Bon j'arrête
Les furtifs de Damasio après 400 pages, trois mois que je me force à essayer de le finir (en entrecoupant avec d'autres bouquins) mais j'y arrive pas.
Le début est excellent (la première scène est une merveille) et le bouquin fourmille d'idées brillantes en premier lieu le lieu de l'action à Orange
(mais ça a un vrai sens) et l'univers décrit par Damasio s'il n'est pas original (dystopie capitaliste où l'espace public devient propriété de marques, ségrégation de la population en clients basiques ou premium etc...) paraît tristement crédible et pas si exagéré que ça. J'ai retrouvé comme dans
La horde du contrevent des scènes d'action assez dingues et des concepts vraiment cools et funs (la prise d'assaut épique d'un immeuble ou encore ce groupe de rebelles qui ne se déplacent que de toits en toits sans jamais toucher le sol).
Mais le problème du roman est double. D'un côté il est d'une affreuse lourdeur en permanence. Damiaso en fait tout simplement trop que ce soit dans la description du deuil de parents dont l'enfant a disparu (c'est d'un pathos sérieux), que ce soit dans son discours politique (du
Black Mirror puissance 1000 avec des scènes de dialogues d'une naïveté où il enfonce des portes ouvertes) ou que ce soit plus simplement dans la colonne vertébrale de son récit ultra casse-couilles (ce truc des furtifs qui après 400 pages est toujours aussi abscons, une vraie idée poétique, des êtres musicaux mais putain ça va où ? Ça raconte quoi ? Ça sert à quoi ?). Et le récit n'avance tout simplement pas, on fait du surplace pendant des centaines de pages, on recherche une enfant disparu en discutant pendant trente pages de la signification d'un symbole laissé sur le mur. Il y a des pages où on se rapproche d'une littérature expérimentale qui joue avec les mots qui me sont littéralement tombées des mains (= que j'ai zappé).
Ça rejoint le deuxième problème du roman qui est sa langue, sa prose. En fait Damasio (et c'est super décevant) copie/colle son système de
La horde en faisant parler différents personnages et en adaptant le niveau de langage en fonction de qui ils sont (et en leur associant un symbole de ponctuation comme dans
La horde). Ainsi on a une espèce militaire argentin qui parle avec plein de mots espagnols qui viennent s'insérer ici où là, ou des personnages hyper calés sur un sujet (le son par exemple) qui vont avoir un langage hyper pointu et technique mais il introduit après 200 pages une espèce de jeune mec un peu rebelle qui fume des gros joints et le fait parler avec un langage de jeune absolument INSUPPORTABLE. C'est à s'arracher les yeux tellement c'est ridicule, bordel de merde, c'est un mélange d'argots prétendument contemporain avec des mots anglais, du parler gitan (marave, latchave etc...), des néologismes mongols etc... Chaque phrase de ce mec te donne envie de jeter le bouquin par la fenêtre et j'exagère même pas. Surtout qu'il devient un personnage central parce que pas impliqué dans le récit dont une espèce de narrateur qui regarde les autres persos avec une certaine distance.
On sait que Damasio est passionné par les mots, par la langue, qu'il adore jouer avec ça et que le langage est sans doute la matière première de son roman. Mais c'est raté, c'est abrasif, irritant, ça te sort en permanence du roman et pire que tout ça le vulgarise terriblement, ça le rend tristement puéril comme si un vieux essayait de parler jeune avec des clins d'oeil. C'est horrible.
Comme je l'ai lu ailleurs c'est vraiment un mélange raté de ses deux premiers romans, tout était déjà là dans
La Zone du Dehors pour tout ce qui est politique et
La Horde pour la construction du livre, pour l'idée du groupe et pour certaines scènes un peu épiques. Une fois de plus fois assez étonné du consensus critique sur le roman qui, je le répète, est parfois passionnant et brillant mais bordel le pavé qui te reste sur l'estomac... Grosse déception (et je vais revendre le bouquin).