Forum de FilmDeCulte

Jacques Arnault, président de l’ONG "Move for kids", a convaincu des familles françaises en mal d’adoption de financer une opération d'exfiltration d'orphelins d’un pays d’Afrique dévasté par la guerre. Entouré d’une équipe de bénévoles dévoués à sa cause, il a un mois pour trouver 300 enfants en bas âge et les ramener en France. Mais pour réussir, il doit persuader ses interlocuteurs africains et les chefs de village qu’il va installer un orphelinat et assurer un avenir sur place à ces jeunes victimes de guerre, dissimulant le but ultime de son expédition...

S'intéressant à l'affaire de l'arche de Zoé, Joachim Lafosse retrouve un fait divers à la mesure de sa propension à fouiller dans l’ambiguïté humaine. Débutant comme une noble mission humanitaire portée par le but de sauver des orphelins, Les chevaliers blancs entrevoit de plus en plus les failles d'une grande opération de récupération d'enfants à récupérer coûte que coûte car déjà promis à l'adoption, quitte à user de mensonges et de pots-de-vin. Perclus de risque et de doutes, le groupe interprété par un casting poids lourd (Lindon en leader charismatique pas très net, Bourgoin en volontariste acquise à la cause, Donzelli en journaliste héritant de la position d'observatrice à la Polisse en plus impliquée mais renvoyant toujours l'opération à son étique de charity business, ou encore Reda Kateb et Yannick Renier) tangue à toute embûche, hésitant constamment entre un rôle de sauveurs providentiels ou de mercenaires irresponsables, tandis que les familles africaines semblent se débarrasser de leurs enfants aussi bien pour leur permettre d'entrevoir un avenir que contre un bakchiche. Autant de zones d'ombres et de questionnements que la neutralité de Lafosse capte sans prendre réellement parti entre sauvetage de façade et colonialisme déguisé.
4/6

La neutralité, c'est exactement ça qui était déjà à l'oeuvre de son film précédent.

Oui mais là c'est vraiment cette absence de point de vue et de jugement qui limite le propos du film alors que ça ne m'avait pas gêné dans son précédent. Soyons clairs, le film captive et intrigue dans sa proposition de cinéma mais est finalement un peu raté malgré toutes ses qualités. Lafosse arrive à saisir de manière passionnante et très juste les relations Nord-sud dans cette description de pieds nickelés ambigus qui pensent faire le bien et avoir la morale de leur côté. Ce genre d'illuminés humanistes inconscients de leurs actes qui ne se rendent pas compte de la portée de leurs actes. Il y a des scènes franchement réussies où la fougue de Lindon fait merveille (ex: l'engueulade avec Reda Kateb sur le surplus d'enfants dans l'avion) et je trouve la description des difficultés "africaines" entre le bakchichs, le bordel des villages et des péripéties par rapport à la sélection des enfants très pertinentes. Et puis dans un premier temps j'adore cette mise en scène sèche de Lafosse qui va droit au but sans malheureusement éviter dans un second temps une certaine platitude avec toujours les mêmes villages, discussions avec les chefs, etc.... Bref il y a pas mal de points positifs mais je trouve que ce choix de neutralité se retourne ici contre Lafosse. On est bien captivé mais il manque ce vertige, cette hauteur qui fait que le film n'arrive pas à nous laisser une trace preignante après sa vision. Il aurait fallu un point de vue plus fort, osons le je trouve même qu'une mise en scène fusionniste à la Rosetta aurait été mieux adaptée au pitch de Lafosse.
Après j'arrive pas à être dur avec le film car je trouve la proposition de cinéma passionnante, le film tente beaucoup de choses et rien que pour ça je ne regrette pas de l'avoir vu. Après, il y quelques défauts comme le fait qu'on soit un peu largué au début et quelques comportements et dialogues qui sonnent faux (pas convaincu par la journaliste) mais il faut reconnaitre que Lafosse est un remarquable directeur d'acteurs. Plus que Lindon, je préférerais mettre en avant Bourgoin et Donzelli qui sont ici excellentes. En fait, je crois que je préfère ses premiers film comme Nue propriété et Elève libre qui jouent moins la carte de neutralité et sont peut-être moins maitrisés mais me remuent beaucoup plus. Mais je conseille vraiment celui-ci, même si on n'accroche pas c'est le film qui ne laisse pas indifférent et qu'on ne regrette pas d'avoir vu.

3.5/6