, qui est effectivement génial (et douloureux). Il faut savoir que Debeurme n'a pas fait que ça: il a aussi signé un récit surréaliste assez troublant intitulé
Céfalus.
C'est l'histoire d'un type qui se suicide "à moitié". Il se retrouve avec deux corps: l'un est mort, l'autre vivant. Le vivant coupe la tête du mort et se la fait greffer. Il devient alors bicéphale, on le castre et on l'exhibe au milieu de monstres de foire...
A partir cette trame hautement dépressive, Debeurme tisse une histoire d'amour émouvante et réussit acrobatiquement à retomber sur ses pattes. A lire autant pour l'univers délirant que pour le graphisme, minimaliste et inventif.
Un peu de Taniguchi, ça fait jamais de mal:
Le fameux
Quartier lointain, dont on me parle depuis longtemps.
alors j'aime beaucoup, mais c'est très loin d'être mon Taniguchi préféré.
le dessin est comme d'habitude sans l'ombre d'une faille, c'est splendide, c'est parfait, limite trop lisse.
le scénar' est très intéressant, mais quelque part un peu "sous-exploité". Ca va trop vite, c'est pas poussé jusqu'au bout, c'est même un peu moralisateur. C'est très loin d'être mauvais, hein, notamment parce que ça renvoie très habilement à des choses extrêmement personnelles. Mais ça aurait pu être moins timide (tout l'aspect sexuel, notamment, est soit passé à l'as, soit trop timoré). Et puis ça va un peu trop vite, la fin laisse un peu frustré...
(+ la traduction de Boilet me paraît un peu faible, surtout dans les premières pages du tome 1, dont les dialogues sont assez pourris)
Un peu la même veine un chouïa consensuelle pour
Terre de rêves, recueil d'histoire courtes toutes liées entre elles sauf la dernière (qui fait redite un peu banale du Sommet des dieux, et tombe comme un cheveu sur la soupe... on aurait largement pu s'enpasser), mais quelque part plus touchant.
Il faut bien sûr ne pas être allergique à trente millions d'amis pour s'émouvoir, par exemple, sur la lente agonie d'un chien (que j'ai, pour ma part, trouvé bouleversante, mais je suis un peu gaga avec les zanimo), ou sur l'adoption d'un chat, ou la naissance de chatons...
Bon, pour compenser, un truc de mecs:
Heavy Liquid de Paul Pope (je sais pas si ce comic existe en VF)
Ne pas se fier à la couve mochissime: c'est du très très bon récit de science-fiction, très ancré dans le quotidien un peu à la manière des Fils de l'homme, avec sa dose de grosse action, son anti-héros ultra-charismatique et son dessin qui a la pêche. Les couleurs sont un peu spéciales, et m'ont un peu freinées à l'allumage, mais une fois que c'est lancé, c'est vraiment très bon et le scénar' est d'une grande intelligence. Ferait, entre les mains d'un réal ambitieux (genre Cuaron), un film excellent.
Plus classique, Tardi adapte
Jeux pour mourir de Géo-Charles Véran.
c'est un gros pavé mais ça s'enfile d'une traite, parce que c'est hyper-rythmé, haut en couleurs, avec des personnages qui jactent classieusement... La fin, un peu bâclée, déçoit un brin, mais c'est du très bon récit populaire quand même, avec flic alcoolique, voyante, maquereau, gamins qui zonent, jouissif et généreux.
y'en aurait bien d'autres, mais c'est déjà pas mal pour aujourd'hui...