A quelques jours de son procès pour les crimes commis sous les traits du Joker, Arthur Fleck rencontre le grand amour et se trouve entraîné dans une folie à deux. J'avais trouvé le premier film excellent à sa sortie mais je ne l'avais pas revu depuis, craignant un film qui aurait perdu de sa force hors de son zeitgeist. Mais il n'en est rien, il reste ce geste subversif appliquant à un laissé-pour-compte un traitement réservé aux héros de manière à questionner le monde qui l'a engendré.
C'est pourquoi l'idée d'une suite m'a toujours paru mal-avisée.
Lorsque Phillips annonce qu'il s'agit d'un
musical, j'avoue que ma curiosité fut piquée et je jubilais déjà à l'idée que les incels glorifiant le premier allait déchanter face à une suite s'inscrivant dans un genre plus ou moins
queer-coded.
Mon instinct ne m'avait pas trompé. Cela dit, ce ne sont pas les quelques numéros musicaux qui défriseront le plus les stans mais l'entreprise générale du film qui, à l'instar de
Batman v. Superman, incorpore l'accueil réservé au précédent pour mieux le dénoncer.
En effet,
Joker : Folie à Deux est un film dont l'objectif semble être de brocarder la partie du public qui voit en ce Joker un modèle à suivre. Je mentirais si je disais que je ne trouvais pas ça assez audacieux de la part de Phillips qui a toujours été un provocateur et qui tente ici de se faire aussi subversif envers son propre film et son succès qu'il ne l'était la première fois...mais l'exécution laisse malheureusement à désirer. Mais genre de ouf.
C'est pas inintéressant de prendre Harley Queen aka LA groupie du Joker, pour faire d'elle l'une de ses meufs qui tombent amoureuses de taulards et simultanément la représentante de tous les Jean-Joker qui glorifient Arthur Fleck comme certains mecs de cités sucent Tony Montana (dans le film, l'histoire d'Arthur a fait l'objet d'un téléfilm qu'elle a vu
"5 ou 6 fois" et qu'elle trouve
"génial" alors que la voisine du premier film, où elle était une sorte de garante de l'objectivité, le qualifie de
"nul" plus tard). Mais Lady Gaga est sacrifiée dans un rôle qui consiste à la voir jouer exactement la même scène de
"t'es le meilleur, je crois en toi" tout au long du film, en dehors des numéros musicaux.
Le premier film voyait déjà Arthur danser et fantasmer des choses qui n'étaient jamais arrivées donc l'évolution vers le
musical n'est pas saugrenu mais leur inclusion est inorganique et ne sert qu'à expliciter de façon grossière l'idée qu'Arthur se leurre lorsqu'il se voit en Joker (et dans une romance "de cinéma", reprenant de vieux standards du genre, lui des chansons d'amour, elle des chansons de gloire) et que la réalité est qu'il n'a rien du révolutionnaire que les gens voient en lui mais demeure simplement un homme en mal d'amour.
Je trouve dommage de balancer bébé avec l'eau du bain en reniant la portée politique du premier film...qu'on va quand même ressasser pendant DEUX HEURES VINGT de film de tribunal chiant en guise de commentaire de texte. Quelqu'un sur Twitter comparait ça à l'épisode final de
Seinfeld où les personnages vus au cours de la série viennent témoigner contre les héros. On dirait la fanfiction d'un spectateur énervé, c'est narrativement inerte.
Visuellement, c'est toujours franchement soigné, avec même cette fois quelques plans-séquences bien sentis, mais les numéros musicaux manquent cruellement d'inspiration et Phoenix chante aussi mal qu'il joue bien.
C'est un film qui se croit malin à justifier son existence en contre mais qui est globalement raté de bout en bout.