aka Procès de singe (ou Le Souffle de la haine?)Un jeune professeur du Tennessee est arrêté en 1925 pour avoir donné cours sur les théories évolutionnistes de Darwin. Un procès a lieu...Contrairement à
Jugement à Nuremberg, sorti l'année suivante, ce Kramer-là ne figure pas sur la liste de l'AFI des meilleurs films de procès mais sur celle de l'association du barreau US. Et probablement sur la mienne désormais, ayant été davantage convaincu par celui-ci que par son autre excursion historique dans le genre.
Adapté d'une pièce qui change les noms des personnes réelles (nul autre que Clarence Darrow pour la défense et bel et bien un triple candidat à la présidence pour l'accusation), le film colle apparemment davantage aux faits. Il faut dire que c'est déjà une histoire assez dingue à la base, avec un beau terreau merdeux de bigoterie doublée d'un complexe d'infériorité et donc d'un intérêt vaguement hypocrite (la petite bourgade voit le procès comme une manière d'être
put on the map) auquel on va prêter toute la médiatisation possible (juristes illustres, journaleux cyniques) parce que les faits sont incontestables (le prof a bien enfreint la loi vu que celle-ci interdit l'enseignement de Darwin et qu'il l'a fait) et que tout se joue ailleurs (c'est même plus ouf dans la réalité car l'accusé s'était porté volontaire pour servir de coupable afin que le procès ait lieu et puisse servir de réfutation publique d'une loi estimée injuste).
Du pur point de vue du film de procès, il est donc intéressant de voir comment la défense peut contourner les faits afin de
hate the game, not the player (ou le tricheur plutôt). Et entre le politicien mi-amuseur beauf mi-prêcheur grandiloquent et le ténor du barreau tantôt rigolard tantôt indigné, c'est un véritable festival. Le film dans son ensemble parvient à nous faire passer régulièrement du rire (ah l'ironie des chrétiens qui appellent au lynchage) à la révolte (que les mentalités semblent parfois ne pas avoir évolué en 100 ans demeure déprimant).
La fiction en rajoute une couche en créant une idylle entre le prof accusé et la fille du révérend zélote mais là où ça pourrait paraître artificiel, l'écriture s'en sert pour donner une dimension plus personnelle à une intrigue qui aurait tôt fait de risquer l'oubli de l'humain dans le combat d'idéologies. Et c'est justement dans l'aspect exhaustif du récit, qui s'intéresse donc autant au point de vue des avocats que de l'accusé que de sa meuf que du père de celle-ci et évidemment que du journaliste campé par un Gene Kelly qui donne tout son charme et son charisme à un connard à deux doigts du charognard, que le film trouve son humanité, en explorant celle de chacun de ces personnages. Le réel argument résidant non pas dans la validation d'une théorie au détriment d'une autre mais simplement dans la liberté pour chacun de penser ce qu'il veut (à l'époque, c'était évidemment une métaphore du MacCarthysme).
La mise en scène est remarquablement moderne. Kramer ne donne pas cette fois dans les travellings circulaires à outrance pour animer le prétoire mais garde sa caméra mobile, motivant les mouvements par ceux des personnages ou par le flot organique de la pensée, réussissant à conférer une certaine légèreté salutaire à un scénario aussi dense tout en conservant la tension nécessaire en faisant durer les plans, en se rapprochant des personnages, de leurs visages perlés de sueur.
Tip top.