Je rejoins le point de vue général. Un beau plan (la voiture ensanglantée) et Jeremy Irons qui dit les deux les répliques les plus brillantes du livre, puis ça part en mode tâcheron, comme si Alan Parker faisait un remake de Salo ou d'Au Nom du Père de Bellochio ou de Dillinger est Mort avec des bouts de vieux John Boorman qui flottent comme des croutons à l'huile assortis de rouille masquant la fadeur d'une fausse soupe de poisson à 6€. Weathley a tellement peur que l'on en comprenne pas le sous-texte politique du film qu'il le détruit en le surlignant et en faisant des tonnes, cela se résume à un mec qui répète en boucle pendant 2h à un psy qu'il fait un métier de collabo, et au bout de deux heures celui-ci répond "certes". Ce n'est pas très troublant. Du coup le film est moins fort politiquement que Shivers ou Gattaca (déjà rétrofuturiste kitsch, et centré sur la défaite de l'utopie architecturale de Lloyd Wright, mais quand-même plus investi). Populisme pas très ragoutant, qui lie la domination de classe a une perversion préexistante en l'autre, en contresens total avec la vision de Ballard -je connais pas très bien n'ai lu que The Drought qui ressemble un peu à cette histoire et la Foire aux Atrocités que j'ai bien aimés-, et dilue tout ce qui concerne l'écologie ou la surconsommation (et l'idée que la catastrophe est à la fois rationnelle, anthropologiquement et socialement expressive et inintentionnelle). Bel exercice de transformation du rétrofuturisme en prédiction du passé avec le discours de Thatcher sur le capitalisme d'état (finalement le film interprète Ballard comme appelant à la restauration d'un ordre politique rigide et semble vraiment croire que si nos parents avaient voté Labour en 1979, tout irait bien, ou "mieux"). A un moment, quand le maelström d'image apparaît j'ai pensé que cela devenait un film B nostalgique et fétichiste qui ferait un peu avec le brutalisme ce que "l'Etrange Couleur des Larmes de ton Corps" faisait avec l'Art Nouveau pas super intéressant mais se laissant voir (le passage de l'Art Nouveau au Brutalisme serait au moins une forme de démocratisation), mais la tour est quand-même assez cheap ("oui mais c'est du rétrofuturisme"), mais le film retombe après des plombes sur une intrigue à enjeu hyper-psychologique et individuelle (craquera, craquera pas pour Laing, survivra survivra pas pour l'architecte et le journaliste), le montage parallèle est juste une facilité pour ne pas développer les acteurs (pas très bons et il me semble sceptiques quant au contenu de leur rôle, à part Sienna Miller et Moss). Il y avait deux trois trucs qui auraient pu être intéressants, des lieux qui auraient pu être plus investis (notamment la piscine ou le supermarché) mais qui ne dépassent pas le stade du gimmick. Etonnant par exemple que le film n'exploite pas plus les pannes d'électricité pour créer une étrangeté qui s'installe progressivement. Là ce sont carrément les personnages qui racontent le film ou se le font raconter. Les scènes de couples où les acteurs ont plus d'espace et qui pourraient ouvrir sur des ruptures (la dystopie n'a pas évacué le rapport "normal", déjà en lui-même tragique) ne fonctionnent pas très bien (cette façon scolaire de faire répéter au personnage la phrase la plus significative et la plus ambigue du discours de l'autre sans embrayer sur rien). Dilué là dedans il y a trente secondes qui sont bien (la veulerie lisse de Laing à son travail, qui donne une clé: sa jalousie lui permet de tout subir, et les rapports mère-enfants chez la femme du journaliste).
Et c'est long.
Dernière édition par Gontrand le 13 Juil 2016, 19:16, édité 2 fois.
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