Forum de FilmDeCulte

Yop, désolé d'avoir mis tant de temps à le mater (jamais très à l'aise quand il s'agit de donner un avis aux réals sur leur film, ceci explique en partie cela).

Une première chose admirable, c'est l'aisance. Dans la direction d'acteurs, notamment, dans la maîtrise technique évidemment, mais plus globalement dans un projet où l'intention et le résultat sont en adéquation : il n'y a aucune scène qui donne le sentiment de ne pas être à la hauteur des objectifs qu'elle s'est fixée - ce qui est assez salvateur dans un court, où quand tu foires trois plans tu as déjà foiré 1/10è du film...

Les reproches ou réticences que j'aurais à faire sont du coup des choses qui me gênaient déjà un peu à la lecture du scénario : le côté assez superficiel du film. C'est à double-tranchant, car l'ensemble a évidemment un côté ludique enthousiasmant, qui fonctionne, qui rend le film très agréable à suivre : c'est peut-être une attitude de spectateur un peu puéril, mais moi je suis très content de le découvrir en vrai ce monde inversé, par exemple, c'est le genre de plaisir qu'on a pas à se refuser par principe. Cependant, à chaque fois que je croise un élément intriguant, je suis du coup frustré de ne pouvoir le voir traité que sous forme de vignette. Le "spielbergo-ralenti-love" dont parle Liam, je suis par exemple déçu que ça ne puisse être que ça, de voir une tentative de viser plus haut se cacher sous l'excuse du petit cliché parodique : que quelque chose dans le monde parallèle réalise une situation nouée dans le monde réel, à travers cette jolie ébauche de personnage qu'est Bulle (d'autant plus que l'actrice est super, très touchante), je trouve ça dommage que ce ne soit pas un enjeu de votre scénar - qui pourrait du coup avoir autre chose à nous raconter, au final, que cette chute qui est là juste parce qu'il faut faire une chute (et qui nous laisse sur le sentiment faux et un peu plat que vous n'avez pas grand chose à dire).

Évidemment, ça demande peut-être davantage de temps (le court a toujours été un format super compliqué pour ça, de toute façon). Je suis assez impressionné par votre capacité de compression et de synthèse, vous faites passer un maximum en très peu de temps (j'ai beaucoup aimé l'acceptation/l'inintérêt relatif de Liam pour ce qu'a vécu Bob dans le film, par exemple : le fait que la croyance ne soit pas un enjeu). Même s'il reste des petits trucs ouverts qui pourraient être reconfigurés sans rallonger : Liam par exemple, simple perso-réplique qui pourrait être mieux utilisé, mieux caractérisé - je ne parle pas de psychologie, mais d'une manière de réagir ou de faire avancer les scènes qui soit singulière, qui apporterait une altérité au film qui se cantonne un peu trop à la dynamique "charisme de bob / ludisme du monde traversé".

Quant à la fameuse scène...


Je me rend compte qu'encore une fois je fais des tartines sur les défauts, alors que le sentiment général à la vision c'est l'enthousiasme, communicatif, dont l'énergie traverse sans dommage le vernis de la lumière chiadée, du cinémascope classe, de cette forme millimétrée - ce qui est rare. En fait, Liam est dans une position assez avantageuse : les problèmes qui lui restent à régler pour les prochains films sont des problèmes structurels (de scénar, de ce vers quoi il peut et veut amener ses histoires, même en comédie), mais pour le reste il "sait faire". Il n'y a plus aucune maladresse là-dedans, ni trace d'amateurisme, ni fourvoiement (ni esthetico-frigide, ni vivant-mais-brouillon, il trace une voie finalement assez impeccable sur ce plan-là). Comme le dit Karloff, je pense simplement qu'il faut qu'il sorte un peu de cette zone de confort (de ce qu'il peut/sait assurément faire), qui est maintenant bien consolidée.

Je suis d'accord avec toi, ça rejoint une question que j'avais posée à Liam en sortant de la projection sur la perception des signes. J'aurais préféré que le voyage soit profitable au personnage plutôt que de déboucher sur un autre univers et une impasse.

Merci pour ton retour Tom. Je me permet de répondre juste sur un point:


Alors peut-être que je réponds à côté, mais le générique fait pour moi partie du film et, même s'il est inexpliqué (est-on juste dans un "salut" comme au théâtre, ou bien est-ce encore un monde alternatif ? Sont-ce les personnages ou les acteurs ?), il permet de conclure l'histoire de Bob et Bulle à travers leur bisou fugitif à la toute fin. C'était une manière justement de prolonger l'histoire "humaine" Bob/Bulle au-delà de la chute-blague, montrer que peut-être Bob a fini sa tournée des mondes alternatifs et finit avec Bulle.

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste

Oui je l'aime bien ce générique, pour son statut ambigu effectivement (on est quelque part entre "c'est l'équipe on s'amuse" et un espèce de portrait de jeunesse qui se donne à voir d'une manière un peu abstraite/zarbi, heureuse de danser). Le bisou est mignon, mais ce qui me frustre est plus l'absence d'un truc précédant la scène dont on parlait, qui lui donnerait un peu de coffre. Qu'en gros, tout le méli-mélo ne soit pas que ludique en soi, mais tienne d'abord aux circonvolutions de cette histoirette-là.

Bon après, c'est toujours pareil, y a aussi un moment où je suis moins sur le terrain du reproche objectif qu'entrain de ré-imaginer le film à ma sauce...

Bon bah comme je l'ai pas encore vu, j'irai le découvrir au PIFFF

Ah ! Lui ils l'ont pris !

