Pour Steve Murphy, cette histoire de viol est une caricature inventée par les lecteurs/biographes qui n'aimaient ni la Commune, ni les homosexuels:
Citation:
Par la suite, le colonel Godchot et Pierre Arnoult, avec force détails pittoresques, transformeront ces scènes, pour lancer une variante encore plus corsée de cette caricature anti-communarde. En un mot, ils ont inventé le viol de Rimbaud. Rimbaud aurait été violé par des Communards avinés. Pourquoi ? Parce qu'il avait de longs cheveux de fille. Parce que, surtout, ces soldats crapuleux se fichaient des prétentions politiques de Rimbaud. Enfin, parce que, évidemment, ces critiques ne voyaient dans la Commune qu'une fête des paresseux, des fainéants et des ivrognes, maquillée en révolution politique. [...] Il va sans dire que cette représentation de l'ouvrier cadre entièrement avec l'imagerie versaillaise de 1871, de l'idée que se faisaient les bourgeois de la « crapule », de la « populace », des « horribles travailleurs » — avec le discours, précisément, contre lequel Rimbaud a écrit Le Forgeron, Rêvé pour l'hiver, Chant de guerre Parisien, Les Poètes de sept ans, L'Orgie parisienne, Les Mains de Jeanne-Marie...
Nunez écrit sans broncher dans son thread que la Commune pour Rimbaud, "c'est très probablement un souvenir terrible", alors que tous les textes qu'il écrit à cette date (milieu 1871) disent précisément le contraire.
Sur ce sujet, Murphy, prudent, conclut seulement ceci:
Citation:
Le récit du viol faut-il le dire ? — est aussi absurde qu'il est grotesque. Aucun témoignage, aucun détail biographique, ne permet de lui donner un regain de vraisemblance. Bien qu'Etiemble l'ait réfuté, documents en main/1961, 189/, il a été repris, sous une variété de formes, par un nombre considérable de commentateurs.
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Jean-Pierre Chambon a fait observer que le déroulement du poème pouvait difficilement s'appliquer à un viol par des Communards, puisque les mots "troupe" et "pioupiou" furent appliqués à l'époque non aux Fédérés, mais au contraire aux Versaillais.
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Claude Zissmann, à son tour /1981/, a fait remonter ce viol hypothétique au moment de l'incarcération de Rimbaud à Mazas, en 1870. En soi, cette hypothèse, s'il faut adopter absolument une lecture biographique, est la plus vraisemblable des trois, puisque Rimbaud a fait état, en racontant ce séjour à Izambard et à Delahaye, de mauvais traitements, voire d'un passage à tabac et d'initiatives sexuelles de la part d'autres détenus/v. Izambard, 67, EigG 177/. [...] Rien n'indique toutefois un véritable viol.
Quoi qu'il en soit, c'est une simplification de lire ce texte comme une confession alors qu'il date du moment où Rimbaud s'exclame que "Je est un autre", qu'il faut en finir avec la "poésie subjective" et les plaintes du moi romantique...
L'erreur, c'est de croire que, parce que l'évocation du viol est dissimulée dans le poème, alors c'est forcément que ça correspond à un secret que Rimbaud voudrait cacher. Mais ce n'est pas parce que c'est caché que c'est un secret: c'est seulement le fonctionnement ordinaire d'une métaphore, qui dit une chose et en suggère une autre et joue sur ces différents niveaux de sens; et c'est aussi le fonctionnement ordinaire des blagues scabreuses qui font rire parce qu'elles dissimulent un sens sexuel derrière un discours en apparence sérieux.