Avec ce film Letourneur sort un peu de sa zone de confort et abandonne la narration de groupe et le récit réinventé de ses deux derniers (
Le Marin Masqué et
Les Coquillettes). Elle tente quelque chose de beaucoup plus simple et direct où une jeune fille phobique de la solitude, laissée seule dans une grande maison se lie d'amitié avec un genre d'ermite qui vit dans une cabane et qui est fan de Pepito.
D'ailleurs j'ai beaucoup aimé le début où le groupe de potes se barre en mode pas de race dès la troisième scène parce que le personnage principal est insupportable. Au delà de l'humour du truc, j'aime bien comment Letourneur semble s'incarner dans son personnage et se met face à ce qu'elle craint à l'image de son personnage : la peur de la solitude, l'incapacité à exister sans l'autre. On enchaîne avec une partie du film assez drôle où Gaby ramène chez elle tous les poivrots du village un par un pour qu'ils dorment avec elle. C'est quand elle a épuisé le stock qu'elle se tourne vers l'ermite, Biolay, seul dans sa cabane qui s'empiffre de Figolu.
Et là il se passe quelque chose d'assez saisissant où l'espèce de naturalisme obstiné et comiquement trivial et presque enfantin se confond peu à peu avec une vraie dynamique de conte. Incroyablement, ça marche. On finit par se laisser emporter par l'espèce de mignonnerie étrange de ce couple mal assorti où une certaine
magie se concrétise et où on est étonné d'être relativement touché par cette romcom atypique. Lolita Chammah (fille de Huppert je savais pas) est très bien. Elle fait un peu penser à Lena Dunham et surtout son personnage de
Girls, la fille névrosée pas bien belle un peu chiante mais qui est quand même attachante. D'ailleurs même obsession de la pisse chez Letourneur comme chez Denham. On doit bien voir Chammah pisser à l'écran 5 ou 6 fois dans le film, elle pisse partout, s'essuie jamais. On dirait une enfant, elle a envie de pisser elle s'accroupit soudainement et se met à pisser avec Biolay juste à côté. J'aime bien cette espèce de bizarrerie, surtout que ce n'est absolument pas sexualisé ou voulu comme tel. Il y a un truc purement spontané, très primaire. C'est comme la vision des hommes plein de bienveillance où les poivrots du village ne sont pas vus comme des violeurs potentiels mais au contraire comme des bons gars prêt à donner un coup de main.
Gros bémol sur la BO par contre (pas faite par Biolay) qui tente de prolonger justement cette esthétique du conte avec des plages de piano un peu ringardes et des mélodies sautillantes pour la bonne humeur. Je vois ce qu'elle a voulu faire. Essayer d'emballer au maximum ces personnages triviaux et un peu cons sur les bords dans quelque chose de très formaté par l'inconscient collectif du cinéphile. Une musique qui semble parfois issue d'un film familial américain. Mais le résultat est un peu foiré, c'est juste très laid en fait.
Un peu dommage donc, mais j'ai vraiment du mal à en vouloir au film. C'est vraiment sympa (c'est le mot qui veut un peu rien dire et que j'utilisais déjà sur
Les Coquillettes). J'aime bien la légèreté de Letourneur qui cherche jamais à dévier de son petit programme, ne se sent jamais le besoin d'investir autre chose que le superficiel. Moi ça me va.
4/6