Billy Budd a écrit:
Qui-Gon Jinn a écrit:
Je me devais de partager cet article du Monde sur les étudiants des écoles de cinéma et d'art et leur rébellion contre les icônes décrétées "problématiques".
https://www.lemonde.fr/culture/article/ ... _3246.htmlQue reprochent-ils à Tchekhov et Koltès ?
Citation:
Partout, des professeurs sur le gril. En février 2020, à Paris-VIII, une historienne travaillant sur les représentations de l’affaire Dreyfus met le film de Roman Polanski à son programme. La séance est interrompue. Un an plus tôt à la Sorbonne, Les Suppliantes , d’Eschyle, sont bloquées parce que le metteur en scène, Philippe Brunet, spécialiste de la Grèce antique dont il dit suivre la tradition, a maquillé une Danaïde couleur cuivre : délit de « blackface ». Ici, c’est un linguiste tenant une conférence anti-écriture inclusive qui est arrosé d’urine ; là, une professeure qui écrit « chère madame » à ses élèves se retrouve attaquée parce que le « chère » est jugé familier. « C’est une génération hypersensible » , se désole un professeur confronté à une étudiante horrifiée par la photo de Richard Avedon, Dovima with Elephants (1955), qui heurte ses convictions animalistes. Combat de nègre et de chien s (1979), la pièce de Bernard-Marie Koltès, reste elle en travers de la gorge d’élèves de Paris-III. La liste est sans fin.
« Juste de la hargne contre notre autorité de la part de quelques harpies débiles » , s’emporte un prof d’histoire de l’art. Attaqué pour ses manières d’un autre âge – du genre à dire à une étudiante qu’elle est « jolie comme une sculpture de porcelaine » –, il a fini, poussé par son administration, par partir à la retraite bien avant ses 64 ans. Au commissariat de police où il avait été convoqué, l’inspectrice lui avait signalé : « Vous montrez des nus dans vos cours ! » Il en rigole encore. « Je travaillais sur l’arte povera et l’art brut, je n’ai jamais montré de nus, mais je lui ai conseillé d’aller faire un tour au Louvre. » Convoqué au commissariat, Didier Morin l’a été lui aussi. L’homme qui, aux Beaux-Arts de Marseille, faisait étudier Le Mépris aurait, à la cantine, touché avec son plateau-repas les fesses d’une élève. Non-lieu judiciaire, opprobre public. Il a quitté l’enseignement.
Citation:
La photo des élèves du Conservatoire, témoigne-t-elle, a changé en dix ans. « On est passé de 15 % de boursiers à quelque chose comme 60 % aujourd’hui. Nous enseignons à des personnes qui ont lutté pour être là. Et qui doutent que le monde du théâtre et du cinéma les attende à bras ouverts… » Claire Lasne Darcueil est de celles et ceux qui prennent ce mouvement « comme une chance, une voie à suivre » . « Dès que des gens protestent fort, on dit qu’ils protestent trop fort, et mal, qu’ils sont dangereux. Alors que j’ai en face de moi des gens qui me font découvrir des choses. Même sur Tchekhov, mon auteur, mon chéri… » Et de citer l’acte III d’ Oncle Vania , lorsque Astrov arrache un baiser à Elena Andréevna : « C’est le classique “Tu me dis non, mais tu veux dire oui.” Il y a encore trois ans, ça ne me faisait rien. Aujourd’hui, ça me saute aux yeux. Du coup, on l’a travaillé. Quinze versions différentes, quinze interprétations, c’était très riche. La question, c’est d’interroger le répertoire, pas de le mettre à la poubelle. »