J'avais vu la première demi-heure il y a plusieurs mois, et l'avais trouvé très belle, sans pouvoir aller plus loin. Je n'aurais pas du voir la suite qui m'a fortement déçu. Les rivières de l'Oregon sont magnifiquement filmées (tiens c'est le coin de "Sometimes a great Notion" de Kesey...), j'ai trouvé Eisenberg (que j'aime bien), Sasgaard et surtout Dakota Fanning (qui porte le film sur ses 19 ans et joue le seul personnage complexe, dans la scène des fertiliseurs elle est très bonne) plutôt bons, mais le film est terriblement démonstratif, caricatural voire carrément malveillant dans sa présentation des activistes environnementaux, et rempli de trous d'airs narratifs. Le comportement du Dakota Fanning à la fin est écrit de manière incroyablement incohérente
, mais j'ai l'impression que cette incohérence répond à une facilité esthétique (faire une scène de meurtre "lêchée" à la Cat People de Tourneur), et est également une manière d'accentuer la complicité "idéologique" de la communauté agricole non seulement avec l'acte de faire sauter le barrage, mais surtout les meurtres du personnage d'Eisenberg (le personnage de Fanning a commencé à leur avouer qu'elle a fait pêter le barrage et tué le promeneur, mais ils ne cherchent pas à la protéger, ils chassent juste le personnage le plus compromettant - en mettant en avant le seul renom de l'entreprise familiale). Elle dilue la critique possible de l'activisme environnemental dans du faux suspense, flatteur pour le spectateur, mis de plus en plus à mesure que le film avance dans la position d'un sceptique à ne surtout pas confondre, ce sont les personnage qui s'y collent pour lui.
C'est aussi une trop grand facilité que de laisser hors-champs la décision du duo de s'en prendre au barrage, et de commencer le film juste après. Il y a une différence entre entre affirmer "il n'y a pas d'explication simple" et "il y en a une en fait mais çà ne sert à rien de la représenter"... surtout pour montrer ensuite que cette décision résulte logiquement du manichéisme voire de la médiocrité stylistique du film militant mis en abyme dans la fiction. La communauté dit justement de l'attentat: "c'est juste un film de plus", et on sent qu'il s'agît chez Eisenberg et Fanning de subjuguer le public du film du début, en ne voyant pas qu'il s'agit aussi de la communauté qui les juge, qu'ils rejettent de leur côté ; car la réalisatrice (dans la fiction) énonce l'idée d'un possible échec de la préservation de l'environnement et est en position d'orienter la vie de la communauté sur cette idée. Mais le film ne développe pas cela, qui aurait pu être le plus intéressant : il s'agît juste d'une mise en abyme un peu lourde de la réalisatrice elle-même qui semble dire:" je pourrais sauver mes personnages, mais, voyez-vous, eux ne m'aiment pas". L'engagement politique y est filmé comme une sous-culture, cet angle rejoint de manière trop facile le cynisme de l'époque, et le film nous avertit sur les dangers du terrorisme comme il nous alerterait sur les dangers de le drogue en boîte de nuit: "ta fille commence par regarder un film d'Al Gore ou Mélanie Laurent avec des amis un peu autistes dans un chalet avec des chiottes au compost, méfie-toi, on ne sait pas où cela s'arrête, elle pourrait faire sauter un centrale nucléaire". Ce n'est même plus une représentation de "l'ambiguïté". C'est comme si Antonioni filmait une enquête de "la Dernière Heure" ou du "Parisien".
J'ai été également agacé par l'abus d'une musique ambiant à la Brian Eno, permanente, pour signifier que les personnages sont aliénés par leur contestation comme ils l'auraient été par le monde "réel", comme si l'image était impuissante à signifier ce redoublement. Je n'aurais pas du voir ce film après "Safe" de Haynes, car il en repompe beaucoup d'idées de mise en scène (la communauté écolo fonctionne d'ailleurs un peu comme la secte du film de Haynes et son espace, avec des pavillions individuels et un lieu de production central, est le même) en les transformant en gimmicks.
Sinon, pour le fétichiste de la section du bas, il y a un beau gros plan sur l'oeil gauche de Fanning dans la scène du meurtre, et Katherine Waterston intervient deux fois dans le film comme préposée à la machine à café (mais en pull bleu marine).