Sam & Max: Saison 1 (Telltale Games, PC, 2006-2007)Après la claque The Walking Dead, je me suis dit qu'il fallait que je creuse un peu le répertoire Telltale. Une promo sur GOG plus tard je me suis donc lancé dans la première saison de Sam & Max, suite d'un classique du Point and Click de LucasArts initiée par des anciens de la boîte. On n'ira pas chercher plus de point commun avec Walking Dead que celui de la construction sérielle en épisodes, les deux jeux sont aussi différents qu'une sitcom peut l'être d'une série dramatique. Le jeu reprend d'ailleurs beaucoup des codes des productions télévisuelles dans sa construction: Le jeu est constitué d'un canevas de personnages, de lieux et de situation qui se répètent d'épisode en épisode (le départ au commissariat, l'épicier du coin paranoïaque etc.) sur lequel viennent se greffer de nouveaux éléments (un lieu supplémentaire à chaque fois qui définit presque un nouveau genre). Chaque épisode offre une orientation spécifique d'un univers préétablis, une histoire close avec une petite ouverture à la continuité.
Cette construction a des effets à la fois positifs et négatifs. Le jeu parvient parfaitement par exemple a jouer de cette répétitivité sur le plan de l'écriture et de l'humour, le motif du running gag y est ainsi tiré à son maximum. Au niveau du gameplay par contre, le jeu pâtit quelques peu des sempiternels allers-retours peu fluides entre les mêmes décors, même si il arrive à les faire varier d'un épisode à l'autre. Il y a une certaine pénibilité dans l'évolution dans le jeu, chose toujours assez difficile à gérer dans un Point and Click. Ici, les énigmes demandent beaucoup de circulation et les déplacements ne sont pas facilités.
Ce petit souci d'ergonomie passe cependant au second plan tant l'écriture du soft et le développement de son humour est réussi. Délire complet et de plus en plus absurde du scénario (on passe de la mafia du jouet à la lune en passant par la maison blanche, un plateau de TV et une réalité virtuelle avec un passage incroyable en mode texte), dialogues aux petits oignons avec une certaine attention au gameplay (certains types de répliques changent en fonction de la répétition), personnages géniaux (là le jeu va très loin: Coq star du petit écran, organisation d'appareils technologiques obsolètes anthropomorphiques, statue vivante de Lincoln) le jeu est vraiment, vraiment drôle et parvient toujours à surprendre par ses situations inimaginables.
5/6
Super Castlevania IV (Konami, SNES, 1991)Guttural. C'est le premier mot qui me vient à l'esprit tant tout le jeu exhale une espèce de rigueur nordique impitoyable. De toute évidence, Konami a parfaitement compris comment rendre palpable ce folklore européen rugueux et sombre. Ca passe par l'univers du jeu graphique et musical: des châteaux rocailleux aux caves osseuses et bibliothèques hantées et leur bestiaire, compilation exhaustive de tout ce qu'a pu générer le fantastique occidental aux XVIII et XIXe siècles (squelettes en tout genre, chauves-souris, momies, morts-vivants, vampires, fantômes etc.), et les musiques castlevaniesque à souhait qui viennent apporter un souffle épique à la conquête de ces terres hostiles. Mais ça se ressent surtout dans le gameplay, d'une rigidité étonnante. Le personnage est lent, les sauts lourdingues, c'est rugueux jusqu'à l'absurde (et encore plus en PAL). Le level design est à l'avenant, dirigiste et impitoyable, rempli de pièges et d'ennemis à pattern. Vous allez filer droit croyez moi. Le jeu va même jusqu'à profiter d'absurdités de gameplay comme l'impossibilité de sauter lorsqu'on a emprunté un escalier pour mettre des bâtons dans les roues au joueur.
Et il y a les boss. Alala les boss et leurs patterns réglés au millimètre pour que le moindre pas de côté soit sanctionné. Le dernier level qui vous en fait enchaîner 4 pour se terminer par un Dracula légendaire va vous faire suer du sang.
Mais dans ce monde lourd et brutal, il y a votre fouet, arme principale du jeu (que l'on peut varier avec une arme projectile secondaire à utilisation limitée), d'une extrême souplesse puisque l'on peut, en laissant le bouton appuyé le manier absolument librement pour en faire comme une sorte de bouclier mouvant. On a alors l'impression étrange de diriger un serpent fou et agile attaché à cette enclume qu'est le personnage. Un soupçon de légèreté bienvenu dans cet enfer brutal.
4-5/6 de maso
Monument Valley (Ustwo, IOS/Androïd, 2014)Petit jeu sur smartphone qui lorgne du côté de FEZ en beaucoup, beaucoup plus simpliste avec ses puzzles apaisés qui jouent sur des paradoxes de perspectives. Plutôt que la réflexion en elle-même c'est plutôt le parcours de cet univers zen au design vraiment agréable qui procure le plaisir de jeu. La petite narration en filigrane n'est pas très poussée mais offre une beau moment d'amitié avec un totem (je me comprends). C'est très indé, peut-être un poil trop propre et mignon pour transcender et surtout très court (à peine plus d'1 heure) mais ça reste une assez belle expérience pour quelques euros (je l'ai eu en solde à 1 euro et quelques).
4/6
Blackwell Legacy, Unbound, Convergence, Deception (Wadjet Eye Games, PC, 2006, 2007, 2009, 2011)Grande découverte que cette série indé de Point and Click, loin des canons du genre. Dave Gilbert (le créateur) a construit un univers mi-urbain mi-ésotérique, jazzy et mélancolique, entre Twin Peaks et Daniel Clowes, entre incommunicabilité des êtres et communication des esprits. On y incarne Rosangela Blackwell, new-yorkaise trentenaire, journaliste neurasthénique qui hérite d'un fantôme encombrant sorti d'un vieux film de gangster avec lequel elle va devoir composer pour renvoyer dans l'au-delà les esprits égarés. Plus que des énigmes, les jeux se présentent comme une série d'enquêtes dont les mécaniques évoluent au fil des épisodes (dialogues, recherches internet, switch entre Rosangela et Joey- le fantôme qui peut traverser les portes mais rien attraper). Ces enquêtes doivent mener à ce qui constitue le grand projet de ces jeux qui est de mettre à jour une connexion souterraine entre ces âmes broyées par la ville qui ont tenté en vain de résister à ses mécanismes impitoyables et qui s'accrochent à leur illusion (l'objectif est de faire réaliser aux fantômes qu'ils sont morts pour les diriger vers l'au-delà). C'est d'une grande humanité dans l'écriture et l'interprétation, fines et sensibles, qui se maintient d'épisode en épisode (me manque le dernier, sorti cette année, néanmoins). Vraiment une petite perle, perfectible dans ses mécaniques et son habillage mais qui sait faire exister ses personnages sans esbroufe conceptuelle et parler du monde humblement avec une grande justesse.
6/6