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Dans la plaine orientale Corse, Casabianda est un centre de détention très singulier, au sein d’un vaste domaine agricole. Cette prison qu’on dit « ouverte » n’a rien à voir avec les prisons habituelles : à la place des barreaux, des murailles ou des miradors, les arbres, le ciel et la mer…
Au fil des saisons, une année durant, Guillaume Massart s’y est rendu afin de comprendre ce que change cette incarcération au grand air. Sous les frondaisons ou sur la plage, la parole des détenus, d’ordinaire passée sous silence, se libère petit à petit…
Au vu du titre et du synopsis, je m’attendais à une exploration géographique d’une prison expérimentale, et pas à un procédé privilégiant autant la parole (des détenus, mais aussi du réalisateur). D’ailleurs, quelle surprise d’apprendre que cette prison existe depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale et n’a rien d’expérimentale.
Bref, malgré mes attentes par rapport à ce qu’allait être le film, j’ai dans un premier temps apprécié la manière dont le film nous fait rentrer dans l’univers, ce plan large initial au cours duquel l’interpellation de l’équipe par un détenu est gardée telle quelle, ces visions sur la plage et dans la forêt, puis ces entretiens qui débutent. Ca désarçonne pas mal, on a du mal à comprendre comment tout cela fonctionne mais la procédé est diablement efficace parce qu’immersif dans la démarche même du réalisateur.
J’aime comment certains détenus s’imposent dans le récit, comment leur cheminement les fait s’imposer, le cas le plus frappant étant Mickaël, qui veut flouter son visage au début et qui aura les analyses les plus fortes sur sa condition et lui-même. Ses 2 moments phares (son deuxième entretien il me semble, dans sa chambre, et la conclusion) sont absolument bouleversants et éclairant. Et je trouve très bien vu de ne pas en faire une figure exemplaire (ce qui serait trop facile), et de maintenir aussi les autres discours qui nous laissent plus dans le vague. Il y a vraiment une justesse dans la distance prise avec les détenus, ni trop loin ni trop près, dans l’empathie juste ce qu’il faut mais sans les dédouaner de quoi que ce soit, qui donne toute sa force au film et qui m’a beaucoup touché.
Le fait que le réalisateur intervienne en parlant avec les détenus pourrait vraiment bloquer le procédé, par mise en avant déplacée de l’ego ou rupture du dispositif filmique (sur le papier en tout cas ça a tout pour me faire peur), mais pour me répéter, tout le dispositif est d’une justesse exemplaire. Il y a d’ailleurs des répliques cultes de certains détenus qui marquent profondément (le discours sur la réinsertion, le guitariste qui calme tout le monde dans un moment plus festif, l’auto-analyse de Mickaël et sa catharsis finale), et réussir à faire jaillir ces moments-là auprès des criminels dont on s’imagine forcément qu’ils sont les pires personnes sur Terre suffirait à la réussite du film.
Bref, le film est assez dense et a un sujet très ambitieux, je vais continuer à le digérer... J’ai failli dire qu’il tient sur un fil mais ce n’est pas vrai, il a les deux pieds bien posés au sol mais suit son chemin de crête jusqu’au bout : donner la parole aux coupables pour interroger tout le monde.
PS: pour la date, 2019 c’est bon ? Je vois 2017 par ailleurs…
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