Le jour, Maindrian Peace (H.B. Halicki himself) est un jeune assureur dynamique et discret dans la région de Long Beach (une banlieue industrielle et portuaire de Los Angeles assez grise, qui contient des grosses usines automobiles et un circuit automobile connu tracé directement dans les rues de la ville), entretenant des relations cordiales avec la police. Mais la nuit il se transforme en chef d'un groupe de voleurs de voitures, et a su profiter de sa connaissance de la loi et des habitudes de travail des juristes pour monter une stratégie bien rodée: une voiture (souvent une Muscle Car, des coupés américains typique des années 70 avec une carrosserie Fastback et un énorme V8 qui allait chercher dans les 400 chevaux, telle la Pontiac GTO de Macadam à Deux Voies ou la Dodge Challenger de Vanishing Point, très rapides mais peu maniables et ultre-polluantes) est repérée dans une casse puis achetée par la garage au cours d'enchères légales. La même voiture est ensuite volée neuve et les numéros de châssis sont échangés, les pièces fonctionnelles de l’épave récupérées pour la vente, avant que celle-ci soit détruite. D'autre part comme il enquête en parallèle de la police sur les autres vols , il est en position d'"inviter" les meilleurs voleurs amateurs à le rejoindre,
Maindrian Peace a gardé de sa couverture une sorte de trope qui semble saugrenu, mais qui assure en fait la pérennité de son business: il faut à tout pris que les deux voitures aient été assurées, sinon l'exemplaire volé est aussi détruit (la fausse identification doit être traçable). Maindrain se voit proposer 400 000 $ par un trafiquant de drogue mexicain (qui débarque en hydravion) pour voler 48 voitures bien précises en 5 jours. Certains véhicules sont inattendus (des monoplace de compétition) mais l'affaire est menée à bien, grâce à sa sœur. Un conflit l'oppose à son beau-frère, associé, à propos de la drogue, que Peace voudrait maintenir autant que faire se peu en dehors du deale. Il manque juste une voiture, une Ford Mustang 458 jaune. Peace avise la voiture et la dérobe, mais elle appartient à un autre assureur, encore plus véreux que lui, qui décide de le poursuivre... J'ai été étonné, je ne connais pas non le remake , je m'attendais à un film vulgaire et gratuit, mais malgré le fait qu'en comparaison de Malicki et sa famille, Tom Selleck et David Hasseloh ont le niveau d'un acteur comme Charles Laughton, le film est bourré de bonnes idées, possède une consience fine des réalité sociale, et est fort drôle. Le film est centré sur une course poursuite de 45 minutes qui renoue avec l'énergie du cinéma des débuts d'Hollywood. La course poursuite est l'occasion d'une traversée sociale en fait réaliste de la banlieue (Los Angeles apparaît honnêtement comme un paysage monotone, qui en fait pas rêver ni ne fascine par son déclin), il assume son mauvais-esprit par rapport à la police (complètement ridiculisée), les propriétaires de voitures de sports sont montrés comme plutôt cons, et le film développe une attention bienveillante envers l'amorce de la culture hip-hop (il y a des scènes bizarres une Cadillac par un groupe d'ados du ghetto partis en goguette est le seul équivalent exact de Halicki , les seuls personnage du décors qui comprennent la pulsion de Peace et peuvent le saluer, même si c'est de façon biaisée, car si Peace ne les juge pas, c'est qu'il est leur rival dans la course qui va de la marge de la ville vers l'avenue principale ) .
Le film est en fait mélancolique, et est plus une description de la crise qu'une apologie de la bagnole Halicki comprend très bien qu'en 1973 la muscle car américaine est finie, elle n'est plus un symbole mêlent puissance collective et révolte personnelle, mais un futur fantôme condamné/ Peace comme les flics et les médias décrivent une boucle permanente : la bagnole est volée sans qu'il le sache à l'animateur radio qui anime une émission racoleuse qui commente la poursuite (équivalent naze et pantouflard de l'animateur-prophète de Vanishing Pooint). A un moment, Peace, cerné par les flics, est aux abois, et doit continuer la poursuite dans une concession Mazda (ce quir evienttrouver refuge auprès de l'ennemi économique de la bagnole américaine) se faufiler encre les clients pour trouver à nouveau une échapattoire. A la fin du film il fonce vers une accident en chaîne mortel, comparable à ce qu''il aurait pu provoquer, mais qui est justement arrivé spontanément, qui lui donne l'occasion de semer un moment les flics. Ceux-ci n'arrivent pas à arrêter Peace, qui est un danger public, mais le trafic de la banlieue le blesse, le contraignent à freiner, il doit s'arrêter et ralentir, mais c'est l'obstacle qui lui permet de repérer l'opportunité qui le sauve. S' il n'est pas puni de sa folie et de sa démesure, et peut les mener à bien, c'est parce qu'au moment où il met sa folie en œuvre d'autres qu'il ne connaît pas l'a reprises, sous une forme plus lisse et consensuelle. Il se fantasme comme un escroc invisible et total, mais est l'imitateur involontaire d'une révolte qui avait un contenu social plus riche, et il ne s'en sort que parce que cette première révolte a échouée. Cela n'est pas un sous-texte: Halicki le montre au centre d'une farce absurde, en préméditant tous ses effets.
Il y a des plans sidérants, quasi-documentaires sur les débuts de l'informatisation de la police, le travail des opératrice, qui commentent la poursuite à la
THX 1138, d'une voix calme, qui énoncent l’impossibilité de stopper Peace/Halicki.
Le twist du dénouement final est absolument génial et d'un humour subtil, et accentue cette impression de surplace, par la substitution de que l'usage bourgeois a lui-même dévalorisé à l'objet du vol punissable.
Enfin, Halicki, au début du film, filme un mariage dans la communauté polonaise de New York, pour indiquer d'où il vient, et pendant quelque plans, même si c'est maladroit, le film dégage quelque chose d'énorme dont Cimino (au début du
Deerhunter) et James Grey (dans
We Own The Night) ont complètement copié (par ailleurs le clip de « Sabotage » des Beastie Boys est un bel hommage au film).
Fargo des Coen pompe aussi une partie des postulats du film (le concessionnaire de voiture et l’assureur cravaté en business avec sa belle-famille homme encore plus insoupçonnable que le juge dans la mythologie américaine). Débarrassé de sa fixation automobile, en retirant la bagnole et en gardant uniquement la route, le film aurait l'ampleur de
Route One de Kramer.
Quelques scènes comptent parmi les plus drôle du cinéma américain, axé sur le comique vestimentaire : quand Halicki briefe sa famille et coordonne les vols tout en distribuant à ses associés des moumoutes, ou bien les plans sur le tableau de bord de sa voiture d'assureur remplies d'une batterie de plusieurs dizaines de lunettes der soleil sensé conférer une mise à la fois intimidante, anonyme et respectable, à mi-chemin entre l'assureur et le truand.
Beaucoup de sympathie pour la démarche de Halicki, producteur, acteur, réalisateur et cascadeur non doublé (ce qui lui a coûté la vie), à la fois au cœur du système et de la vulgarité du genre et dans un esprit complètement artisanal, essayant de défendre l'aspect subversif de ce qui est forcément une démarche de récupération, ce qui n'est pas si facile. Formellement plus médiocre, mais thématiquement plus riche que le presque contemporain « Plein de Super » de Cavalier.