Pour toi Castorp, j'ouvre un topic d'un film ancien. Joyeux Noël.
Écrivain vieillissant, Alexandre (Alain Delon) vit en monarque au fond du Mexique. Entouré de sa cour (personnages étranges et mystérieux), il trompe l'ennui par l'alcool, la boxe, les femmes et la montgolfière. Désireux d'acquérir les droits d'adaptation du premier roman de l'artiste, le producteur Filippi (Karl Zéro) et son actrice Laure (Arielle Dombasle) arrivent bientôt dans la vie de l'auteur célébré. Alexandre et Laure vont, peu à peu, se rapprocher et déclencher au sein de la communauté les passions les plus extrêmes.C'est forcément un peu facile de tirer sur le corbillard, et pas très sain d'en attendre, à peine inconsciemment, un ratage pour conforter son avis sur BHL... Tout ça pour dire que j'ai conscience de mes préjugés et de ma mauvaise foi en abordant le film et sa « critique », mais c'est objectivement raté dans les grandes largeurs. Je ne doute pas que BHL avait envie de faire un bon film, qu'il avait de bonnes intentions, l'envie de brasser des thèmes larges (la littérature, le rapport à la fiction, la Révolution en Amérique latine, et allez, l'amour!) et avait des références d'inspiration précises, mais le résultat montre un manque de recul et un manque de modestie évidents. J'ai vu sur la page wiki que le budget était de 53 millions de francs (la page wiki indique d'ailleurs que BHL était président de la commission d'avance sur recettes, classe), et c'est dingue de constater à quel point le film fait amateur .
C'est mal cadré, mal monté, mal éclairé, mal écrit, mal joué de bout en bout. Dès la séquence d'ouverture c'est catastrophique, avec notamment un Karl Zéro complètement mauvais, c'en est gênant. BHL n'a jamais été derrière une caméra avant ça (si je ne m'abuse), et ça se voit tout le long. Je le dis en toute humilité parce que je ne suis pas réalisateur, mais en tant qu'adulte un peu cinéphile, je n'ose pas imaginer me lancer dans un projet comme ça sans que le résultat soit inévitablement pourri. Mais même au-delà de l'inexpérience, franchement, le combat de rue du début, qui écrit un truc comme ça à l'âge adulte ?
C'est incroyable à quel point le film est ringard. On n'est pas devant
Cinéman, qui se noie totalement mais qui A LA BASE tente un peu un truc... On est devant un des ces films érotiques du dimanche en troisième partie de soirée sur M6 (la belle époque). Je déconne pas. Arielle Dombasle (à ce stade, vous aurez noté que je ne me ferai pas chier à nommer les personnages) regarde depuis le pas de la porte Denicourt et Beauvois en train de baiser, Alain Delon regarde depuis sa montgolfière Dombasle en train de se foutre à poil sur le balcon (normal), Alain Delon regarde depuis la falaise Dombasle et Beauvois s'engueuler, Karl Zéro voit Delon bouffer la chatte de Dombasle en ombres chinoises, Bacall regarde les hommes discuter depuis le balcon, et Denicourt à poil gifle Dombasle à poil dans une scène mythique...
Pour les « thèmes » « abordés » et la trame générale, c'est fait n'importe comment. Toute la sous-intrigue sur les révolutionnaires, le truc avec les serviteurs, le rapport à la littérature, le rapport au passé, c'est quand même assez creux. J'ai fini de regarder le film il y a 2-3 semaines (maté en 2 fois), et j'ai déjà oublié mes pseudo tentatives d'analyses sur les quelques idées qui émergeaient de tout ça. Et tous les personnages sont antipathiques. Tous. Il y a pas un seul auquel on peut s'accrocher.
Et puis c'est mal joué. La palme à Karl Zéro évidemment, mais globalement on sent que le mec a jamais dirigé un acteur. Ils sont tous en roue libre, c'est grave. Et puis c'est quoi cette visière que porte Delon ? Le mec ne joue pas le philosophe en rupture, il joue le vieux beauf blasé.
Dans les scènes mythiques, on peut aussi citer le combat de boxe tout pété (info wiki : «
Alain Delon aurait longtemps refusé que son personnage perde son duel de boxe »), ou cette conclusion pendant laquelle Dombasle meurt (spoiler, désolé) dans une fusillade moisie du cul, puis Delon qui apprend la nouvelle en public, dans sa nacelle de montgolfière prête au décollage, par un mec qui ACCOURT lui annoncer la nouvelle et la lui CHUCHOTE à l'oreille, Alain Delon donc, qui (SPOILER) décide de partir sur le champ (sans avoir vérifier la nouvelle) en montgolfière et de la faire exploser en plein vol.
Anyway. BHL a l'air de défendre son film encore aujourd'hui, je sais pas si c'est de la mauvaise foi ou un manque total de recul. Franchement, sans vouloir faire la police du bon goût, ça me semble difficilement défendable au-delà d'un certain point. J'aime bien la citation de Chabrol : «
Là, c'est très intéressant comme cas. C'était très mauvais. Je le connais un peu parce que nous étions ensemble à l'avance sur recettes. Il est loin d'être bête. Il est intelligent et même subtil. Mais il a fait le film le plus con de l'année. Le plus grave c'est que tout le monde le lui a dit mais il refuse de le croire. Il pense qu'il est en avance. L'auteur de L'Invasion des tomates géantes pensait peut-être qu'il était un génie mais il ne l'a jamais dit. ».
Quelqu'un a vu
Autopsie d'un massacre (doc qui revient sur la sortie du film et la réception critique) ? C'est trouvable quelque part ?