_________________
Netflix les gars, Netflix.

Yeah, bonnes conditions et tout. Pour ceux que ça branche, c'est le samedi 23 novembre à 11h.


Vous aviez tenté cette année ou l'an dernier ?

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste

L'an dernier, mais "il était visible sur internet" tu comprends...

_________________
Netflix les gars, Netflix.

Le 19 novembre à 21h, c'est cool ça.

J'avais aimé "LOSE ACTUALLY" que je trouvais plein de fraicheur, de bons mots et très bien emballé. Même si je pense que le résultat s'approchait plus vers quelque chose de télévisuel qu'à la première scène d'un film.

Après avoir vu "MECS MEUFS" ce qui me frappe directement, c'est l'évolution indéniable. Que ce soit visuellement, avec une photo très léchée. Des cadrages, des mécaniques de scènes qui donnent un aspect cinégénique évident. Les différentes atmosphères, chaque décors à son ton, sa lumière. Le tout est donc très varié mais parfaitement cohérent... Bref pour l'image ça claque bien.

Evolution aussi dans la manière d'aborder des thèmes déjà présents dans le précédent court. Le rapport de séduction, les différentes approches, les signaux qu'on voit ou non. C'est très malin, plaisant et ça parle à tout le monde. Et l'arrivée des mondes alternatifs élève considérablement le concept et permet que vous dépassiez les 10 minutes sans que l'on ne s'ennuie jamais.

En ce qui concerne l'interprétation dans un court-métrage français, c'est rare que rien ne me fasse tiquer. Là je retrouve l'énergie, la spontanéité, la justesse de "LOSE ACTUALLY" avec plus d'ambitions, plus de personnages féminins et plus d'audace. C'est vraiment cool.

Mon seul bémol serait sur LA scène qui fait jaser, et provoque une rupture dans le film. Autant je trouve l'idée du viol assez brillante. Mais j'ai vraiment du mal avec la mise en scène de toute la partie où Bob est littéralement dos au mur. Pour la première moitié de cette séquence, j'ai plus l'impression de sentir les contraintes de tourner dans un lieu par forcément adapté à un tournage. J'imagine qu'il y'a une volonté de créer un mal être dans la mise en scène mais ça marche pas pour moi. Après je dois avouer que la suite de la scène est nettement plus efficace et le ralenti sublime le retour.

Je suis moins fan du fait de finir le film sur une blague, et de laisser l'histoire entre Bulle et Bob en suspend, même si le générique (très sympa) y met une sorte de conclusion.

Sinon c'est du lourd.

_________________

Puisque j'ai eu la chance de la voir, je me fends d'une petite critique.
J'avais commencé à la gratter hier, mais j'ai fait la connerie de lire le post de Tom, et comme il a dit presque tout ce que j'allais dire (en mieux), ça m'a coupé dans mon élan.
Du coup, j'en ai profité pour jeter un oeil à Lose Actually pour avoir un regard un peu plus large sur l'univers de Liam.

Ce qui m'a le plus frappé, c'est la direction d'acteur. Non seulement c'est pro, mais surtout, j'ai l'impression qu'il y a un vrai talent pour saisir le bon regard, la bonne expression. J'imagine que tu connais Film Freak par coeur, mais putain, qu'est-ce que tu sais bien le filmer ! Si tu avais mal choisi tes plans, si tu avais pensé ton découpage autrement, il aurait facilement pu passer pour un geek blasouille, alors que pas du tout, il apparaît humain, un peu cynique et casse-couille, mais certainement pas mauvais (d'ailleurs lui aussi a un vrai talent, c'est une belle découverte).

Puisque l'écriture est top aussi, fluide, pas prétentieuse, djeunz sans être trop branchouille, ça donne une comédie enlevée, vivante. J'aime les va-et-vient à coups de petites phrases, et la rapidité avec laquelle tu poses le sujet tout en donnant une vraie substance au caractère de Bob. J'aime aussi l'omniprésence d'une homosexualité cash et ludique, ce qui la dédramatise complètement, alors que bien des réalisateurs ont ce tic débile d'en faire quelque chose de tragique.

J'ai bien aimé le tour dramatique que prend le film, mais aussi la façon décomplexée qu'il a de replonger dans la comédie avec ce clin d'oeil à Sunshine absolument interdit et qui marche pourtant tellement bien, mais aussi le final, imprévisible et hilarant. J'imagine que vous avez bien dû vous marrer à l'écriture.

Après, au niveau des réserves, comme Tom (mais c'est peut-être beaucoup demander à un court), j'ai l'impression que le film a du mal à exister au delà de son concept, justement parce qu'il est techniquement tellement abouti qu'il perd peut-être un peu d'identité. Je trouve que la réalisation manque parfois de liberté, que tu n'essaies pas assez d'imposer ta patte parce que tu veux trop bien faire, et que tu veux trop montrer ton amour pour un certain type de cinéma.
Du coup, certaines idées sont certainement sous-exploitées, comme cet univers parallèle que j'aurais voulu découvrir plus et avec davantage de profondeur que par le truchement de nanas masculinisées, ou le personnage de Bulle qui est sans doute trop ambigu pour être vraiment crédible.

Donc voilà, pour la suite, j'aimerais te voir te lâcher un peu plus, montrer ce que tu as dans le ventre au-delà de ton indéniable aisance technique.

_________________
"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Encore merci pour ce retour qui fait plaisir (sur les 2 films).

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste

Peut-on le voir en ligne ? Je suis intéressé...

Ouaip, je trouve ça très vrai concernant l'actrice qui joue Bulle, je me disais "elle est vraiment filmée amoureusement", avant que Chlo m'informe qu'il s'agit en fait de la copine de Liam.

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste